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Crime

7 500 crocodiles risquent de mourir de faim au Honduras à cause d’une affaire de blanchiment d’argent

La ferme où vivent les reptiles appartient à l’un des hommes les plus riches et plus puissants du pays, Jaime Rosenthal, qui se retrouve accusé par la justice américaine de blanchir l’argent de la drogue.
Photo via Flickr

Au moins 7 500 crocodiles d'une ferme du nord du Honduras risquent de rapidement mourir de faim — la ferme appartenant à un des hommes les plus riches et plus puissants du pays, qui se retrouve depuis un mois accusé par la justice américaine de blanchir l'argent de la drogue. Ainsi, il ne peut plus couvrir les frais de fonctionnement de la plus grosse ferme de reptiles du pays.

Depuis le 7 octobre dernier, Jaime Rosenthal, 79 ans, son fils Yani et son neveu Yankel, subissent les conséquences de cette mise en examen : les entreprises américaines (leurs principaux partenaires économiques) sont désormais interdites de faire du business avec les firmes appartenant à la famille Rosenthal — dont une banque, Banco Continental, qui se retrouve en liquidation judiciaire.

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D'autres entreprises de l'empire Rosenthal qui n'ont rien à voir avec le blanchiment d'argent se retrouvent aussi en pleine crise. À la ferme de crocodiles Cocodrilos Continental, qui appartient à Jaime Rosenthal, les reptiles ne sont pas nourris suffisamment.

Sandra Sanchez, chargée de la conservation de la nature pour le gouvernement hondurien, explique à VICE News que les fournisseurs locaux veulent bien continuer à donner de la viande pour nourrir les crocodiles disséminés dans cette ferme de 28 hectares installée à San Pedro Sula. En revanche, il n'y a pas d'argent pour effectuer le transport de la viande jusqu'à la ferme, ni pour payer l'essence nécessaire aux tracteurs qui distribuent la viande dans les 135 étangs de la ferme où se trouvent les crocodiles, explique Sanchez.

Des tonnes de poulet

Ajoutez à cela la frustration des employés de la ferme — qui ont réduit leurs heures de travail pour manifester contre le fait de ne pas être payés depuis près d'un mois — et vous vous retrouvez avec une situation désespérée.

« Il n'y a plus d'arrivée de cash, » explique Sanchez qui s'est rendue plusieurs fois à la ferme ces dernières semaines. « Une action immédiate est nécessaire. »

Les registres officiels indiquent que Cocodrilos Continental accueille 7 500 crocodiles à la ferme, mais des gardes ont confié à l'AFP qu'il y aurait plutôt 11 000 reptiles sur le site — et que des dizaines de carnassiers sont déjà morts de faim.

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Sanchez n'a pas constaté de décès en masse chez les crocodiles. Le week-end dernier, la ferme a reçu l'aide d'un fournisseur local qui a donné près de 7 tonnes de poulet à la ferme.

« Hier [mardi], nous sommes allés dans la zone de reproduction des crocodiles, où se trouvent 51 reptiles adultes de 5 mètres de long, qui mourraient de faim il y a quelques jours. Ils paraissaient détendus et satisfaits, » dit Sanchez. « Mais c'est seulement une solution temporaire. »

Cocodrilos Continental a été créée en 1989 et exporte de la viande de crocodile, mais aussi la peau des reptiles — principalement aux États-Unis. C'est de loin la plus grande ferme du pays. On peut aussi y trouver une collection privée d'animaux dont 7 lions et un puma. Sanchez explique que ces animaux souffrent aussi du manque de nourriture, même s'ils ont été plus régulièrement nourris que les crocodiles.

Une élite politique

Les autorités honduriennes ont fait savoir que le gouvernement ne peut pas directement intervenir sauf si la ferme déclare ne plus être capable d'assurer son fonctionnement et accepte d'être nationalisée. Mais, les propriétaires de Cocodrilos Continental ont simplement fait savoir qu'ils ne peuvent pas assurer actuellement les coûts de fonctionnement qui s'élèvent à 300 000 lempiras (soit 12 500 euros) par mois.

La mise en accusation des Rosenthal a mis en branle toute l'élite hondurienne qui était habituée à se sentir au-dessus des lois. En plus de leurs prises d'intérêts dans le secteur des banques, des médias, de l'immobilier, du tourisme, de l'élevage, de l'agriculture et des crocodiles, des membres de la famille ont aussi eu différents postes politiques.

Jaime Rosenthal était vice-président dans les années 1980. Son fils Yani a été ministre entre 2006 et 2009, et avait cherché à être candidat aux dernières présidentielles. Yankel, le neveu de Jaime, était ministre de l'Investissement pour le président Juan Orlando Hernández avant de quitter son poste en juin.

Yankel Rosenthal a été arrêté à l'aéroport de Miami le 6 octobre. D'après le quotidien hondurien La Prensa, il a plaidé non-coupable devant un tribunal de New York, où les premières auditions devraient commencer en mars. Jaime et Yani, qui sont toujours au Honduras, ont eux aussi insisté sur le fait que leurs entreprises n'ont jamais servi au blanchiment de l'argent de la drogue.

Suivez Jo Tuckman sur Twitter : @jotuckman