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Crime

Importante mobilisation au Brésil après le viol collectif d’une jeune fille

La jeune fille a raconté ce week-end à une émission de télévision qu'elle a reçu des menaces de mort parmi les réactions misogynes qui ont suivi son calvaire.
Photo de Leo Correa/AP

C'est un crime qui a choqué le Brésil et qui a fait les gros titres dans le monde. Une vidéo et une photo postées en ligne la semaine dernière montraient une jeune fille de 16 ans déshabillée, couverte de sang et inconsciente, après avoir été violée par plus de trente hommes dans une favela à Rio de Janeiro.

Mais la souffrance de la jeune fille ne s'est pas arrêtée là, révélant l'étendue du problème au Brésil concernant les violences contre les femmes et une culture qui consiste à blâmer la victime.

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La voix déformée pour cacher son identité, la jeune fille a raconté ce week-end à une émission de télévision diffusée en prime time qu'elle a reçu des menaces de mort parmi les réactions misogynes qui ont suivi. Certaines l'accusaient aussi d'être une « poule » de gangster qui participe à des orgies en échange de drogues.

« Je ne peux pas sortir de chez moi. J'ai eu 900 000 messages sur Facebook », a-t-elle déclaré. « Ils ont dit que si j'allais dans certains quartiers ou d'autres, je mourrai. »

Tandis que la police enquête, l'adolescente est devenue le visage d'une mobilisation contre la culture du viol, dans un pays où une femme est violée toutes les trois heures. Des manifestations se sont tenues à Rio et à Sao Paulo vendredi. On attendait des dizaines de milliers de manifestants dans les rues ce mercredi, lors de protestations simultanées à travers le pays. Ellesavaient lieu en soutien aux milliers de Brésiliennes violées chaque année, qui sont souvent couvertes de honte et tenues pour responsables par la société et les autorités.

« L'officier de police lui-même m'a accusé », a assuré la victime dans une interview télévisée diffusée dimanche soir. « Il a posé les photos et la vidéo sur la table. Il me les a montrées et a juste dit : "Alors, racontez-moi." Il a juste dit ça. Il n'a même pas demandé si j'allais bien. »

Au moment où des étrangers inondaient la page Facebook de la jeune fille d'insultes, ce même enquêteur principal semblait encourager la méfiance vis-à-vis du récit de la jeune fille.

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« L'enquête doit être un petit peu plus technique pour déterminer s'il y a réellement eu viol », a déclaré le chef de police Alessandro Thiers lors d'une conférence de presse vendredi.

Ceci en dépit de la vidéo montrant un homme agressant la jeune fille inconsciente, pendant qu'une autre voix déclarait qu'elle avait été violée auparavant par « plus de trente » hommes. On entend un autre homme dire : « Regarde de quoi ça a l'air. En sang. Regarde où le train est passé. » Un selfie, posté sur Twitter, montrait un homme devant la jeune fille nue et apparemment droguée.

L'avocate de la jeune fille, Eloisa Samy, a aussi soutenu que Thiers avait demandé à la victime si elle était « habituée à participer à des pratiques sexuelles en groupe », et si elle avait été « admise par les trafiquants de drogue pour travailler avec eux. »

« Quand même l'officier en charge de l'enquête dans un cas de viol collectif se positionne avec l'intention claire de criminaliser et de tenir pour responsable la victime, même avec toute l'attention des médias, il est facile de voir ce qui fait que tant de femmes — des victimes de viol ou de violence sexuelle, ignorées par les médias — ne réussissent pas à dénoncer leurs agresseurs », a déclaré Samy dans un message posté sur Facebook. Samy ne représente plus la jeune fille, qui est entrée dans le programme de protection de la police.

Pendant ce temps, un tollé général contre la conduite présumée de Thiers a abouti à ce qu'il soit retiré de l'enquête. La nouvelle enquêtrice principale, Cristiana Bento, a annoncé aux journalistes lundi que la vidéo montrait effectivement la jeune fille se faisant violer et présentait un homme qui disait qu'elle avait été violée auparavant par « plus de trente » hommes.

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Bento a aussi déclaré que les analyses physiques avaient été menées trop tard pour fournir toute preuve évidente mais que, lorsqu'il s'agissait d'une agression sexuelle, la parole de la victime pesait plus lourd que celle des suspects.

« Elle a été victime d'abus sexuels et elle est persécutée et jugée », a déclaré Bento. « On devrait s'occuper de cette jeune fille. Je veux identifier chacun d'entre eux et utiliser tout le matériel nécessaire pour les présenter devant les procureurs généraux. »

Depuis ce spectaculaire changement dans l'attitude de la police concernant ce cas, quatre des six suspects identifiés sont maintenant considérés en fuite. Un septième a été identifié et deux ont été arrêtés, y compris le petit ami présumé de la jeune fille, âgé de vingt ans.

Toutefois, Bento a expliqué que la victime n'était plus disposée à parler à la police.

« Elle a peur de parler. C'est compréhensible », a déclaré l'enquêtrice. « Il est clair que la victime est sous pression. »

Bento a ajouté que la jeune fille avait uniquement parlé à la police en premier lieu parce que les images ont fait surface. Elle a aussi affirmé que les trafiquants de drogue dans les favelas violent régulièrement les jeunes filles en toute impunité, parce que les victimes sont trop effrayées pour parler.

Selon les chiffres du gouvernement, huit viols par jour ont été signalés l'an dernier, mais les chiffres ne concernaient que ceux qui ont appelé la ligne directe nationale pour les crimes contre les femmes, Disque 180. Les chiffres réels sont probablement bien plus élevés.

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UN Women au Brésil, une division des Nations Unies consacrée à la lutte pour l'égalité des sexes, a souligné un autre cas récent. Il concernait une autre victime adolescente, qui a été selon certaines informations droguée et violée par cinq hommes dans l'État de Piaui, situé au nord, le même week-end.

« En plus de concerner de jeunes femmes, ces cas barbares sont similaires car les deux adolescentes ont été attirées par leurs tortionnaires dans des pièges prémédités et ont été violemment attaquées dans un contexte d'utilisation illicite de drogue », a déclaré Nadine Gasman, de l'UN Women au Brésil. « UN Women exige une tolérance zéro de la part de la société brésilienne envers toutes les formes de violences contre les femmes et leur minimisation. »

Vendredi, des centaines de manifestants sont venues pour manifester contre la culture du viol à Rio, portant des banderoles et chantant : « Tu touches à l'une d'entre nous, tu touches à nous toutes. »

« Ce n'est pas acceptable de rester silencieuse à ce sujet », a déclaré Paloma Oliveira, une étudiante de vingt-quatre ans, faisant partie des organisateurs de la protestation « No to Rape » (Non au viol). « Un viol, c'est un viol. C'est un crime brutal. Pour moi, il y a besoin de lutter contre le _machisme_. Nous savons toutes que nous sommes victimes de différents abus mais nous n'en parlons pas parce que c'est devenu normalisé. »

Les organisateurs attendaient plus de 20 000 participants à la seule manifestation de Rio ce mercredi.

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« Je suis très triste de devoir en arriver au point où il faut qu'une femme soit violée par trente hommes pour créer toute cette agitation, parce que cela arrive chaque jour », a déclaré Laura Nunes, qui fait partie des organisateurs du mouvement de protestation. « Ce cas est l'exacte représentation de ce qui arrive au Brésil. »

Nunes a assuré que la lutte pour mettre un terme à la culture du viol et aux violences contre les femmes faisait dorénavant face à des défis supplémentaires puisque le gouvernement provisoire actuel est entré en fonction après la révocation de la Présidente Dilma Rousseff plus tôt ce mois-ci.

Michel Temer qui n'a pas réussi à nommer une seule femme au sein de son cabinet, a réagi rapidement au viol collectif à Rio.

« Il est absurde qu'au XXIe siècle, nous devions vivre avec des crimes barbares comme celui-ci », a-t-il affirmé dans une déclaration. « Notre gouvernement est mobilisé, en collaboration avec le département de la Sécurité publique de Rio de Janeiro, pour définir les responsabilités et punir sévèrement les auteurs du viol et la diffusion de l'acte criminel sur les réseaux sociaux. »

Temer a aussi appelé à une réunion avec les secrétaires de la Sécurité publique de tout le pays pour discuter des manières de combattre les violences faites aux femmes.

Un certain nombre de figures politiques clés ont aussi exprimé leur soutien à une campagne lancée sur Facebook et appelée « I fight for the end of rape culture » (je me bats pour la fin de la culture du viol). Ces soutiens incluent le maire de Rio, Eduardo Paes, qui a été accusé d'hypocrisie étant donné son soutien à Pedro Paulo Carvalho pour lui succéder. Carvalho a admis battre sa femme durant un débat.

L'indignation suscitée par cet horrible cas de viol dévoile seulement un aspect d'un problème plus large de violence contre les femmes au Brésil. Les chiffres du gouvernement suggèrent que plus de 13 millions de femmes ont été victimes de violences domestiques, et qu'une femme est tuée toutes les deux heures en moyenne.

Avant de supprimer son compte Facebook, la victime elle-même a remercié le public pour son soutien, ajoutant que ce « n'est pas l'utérus qui souffre mais l'âme parce qu'il y a des personnes cruelles impunies. »


Suivez Donna Bowater sur Twitter : @DonnaBow