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Sports

Comment est dépeint le football sous l'ère victorienne dans une série anglaise

On a maté un épisode de la série "Ripper Street" qui parlait de football pour savoir comment on y jouait dans l'Angleterre de la fin du XIXe siècle.
Screengrab via the BBC

Ripper Street nous fait vivre des frasques extrêmement sanglantes dans l'Angleterre de la fin du XIXe siècle. Ancrée dans les alentours rugueux du quartier de Whitechapel, alors marqué par la révolution industrielle – et bien avant que les cafés et autres adresses cool ne s'y invitent –, la série suit les aventures de l'inspecteur Reid et de son collègue Bennet Drake qui tentent de maintenir l'ordre dans les rues, tout en refoulant discrètement les sentiments amoureux qu'ils ont l'un pour l'autre. En gros, c'est du Brokeback Mountain dans un décor historique de l'est de Londres. Et mis à part la fâcheuse tendance de la série à vouloir suggérer que toutes les innovations policières ont vu le jour à Leman Street – d'accord on y a inventé les empreintes digitales, mais restons tranquille – elle n'en est pas moins captivante et de très bonne qualité.

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Dans un récent épisode, Men of Iron, Men of Smoke (Des Hommes de Fer, des Hommes de Fumée, ndlr), c'était un peu différent. Pour la première fois les créateurs de Ripper Street on décidé de puiser dans l'obsession populaire avec du bon vieux football associatif. L'épisode est centré sur le meurtre d'un jeune joueur prometteur dont la tête a été fracassée avec un marteau par son entraîneur après que le jeune talent a menacé de quitter son club, Thames Ironworks, pour rejoindre Woolwich Arsenal. Naturellement, nous trouvant au carrefour entre le sport et le meurtre sauvage, notre premier instinct a été de mener notre enquête.

Des joueurs de foot sous l'ère victorienne ! // BBC

Alors que Ripper Street dépeint quand même le football de l'ère victorienne comme une affaire tumultueuse, brutale et sanglante, il s'avère que la série sanguinaire fait preuve de retenue par rapport aux faits encore plus féroces, brutaux et violents. À ce que l'on sache, personne n'a été assassiné pour avoir voulu quitter West Ham (le nom qu'adoptera le 'Thames Ironworks FC' en 1900, ndlr), même si le sang coulait souvent au bord du terrain et dans les tribunes. D'après The Guardian, le hooliganisme dans le football a commencé à fasciner les gens vers les années 1880, lorsque des supporters de Preston, décrits comme des « voyous en furie », ont attaqué les joueurs en les bombardant de pierres, de bâtons et de crachats, causant la perte de conscience de l'un d'eux. Il y a beaucoup d'autres rapports de violences footballistiques datant de cette époque, relatant des invasions massives de terrains tournant souvent au carnage. Quant aux arbitres et aux officiels ils semblent avoir la cible préférentielle de passage à tabac par les gangs locaux.

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C'est la guerre // BBC

À une époque qui ne connaissait pas encore les terrains au gazon régulier comme des billards, et bien avant l'avènement de la médecine moderne, les blessures au foot pouvaient être terribles. Men of Iron, Men of Smoke s'ouvre sur une baston vicieuse dont les joueurs ressortent ensanglantés, mais ce n'est rien à côté de la souffrance horrible d'une jambe cassée ou d'un genou brisé. Alors qu'aujourd'hui les joueurs souffrant d'une fracture peuvent s'en sortir avec quelques mois d'arrêt, une blessure similaire à l'époque victorienne pouvait être synonyme de fin de carrière, voire pire. Bien qu'il y ait relativement peu de cas recensés dans le football anglais de haut niveau, des blessures basiques ont certainement dû infliger des handicaps permanents à certains, voire même raccourcir dramatiquement des vies, dans un contexte de société industrielle où régnait une pauvreté extrême.

Dans les cas recensés, les dangers du football victorien sont clairement évidents. En 1889 a eu lieu le premier incident recensé d'un homme décédé à la suite d'un match de football. William Cropper, jeune attaquant, a souffert d'une rupture des intestins après avoir reçu un coup de genou dans le ventre alors qu'il jouait pour Stavely. Il est mort en agonisant dans les vestiaires de Grimsby Town, sous le regard impuissant de ses coéquipiers.

Il sera indisponible jusqu'à la fin de la saison // BBC

Trois ans après la mort de Cropper, James Dunlop de Saint Mirren est mort du tétanos après être tombé sur des bris de verre pendant un match. James Logan, la star de Loughborough, est décédé d'une pneumonie après un match contre Newton Heath en 1896 alors que James Collins des Sheppey United est mort peu après du tétanos contracté à cause d'une blessure subie sur le terrain. Di Jones, un Gallois jouant pour Manchester City, est mort des suites d'une infection d'une entaille au genou en 1902. Tout cela met en relief à quel point les blessures anodines au football pouvaient être mortelles. L'exemple probablement le plus frappant d'un joueur ayant succombé des suites de ses blessures a eu lieu à Woolwich Arsenal où, après s'être cassé le bras lors d'une rencontre contre Kettering Town en 1896, l'arrière droit Joe Powell a dû subir une amputation de son membre avant de mourir du tétanos et d'une septicémie.

Il fallait indéniablement être courageux pour s'inscrire dans des équipes d'usine comme Thames Ironwork ou Woolwich Arsenal, surtout quand il s'agissait de jouer contre des travailleurs rivaux. Les querelles entre usines – par exemple entre les ferronniers de West Ham et les ferblantiers de Millwall – étaient acharnées, les travailleurs appauvris étaient en concurrence sur les mêmes contrats, et devaient se battre pour survivre. Avec les coups et les tacles qui pleuvaient de toutes parts, il est surprenant qu'il n'y ait pas eu plus de blessés grave que ça. En ce sens, "Men of Iron, Men of Smoke" est fidèle à l'histoire du football de la classe ouvrière, même s'il exagère la tendance des entraîneurs à défoncer le crâne de leurs joueurs vedettes.

L'équipe de Thames Ironworks en 1896 // Via

Sur ces détails, les scénaristes de Ripper Street sont assez exacts. L'équipe de Thames Ironworks a en effet fait partie de la London League (comme on peut le voir sur le tableau d'affichage de l'usine), alors que les crampons grossiers, les épais protège-tibias, et les lourdes balles de cuir du match d'ouverture semblent tout droit sortis de photos de l'époque victorienne. Cependant, en ce qui concerne la réalité sanglante du football victorien, 'Men of Iron, Men of Smoke' est un peu édulcoré. On dit ça d'une série qui montre tranquillement un mec avec un marteau planté dans le crâne, ça vous donne une idée raisonnable d'à quel point les matches de foot actuels pourraient être périlleux.