FYI.

This story is over 5 years old.

Culture

The Sorority débarque pour mettre les rappeuses torontoises sur la map

Frustrées par le manque de représentation féminine dans le rap canadien, quatre de ses plus grandes partisanes ont décidé de s’allier afin de changer la situation.
Crédit photo: Zahra Siddiqui

Le hip-hop est la musique la plus populaire au monde. Son influence traverse les frontières, les genres et les classes sociales. Pourtant, encore aujourd’hui, le style est dominé par les hommes. Malgré le succès de Cardi B, Nicki Minaj et autres, il semble que les rappeuses n’ont pas toute la place qu’elles méritent et, lorsqu’une place leur est accordée, elles font face à beaucoup plus de jugements, de critiques et d’objectification que n’importe quel rappeur.

Publicité

C’est en partie d’une frustration commune devant les stéréotypes attribués aux rappeuses qu’est né le collectif torontois The Sorority. Lorsque Phoenix Pagliacci, Lex Leosis, Haviah Mighty et Keysha Freshh se rencontrent pour la première fois lors d’un cypher, elles se sont tout de suite rendu compte qu’il y avait entre elles une connexion. Avec The Sorority, elles se sont donné la mission de faire de la musique à la fois authentique, engagée et amusante.

Alors qu’elles sont au beau milieu de leur première tournée canadienne pour promouvoir leur premier album, Pledge, les quatre filles de Toronto nous ont parlé de leur plan pour le futur du rap canadien.

VICE: Vous êtes un groupe depuis maintenant deux ans, mais dans la dernière année vous avez vraiment explosé sur la scène. Qu’est-ce qui s’est passé?

Phoenix : Tout a commencé il y a deux ans avec le cypher. Après on s’est dit qu’on sortirait quelques morceaux ici et là, mais finalement on a enregistré un album l’été dernier.

Haviah : Les gens nous demandaient constamment quand on aurait du nouveau matériel. On avait déjà pas mal de contenu, mais ce n’était pas très original, et les instrus ne nous appartenaient pas. Donc enregistrer un album nous a semblé comme étant la chose la plus sensée à faire.

Quel a été le plus grand défi lorsqu’est venu le temps de concevoir cet album?
Keysha : Ç’a probablement été de mêler tous nos styles différents, et de sortir de notre zone de confort. Ça nous a poussées à rapper sur des productions différentes, parler de sujets différents. Dans l’intérêt commun du groupe, on s’est motivées à essayer de nouvelles choses, et le résultat est plutôt cool.

Publicité

Venez-vous toutes du monde du hip-hop, à la base?
Keysha : Personnellement, j’ai grandi avec toutes sortes de styles musicaux. Étant de descendance antillaise, lorsque j’étais enfant, j’écoutais de la socca, du reggae, du dancehall. Le hip-hop m’est donc arrivé un peu plus tard, à travers mes oncles new-yorkais.

Haviah : J’ai une éducation en musique classique, au chant et au piano. Je suis aussi caribéenne, et j’ai grandi avec mon père qui écoutait beaucoup de reggae engagé, alors que ma mère écoutait Michael Jackson ou du soul. J’ai découvert le hip-hop plus tard, lorsque j’étais assez vieille pour décider quel genre de musique je voulais écouter.

Phoenix : J’ai grandi avec le gospel, qui m’a beaucoup appris à propos du contrôle de la voix. Ma mère est très religieuse et elle n’aime pas vraiment ma musique. Désolée, maman [rires]!

Lex : J’écoute du hip-hop depuis toujours, et j’ai vraiment grandi avec la tradition du spoken word. J’ai fait la transition vers le rap lorsque j’avais environ 16 ans.

D’après vous, qu’est-ce qui fait de Toronto un terrain musical aussi fertile en ce moment?
Keysha :

C’est la diversité culturelle de la ville. On tire nos influences d’un peu partout, et ça rend notre musique unique et intéressante. Même dans les années 80, Meechie Me incorporait déjà des éléments de dancehall dans sa musique, donc je crois que les gens ont associé cet élément de la musique des îles à Toronto. C’est un vrai melting-pot musical.

Publicité

Et qu’est-ce qu’il manque encore à la scène musicale torontoise?
Phoenix : Des femmes et leur influence. Que ce soit sur scène ou derrière les rideaux ou en studio. La scène torontoise semble penser qu’il ne peut y avoir qu’ une seule artiste hip-hop, et elle doit avoir un côté old school, et elle doit cheminer sur sa propre voie pour ne pas être considérée comme une menace envers les hommes de la scène. Donc oui, certainement, il nous faut des femmes.

C’est en partie ce qui nous a motivées à fonder ce groupe. Pas simplement le fait qu’il manquait de femmes, mais surtout qu’on savait qu’on pouvait être celles qui pourraient changer la situation.

Quelle a été la leçon la plus importante que vous avez apprise à propos de l’industrie de la musique depuis que vous avez commencé?

Phoenix :

J’ai toujours pensé que de faire de la bonne musique suffirait. Je me rends compte que ce n’est pas du tout le cas. Une fois que tu comprends comment l’industrie fonctionne, tu comprends que ceux qui tirent les ficelles ne voient que les chiffres : combien d’abonnés tu as sur tes réseaux sociaux, combien de billets tu es en mesure de vendre; ils ne comprennent et ne respectent pas l’art et la culture du hip-hop. Plus tu

deales

avec des gens comme ça, qui ne comprennent pas que le hip-hop n’est pas qu’une musique populaire auprès des jeunes, plus il devient difficile de trouver la volonté de continuer.

Publicité

Comment réussissez-vous à franchir tous ces obstacles?
Haviah : Ce sont des choses auxquelles on se heurte depuis avant même que l’on ait commencé le groupe. Nous sommes quatre femmes, artistes, et quand on s’est rassemblées en tant que collectif, nous avions déjà connaissance de ces obstacles. Comme on est vraiment amies, qu’on a du crew love, on est en mesure de se serrer les coudes et passer à travers tout ça ensemble. Avant The Sorority, je ne sentais pas que j’avais la plateforme pour parler de tous les problèmes qui nous affectent en tant que femmes dans l’industrie de la musique. Mais maintenant, je suis beaucoup plus à l’aise d’utiliser ma voix pour décrier ces injustices.

Qu’est ce que les gens ne comprennent pas à propos de The Sorority?
Phoenix : Qu’on n’est pas un gimmick : on s’aime vraiment et on peut coexister en tant que femmes. Les gens se demandent souvent quand nous allons nous séparer, où essaient de nous monter les unes contre les autres. On doit constamment les remettre à leur place.

Keysha : On a souvent entendu des commentaires de gens qui se disent qu’on ne va pas durer. Ils voient le stéréotype du groupe féminin et s’imaginent qu’on finira pareil. Mais on s’entend bien.

Lex : Les gens ne veulent pas que les femmes réussissent! Ils ne comprennent pas que quatre artistes solos, fortes et indépendantes, puisse se réunir et devenir encore plus fortes en tant que groupe. Ça les effraie, c’est trop bizarre!

Qu’est-ce qui rend vos spectacles spéciaux?
Keysha : Nous y mettons beaucoup d’effort. Demandez à qui que ce soit : il y a toujours un élément de surprise avec nous. On a des sketches, le show est hyper interactif, ce qui nous rapproche beaucoup du public. D’avoir DJ MelBoogie, qui est une légende, avec nous ajoute aussi beaucoup à l’expérience.

Lex : Nous sommes toutes très différentes, donc chacune d’entre nous a sa propre manière de performer. Ça fait qu’il y a un peu de quelque chose pour tout le monde dans la salle.

The Sorority seront en spectacle à la Sala Rossa à Montréal le 24 mai.

Billy Eff est sur internet ici et .