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Une hausse de suicides observée à la suite de la mort de Robin Williams

Le phénomène est connu, mais peut être prévenu.
Crédit photo : Dave Hogan/Getty Images

Au mois d’août 2014, le célèbre acteur Robin Williams, âgé de 63 ans, se donne la mort à son domicile. On révèle qu’il s’est pendu, et les détails de sa mort – parfois explicites – ont été largement diffusés dans les jours et semaines qui ont suivi son décès.

Selon une étude parue mercredi, cette mort tragique aurait pu inciter des centaines de personnes à passer à l’acte. Dans les mois suivant le décès de l’acteur, on relève une augmentation des suicides de presque 10 % aux États-Unis, d’après l’analyse publiée dans le journal scientifique PLOS One.

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Les chercheurs se sont basés sur les données colligées entre 1999 et 2015 pour estimer le nombre de suicides qui auraient pu être commis entre les mois d’août et de décembre 2014, tout en prenant en compte les cycles saisonniers. Selon leur modèle analytique, on prédisait 16 849 suicides pour cette période. Or, on en a enregistré 1841 de plus, soit une augmentation de 9,85 %.

Les chercheurs précisent qu’ils ne peuvent attribuer avec certitude ces suicides à la mort de Robin Williams, mais soulignent que des indices soutiennent cette corrélation. Par exemple, la hausse a été rapide au mois d’août, et le suicide par suffocation est celui qui a le plus augmenté (32,3 %), ce qui coïncide avec la méthode utilisée par l’acteur.

Michel Tousignant, professeur au département de psychologie de l’UQAM, reconnaît qu’il y a de fortes probabilités que la hausse du nombre de suicides puisse être attribuable à la médiatisation du cas de M. Williams, mais il invite à prendre ces résultats avec un grain de sel. « Un lien de 10 %, c’est quand même significatif, surtout pour un pays aussi vaste que les États-Unis », nuance-t-il. Ainsi, les résultats mériteraient une étude approfondie pour voir si c’est bien la mort de M. Williams qui est en cause, lorsque les données des années subséquentes seront compilées.

Quand les célébrités affectent les autres

Le professeur Tousignant indique que la contagion du suicide est un phénomène documenté, y compris chez les vedettes; on l’a observé notamment aux États-Unis à la suite de la mort de Marylin Monroe, ainsi qu’après le décès de Kurt Cobain, où curieusement un effet a été enregistré en France, mais pas dans les autres pays anglo-saxons.

Plus près de nous, l’exemple le plus frappant est celui du journaliste Gaétan Girouard, qui s’est suicidé en 1999. D’après Michel Tousignant, dans les neuf mois suivant la médiatisation de sa mort, on a observé quelque 200 suicides supplémentaires. « C’était près de 18 à 20 % des suicides au Québec. C’est énorme. C’est une des plus grosses augmentations qu’on a vues », se rappelle le professeur, qui, à l’époque, menait des recherches au Bureau du coroner et a pu établir les liens entre les événements à peu près en temps réel.

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Coordonnateur du secteur de l’intervention au Centre de prévention du suicide de Québec, Éric Arseneault suggère que la médiatisation du cas de M. Girouard a pu être à l’origine de cette triste augmentation.

« Malheureusement, on l’a présenté comme quelqu’un de très, très fort, et les gens qui s’identifiaient à lui se regardaient eux, et se disaient : “Si lui est pas capable de passer à travers ça, qui je suis moi pour passer à travers ça?” » raconte M. Arseneault.

Il déplore qu’on n’ait pas précisé dans les médias que le journaliste souffrait d’une dépression, qu’il refusait de prendre des médicaments et de consulter un professionnel. « Si on avait présenté ce portrait-là, les gens se seraient mieux reconnus et, là, on aurait pu miser sur l’importance d’aller chercher de l’aide », croit le coordonnateur du secteur de l’intervention.

Une situation qui progresse

La directrice générale du Centre de prévention du suicide du Québec, Lynda Poirier, rappelle qu’il faut être prudent lorsque l’on aborde la question de la contagion du suicide, car il y a un risque d’alarmer la population, alors que le phénomène n’est plus présent depuis des années. « Ça a peut-être été vrai à une époque, relativise-t-elle. Mais actuellement, ce n’est pas ce qu’on entend. Il n’y a pas ce problème-là chez nous. »

Mme Poirier explique qu’à la suite du décès de Gaétan Girouard, il y a eu un changement marqué dans la manière d’aborder le sujet, tant du côté des journalistes que des intervenants.

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Les uns sont beaucoup plus prudents dans leur couverture, les autres ont beaucoup donné dans la prévention et la postvention; c’est-à-dire prendre le temps d’intervenir adéquatement avec l’entourage direct ou indirect de la personne ayant mis fin à ses jours.

« Un décès par suicide qui est bien abordé ne va pas entraîner cette augmentation de suicides. Ça peut entraîner une augmentation des demandes d’aide. C’est intéressant que les gens qui vivent de la détresse nous contactent, on les encourage évidemment à le faire », rappelle Lynda Poirier.

Si vous ou un proche pensez au suicide, de l’aide vous est offerte en tout temps. Vous pouvez contacter l’un des centres de prévention du suicide de la province au 1-866-APPELLE (1-866-277-3553).

Justine de l'Église est sur Twitter.