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Crime

Margaret Thatcher voulait rétablir la peine de mort pour les « terroristes » d’Irlande du Nord

Des documents déclassés ce mardi révèlent comment l’ancienne première ministre du Royaume-Uni entendait régler les « Troubles ».
Image via AP

« Je pense voter pour le rétablissement de la peine de mort ». C'est ce qu'avait écrit la Première ministre britannique Margaret Thatcher dans une lettre laconique adressée à un jeune chercheur en sciences politiques de l'université de Cambridge.

Cela s'est passé à l'été 1979. Le parti conservateur de Thatcher vient tout juste de remporter les élections législatives après avoir annoncé vouloir rétablir « un État de droit » dans tout le Royaume-Uni et briser les fauteurs de « Troubles » en Irlande du Nord. Mais avec quels moyens ? En juillet, deux mois après son arrivée à Downing Street, la dame de fer faisait feu de tout bois pour soutenir le retour de la peine de mort. Un retour qui visait les « terroristes » de Belfast.

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Ces intentions sont révélées par des documents historiques — les archives du gouvernement britannique des années 1985 et 1986 — qui ont été rendues publiques ce mardi par les n de Londres. VICE News a pu les parcourir.

Image via The National Archives (PREM 19/1782)

Margaret Thatcher n'a jamais caché son enthousiasme pour la peine capitale. En 1969, alors qu'elle est membre du parlement, elle vote contre la suspension de la peine de mort dans les affaires de meurtre. Ce que révèle le document PREM 19/1782 des archives nationales, c'est la volonté de l'ancienne première ministre de déployer la peine de mort en Irlande du Nord, et le fait que ses opposants ont tout fait pour la faire changer d'avis.

Dans les premières pages du dossier, on trouve un document daté du 11 juillet 1979, une lettre au ton suppliant de Sir Joseph Pilling, alors secrétaire permanent du bureau pour l'Irlande du Nord, adressée au Home Office à Londres, le ministère de l'Intérieur britannique. Dans sa note Pilling met en garde. Pour lui « l'exécution de terroristes » aura pour effet « d'encourager fortement la valeur du terrorisme ». Il poursuit en disant que cela « pourrait faire changer l'opinion publique… La faire passer du côté des terroristes, contre l'État. Si on en venait à exécuter des terroristes, ce changement ne concernerait pas seulement les républicains, mais aussi les loyalistes. »

Pilling estime également que le retour de la peine de mort pourrait aussi décourager le témoignage de terroristes repentis. « Les confessions pourraient se faire plus rares si la potence peut se trouver au bout du chemin. » De plus, écrit-il, si on les menace d'exécution, « les terroristes pourraient avoir recours aux prises d'otage. »

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Plus tard la même année, le parlement britannique a voté sur la question du rétablissement de la peine de mort. Une large majorité a voté « non » et la proposition a été rejetée. Après le décompte des votes, Thatcher aurait perdu son calme légendaire et se serait mise à hurler sur les parlementaires du parti travailliste en pleine assemblée.

« L'exécution d'Irlandais sur décision de justice britannique créerait certainement une situation bien pire que ce que nos deux gouvernements ont pu connaitre. »

En 1983, la peine capitale était remise à l'ordre du jour parlementaire. Juste avant le scrutin, une lettre au ton exceptionnellement suppliant est arrivée jusqu'à Thatcher. Elle venait d'Irlande. L'ambassadeur de l'Irlande à Londres s'est fait le messager du ministre irlandais des Affaires étrangères, Peter Barry. Il écrit dans ce courrier daté du 8 juillet 1983 : « L'exécution d'Irlandais sur décision de justice britannique créerait certainement une situation bien pire que ce que nos deux gouvernements ont pu connaitre ces treize dernières années […]L'IRA [Irish Republican Army] et l'INLA [Irish National Liberation Army], ou toute autre organisation terroriste sauraient retourner la situation à leur avantage ».

Au même moment, un autre message est arrivé. Celui-ci est de Pieter Dankert, à l'époque il est président du Parlement européen. Il écrit depuis le Luxembourg à cette « Chère madame Thatcher ». Pour lui, la restauration de la peine capitale « serait une décision horrible et sans précédent. Le Royaume-Uni ferait un grand pas en arrière et perdrait de son autorité morale dans l'union et dans le reste du Commonwealth. »

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Le 18 juillet 1983, Thatcher elle-même a pris la plume pour écrire au professeur John Gunn, un chercheur en sciences politiques de Cambridge. Il avait rédigé un rapport sur les effets possibles du retour de la peine de mort. Thatcher lui répond qu'elle va personnellement voter en faveur « du rétablissement de la peine de mort. »

Et rien n'y fait. Plus tard, la même année, les espoirs de Thatcher sont à nouveau déçus. Une décennie plus tard, le parlement britannique a eu son dernier débat sur la question.

La peine de mort a été suspendue en 1965 en Angleterre, dans le Pays de Galles, et en Écosse. Elle est pleinement abolie en 1969. L'Irlande du Nord interdit la peine de mort quelques années plus tard, en 1973.

Les attentats à la bombe imputés à l'IRA dans le courant des années 1970 font alors militer certains pour un retour à la peine capitale. En 1979, Thatcher « espérait qu'une large part des conservateurs du parlement, qui s'étaient dits favorables à la pendaison, voterait pour son rétablissement, au moins dans des affaires de terroristes meurtriers, et d'assassinat d'officiers de police, » écrit l'ancien parlementaire conservateur Jonathan Aitken dans sa biographie de Thatcher qu'il a publiée en 2013.

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