On a suivi Gabriel Nadeau-Dubois pendant une épluchette de blé d’Inde
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politique

On a suivi Gabriel Nadeau-Dubois pendant une épluchette de blé d’Inde

Et on a parlé immigration, indépendance et décriminalisation de toutes les drogues.

À un peu plus d’une semaine avant le déclenchement officiel de la campagne électorale, Gabriel Nadeau-Dubois, le co-porte-parole de Québec solidaire (QS), est en mode séduction dans l’ancien château fort péquiste d’Hochelaga-Maisonneuve, dans l’est de Montréal, une des circonscriptions les plus pauvres du Québec. La visite de Nadeau-Dubois le temps d’une épluchette de blé d’Inde est stratégique. L’ex-leader étudiant est venu appuyer la candidature d’Alexandre Leduc dans une circonscription que les solidaires ont perdue par un peu plus de 1000 voix lors des dernières élections et sur laquelle ils misent beaucoup cette fois-ci pour faire grossir leurs rangs à l’Assemblée nationale. Dans le dernier sondage publié dans La Presse, Québec solidaire récoltait 11 % des intentions de vote.

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«J’ai besoin d’aide, plaide-t-il aux électeurs d’Hochelaga. À trois, c’est difficile à l’Assemblée nationale. »

Gabriel Nadeau-Dubois et Alexandre Leduc, candidat de Québec solidaire dans Hochelaga-Maisonneuve. Photo: William Gignac

Longtemps considéré comme un bastion souverainiste, Hochelaga-Maisonneuve offre à Nadeau-Dubois l’occasion parfaite de pratiquer son discours souverainiste afin de recruter les péquistes déçus par le peu d’enthousiasme que le Parti québécois réserve à l’indépendance ces jours-ci. « Pour moi, c’est juste une question de sincérité, explique Nadeau-Dubois. Pour que notre projet de société se réalise, on a besoin de tous les pouvoirs démocratiques au Québec, et on peut pas le faire en gardant Sa Majesté la reine comme chef d’État. »

Pour que notre projet de société se réalise, on a besoin de tous les pouvoirs démocratiques au Québec, et on peut pas le faire en gardant Sa Majesté la reine comme chef d’État. - Gabriel Nadeau-Dubois

Le parti mise aussi sur sa proposition de rendre l’assurance dentaire universelle, qui semble plaire aux électeurs d’Hochelaga, mais qui, au grand désarroi des militants du parti, semble « utopique » pour une dame sur place. Une autre, après s’être inscrite sur la liste électorale de Québec solidaire, dit trouver intéressantes les idées du parti, mais vouloir aussi voter « stratégiquement » – c’est-à-dire pour un parti qui aspire au pouvoir, ce qu’un parti avec trois députés ne peut se vanter d’être. Et bien que le parti tente de mobiliser les troupes à l’extérieur de l’île, un Beauceron sur place pense qu’il reste encore trop de chemin à faire pour percer en région. Visiblement, QS a encore du travail à faire avant de pouvoir enfin se débarrasser de son étiquette de « pelleteux de nuages ».

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Quelques participants de l'épluchette de blé d'Inde, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve.

GND, indépendantisme et diversité

Dans un contexte politique mondial où le populisme est de mise, les solidaires chercheront eux aussi à mener une campagne décentralisée et près de l’électorat, explique Nadeau-Dubois. Les membres du parti se réunissent donc pour faire des « joggings solidaires » ou des ateliers de cuisine. QS s’est ainsi inspiré des campagnes d’autres candidats socialistes comme Bernie Sanders aux États-Unis lors des primaires du Parti démocrate, de Jean-Luc Mélenchon en France (France insoumise) ou encore de Jeremy Corbyn du Parti travailliste au Royaume-Uni. Bien qu’aucun de ces chefs n’ait été porté au pouvoir, « ces campagnes ont permis à la gauche de gagner énormément de terrain, et ce n’est pas le seul critère pour juger de l’efficacité d’une stratégie politique », dit Nadeau-Dubois.

En mars dernier, le co-porte-parole du parti déclarait dans le New York Times que l’indépendance du Québec aiderait à neutraliser la montée de l’extrême droite dans la province en diminuant le nationalisme facile et la xénophobie, en faveur de l’affirmation culturelle et des droits de la personne.

Gabriel Nadeau-Dubois distribue des pamphlets à de potentiels électeurs. Photo: William Gignac

Questionné sur ses propos, Nadeau-Dubois se ravise quelque peu. « Ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai dit que la montée actuelle d’un sentiment d’hostilité à l’égard de l’immigration n’est pas contemporaine d’une montée en puissance du sentiment indépendantiste. [L’hostilité envers les immigrants] est ici au Québec au moment où l’indépendantisme bat de l’aile. »

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Québec solidaire insiste par ailleurs pour la fin de l’entente sur les tiers pays sûrs. Celle-ci interdit de faire une demande d’asile au Canada si on est d’abord passé par les États-Unis. L’entente, selon le co-porte-parole de QS, « force les gens à entrer de manière irrégulière au pays, et il faut permettre à ces gens de le faire à un poste frontalier. »

Il y a des acteurs politiques au Québec qui ont volontairement ou involontairement contribué à créer un climat de peur à l’égard des demandeurs d‘asile. - Gabriel Nadeau-Dubois

Nadeau-Dubois fait référence au chemin Roxham, par lequel des milliers de demandeurs d’asile ont traversé la frontière canado-américaine dans la dernière année. Il déplore l’utilisation de cette situation pour alimenter la peur des immigrants, et veut rectifier l’idée voulant que la province traverse une crise migratoire. « Il y a des acteurs politiques au Québec qui ont volontairement ou involontairement contribué à créer un climat de peur à l’égard des demandeurs d‘asile. Oui, le nombre est plus important qu’auparavant, mais il n’est pas affolant et il n’y a pas de crise sociale liée à cela au Québec. »

Pour la décriminalisation de toutes les drogues

Québec solidaire appuie la légalisation fédérale du cannabis. Il est cependant contre l’interdiction décidée par Québec de cultiver le produit à domicile. C’est d’ailleurs le premier amendement que QS ferait à la loi québécoise sur l’encadrement du cannabis s’il prenait le pouvoir. « Ça permettrait de rendre les consommateurs plus autonomes. »

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Le parti préconise l’approche du Portugal par rapport aux autres drogues, où la possession à des fins de consommation personnelle est totalement décriminalisée depuis 2001. Les autorités portugaises ont constaté une importante diminution du nombre de surdoses, de crimes liés au milieu de la drogue et d’infection au VIH depuis la réforme. « [Les utilisateurs de drogue] ne sont pas des gens qu’on doit mettre en prison, ce sont des gens qu’il faut aider », dit Nadeau-Dubois.

Un blé d'Inde? Photo: William Gignac

QS voudrait aussi changer les accords internationaux en matière de drogue pour les adapter à la réalité, qui est que de plus en plus de pays dans le monde décident de décriminaliser ou même de légaliser des drogues. Et aussi changer le Code criminel. Évidemment, ces changements ne pourraient se faire au sein du Canada, ce que Nadeau-Dubois rappelle avec conviction et satisfaction.

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Mais, malgré son aisance évidente dans les longues discussions avec les électeurs d’Hochelaga, Gabriel Nadeau-Dubois n’a mangé aucun blé d’Inde.

Stéphanie Fillion est sur Twitter.