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Les Tokyoïtes testent un simulateur de tremblement de terre

La fréquence des séismes est si élevée au Japon qu’il faut absolument s’y préparer.

J'ai été secouée violemment par un séisme de magnitude neuf en compagnie de trois autres personnes. Nous nous sommes réfugiés sous une table et, écrasés les uns contre les autres, nous avons placés des coussins au-dessus de nos têtes pour nous protéger. Tandis que les secousses gagnaient en violence, nous nous sommes accrochés aux pieds de la table pour éviter de glisser. Les secousses ont duré une bonne minute, puis nous avons rampé hors de notre abri d'un air hébété.

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Ces secousses sont du même ordre que celles qui ont ravagé Tohoku, une province du nord du Japon, en mars 2011. Cependant, notre expérience était sensiblement moins authentique que celle des populations qui ont vécu cet événement. En effet, le tremblement de terre a été simulé par ordinateur et déclenché par Yoshiko Miyagawa, notre conseiller en catastrophe, à l'aide d'une simple pression sur un interrupteur. La simulation a eu lieu au sein de l'un des trois centres de prévention et de préparation aux catastrophes de Tokyo (le centre Bousaikan), géré par la caserne de pompiers d'Ikebukuro. L'ambition du centre est de nous préparer au pire.

Le simulateur ressemble à s'y méprendre à une table de salon conventionnelle. Image: Emiko Jozuka

« Nous ne voulons pas seulement montrer aux gens à quoi ressemble un tremblement de terre visuellement parlant ; nous voulons qu'ils fassent l'expérience d'une secousse violente, pour qu'ils sachent à quoi s'attendre, » explique Makoto Goto, un employé du centre. « Le public doit apprendre les règles de sécurité élémentaires à appliquer en cas de catastrophe afin de se protéger efficacement. »

Le Japon est situé sur ce que l'on appelle la « ceinture de feu du Pacifique, » un bassin en forme de fer à cheval de 40 000 km de circonférence ; il est constitué d'une suite de failles, fosses océaniques, ceintures et arcs volcaniques. À cause de sa localisation, le pays est particulièrement vulnérable aux catastrophes naturelles. Chaque année, le Japon connaît plus de 100 000 tremblements de terre, et nous sommes incapables de prédire quand et où adviendra la prochaine secousse de forte magnitude.

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En avril 2012, la mairie de Tokyo a évalué les conséquences d'un séisme de magnitude 7,3. Ils ont prédit qu'il y aurait des problèmes de transport sans précédent, et estimé à 9700 le nombre de décès possibles. Il faudrait ajouter à ce chiffre près de 4100 morts supplémentaires dans le cas où les maisons en bois qui parsèment la ville prenaient feu. Le rapport du Lloyds City Risk Index pour 2015-2025, publié en août 2015, suggère que les risques de catastrophes d'origine humaine ou naturelle au japon sont tels que Tokyo est maintenant classée comme la deuxième ville la plus dangereuse au monde.

Combattre le feu virtuel. Un aperçu d'une scène de prévention et préparation aux incendies au centre Bousaikan. Image: Emiko Jozuka

Le simulateur de tremblement de terre, constitué d'une scène mobile équipée d'une table et de cinq chaises, ressemble à une attraction dans un parc à thème. Cependant, au centre Ikebukuro Bosaikan créé en 1986 et tenu par une équipe de pompiers retraités, le simulateur permet aux personnes qui n'ont jamais connu de tremblement de terre de comprendre à quel point un événement de ce genre peut être terrifiant. Le "conseiller en catastrophes" montre aux visiteurs les gestes qu'ils sont censés effectuer lorsque les premières secousses se font ressentir. Miyagawa nous a demandé de nous glisser sous la table dès que nous avons senti les premières vibrations sous nos pieds, et d'éviter de crier : cela peut nous éviter de nous mordre la langue par accident.

Le centre Ikebukuro Bousaikan offre au grand public une expérience physique d'un tremblement de terre factice, mais il n'est bien sûr pas question de simuler tous les détails d'un événement meurtrier.

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Des chercheurs de l'Institut de recherche sur les séismes de l'Université de Tokyo, quant à eux, simulent des tremblements de terre à grande échelle dans le but de renseigner les pouvoirs publics et de leurs permettre de fournir des solutions appropriées.

Tandis que de fausses secousses sismiques se font sentir, des employés d'hôtellerie se précipitent sous une table. Image: Emiko Jozuka

Les chercheurs espèrent que leurs simulations pourront aider les décideurs à préparer les infrastructures de la ville à des tremblements de terre très puissants. Selon le professeur Lalith Wijerathne, qui travaille sur la simulation de scénarios d'évacuation en environnement urbain, il est impossible de prédire un séisme. Nous pouvons simplement prévenir la population quelques heures ou minutes à l'avance.

« Dans notre centre, nous simulons des séismes du début à la fin, » explique Wijerathne. « L'objectif est de développer des logiciels capables de simuler l'effet d'un tremblement de terre sur une ville de grande taille, depuis les premières vibrations des roches jusqu'aux secousses violentes qui agitent les bâtiments en passant par les tremblements ressentis au niveau du sol. Ensuite, nous regardons comment les gens s'y prennent pour s'enfuir. »

Les chercheurs utilisent les données collectées sur les séismes passés, puis exploitent la formidable puissance du supercalculateur K, niché au sein de l'Institut d'informatique RIKEN au sud du Japon, afin de tester leurs modèles sur des paysages urbains numériques haute résolution. L'une de ces simulations met à l'épreuve un quartier de Tokyo comprenant plus de 300 000 habitations virtuelles modernes, et lui envoie l'équivalent du tremblement de terre de Kobe de 1995. La plate-forme de simulation permet d'ébranler Tokyo de toutes les façons possibles en jouant avec des séismes d'ampleur et de style différents.

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Lalith Wijerathne montre ce qui arriverait si plus de 300 000 bâtiments étaient secoués en même temps lors d'un séisme. Image: Emiko Jozuka

« Au lieu d'attendre que la nature fasse l'expérience pour nous, nous prenons les devants ; le logiciel nous montre comment les bâtiments réagiront à tel ou tel tremblement de terre, et à quels genres de dégâts on peut s'attendre, » poursuit Wijerathne. « Sur mon écran, les bâtiments qui apparaissent en rouge sont les plus vulnérables. »

Actuellement, les données des constructions privées ne sont pas accessibles. Pour faire une simulation adéquate, les chercheurs doivent donc se mettre en quête d'indices sur Google Earth en se fiant aux codes de construction japonais. Telle ou telle forme de bâtiment permet de déduire le type de fondations ou de murs dont il est constitué.

Wijerathne admet volontiers que ses simulations seraient plus précises si les constructeurs lui confiaient ces données directement. Hélas, ce n'est pas pour tout de suite.

Des séismes de grande ampleur comme celui qui a frappé Tohoku le 11 mars 2011 sont heureusement très rares. Néanmoins, chacun a cette menace à l'esprit. Tant au niveau civique qu'au niveau gouvernemental, des efforts sont faits pour informer la population le plus efficacement possible. Les simulations de l'institut ERI contribueront à asseoir des stratégies de gestion de crise nationales, tandis que les exercices du Bousaikan interviennent au niveau individuel.

Makoto Goto en compagnie de la mascotte du centre Bosaikan, un éléphant déguisé en Père Noël. Image: Emiko Jozuka

Goto a pris la pose en compagnie de la mascotte du centre, un éléphant bleu à la mine réjouie, au sein du Bousaikan ; le centre était décoré de décorations de Noël scintillantes au moment de ma visite. Derrière lui était diffusée une vidéo montrant des pompiers dansants et des jeunes femmes faisant des démonstrations de sécurité.

« Beaucoup de gens n'ont jamais fait l'expérience d'un gros séisme et sont très surpris lorsqu'ils essaient le simulateur, » fait remarquer Goto. « Ici ils peuvent apprendre à réagir de manière appropriée. Leur corps se souviendra instinctivement quoi faire en cas de danger. »