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environnement

9 oiseaux marins sur 10 ont du plastique dans l’estomac, selon une étude australienne

Cette étude scientifique estime également que d’ici 2050, la quasi-totalité des oiseaux marins aura ingéré du plastique.
Un fou à pieds rouges sur l'île Christmas, dans l'océan Indien © CSIRO, Britta Denise Hardesty

Trois scientifiques australiens de l'Organisation de recherche scientifique et industrielle du Commonwealth (CSIRO) — basés à Canberra en Australie — ont publié ce lundi une étude sur la pollution plastique dans les océans.

« La menace que représente la pollution plastique pour les oiseaux marins est mondiale, envahissante, et en hausse. » C'est ainsi que s'intitule la dernière étude publiée dans le journal scientifique PNAS par Chris Wilcox, Erik Van Sebilleb et Britta Denise Hardesty, trois scientifiques du CSIRO. Leurs travaux prévoient un triste avenir pour les mouettes, goélands et autres albatros qui peuplent nos océans.

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D'après cette équipe, l'ingestion de matière plastique pourrait concerner jusqu'à neuf oiseaux marins sur dix à l'heure actuelle, et les prévisions pour le futur sont tout sauf optimistes. Si certaines zones de la planète sont pour l'instant plus concernées que d'autres, la pollution des eaux par des éléments en plastique touche l'ensemble du globe et requiert des mesures urgentes selon ces chercheurs.

Au rythme où l'homme pollue actuellement la mer, 99 pour cent des oiseaux marins auront ingéré du plastique d'ici 2050 d'après l'étude. Les chercheurs estiment que ce taux atteindrait déjà 90 pour cent à l'heure actuelle. Une mesure au conditionnel car elle repose sur un modèle théorique, et n'a pas encore pu être vérifiée sur le terrain. En 1960, on estime que seulement 5 pour cent des oiseaux marins avaient ingéré du plastique.

Pour arriver à ces chiffres, les chercheurs australiens ont compilé l'ensemble des études menées sur l'ingestion de plastique par les oiseaux marins depuis 1950. Ils ont ensuite croisé ces données avec les trajectoires connues des morceaux de plastiques dans nos océans. Ainsi, ils ont pu établir qu'à l'heure actuelle la pollution plastique peut représenter jusqu'à 580 000 morceaux par kilomètre carré dans certains endroits du globe.

Les débris retrouvés dans l'estomac des oiseaux marins ont grandement étonné les chercheurs. « J'ai tout vu, des briquets, des voitures miniatures, des bouchons de bouteille, » a déclaré Britta Denise Hardesty, l'une des scientifiques, à Associated Press. Les photographies publiées par le CSIRO donnent un aperçu de l'ampleur que prend la pollution plastique dans certaines zones marines.

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Des fragments de plastique dans les vagues qui se brisent sur la côte de l'île Christmas dans l'océan Indien © CSIRO, Britta Denise Hardesty

L'étude de la pollution plastique mobilise plusieurs centres de recherche, dans le monde, comme l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA). Cette agence a montré que des spirales de déchets plastiques, portés par les courants marins, convergent par exemple dans l'océan Pacifique pour former une énorme nébuleuse de déchets plastiques — que l'on nomme un « gyre » — qui se déplace en immersion, à quelques centimètres sous la surface de l'eau.

D'après les chercheurs du CSIRO, les plus fortes concentrations de plastique se trouvent notamment dans la mer de Tasman (située entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande) mais aussi dans la zone sud-est de l'océan Indien.

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« Une soupe de plastique »

C'est en direction de cet océan que se dirige actuellement le MOD70, un trimaran de la fondation privée Race for Water qui a quitté Bordeaux (sud-ouest de la France) en mars dernier pour analyser les cinq principaux gyres du monde — une étude inédite pour comprendre ce type de pollution au plastique, dont on peut suivre la progression en temps réel.

Le parcours de la mission du MOD70, les gyres sont figurés en orange. ©Race for Water 2015

« Le bateau vient de quitter les Palaos, et se trouve au nord de l'Indonésie, » indique Lucie Gerber, l'une des porte-parole de la fondation, contactée au téléphone par VICE News ce mardi après-midi.

L'équipage — avec à son bord le directeur de la fondation, Marco Simeoni — a déjà effectué 11 escales depuis le début de l'expédition. « Nous avons choisi de nous concentrer sur les îles proches des gyres, car elles agissent comme des barrages naturels et retiennent les déchets qui sont portés par les courants, » nous explique la porte-parole.

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Comme l'a remarqué l'équipage du bateau, les gyres sont très difficiles à localiser et à cartographier. Les membres de l'expédition utilisent des drones et effectuent des prélèvements d'échantillons, qui ont montré que les morceaux de plastique peuvent avoir plusieurs tailles, et ont tendance à se désagréger.

« Sous l'effet du sel et des rayons UV, les débris se cassent en très petits morceaux qui finissent par avoir la taille de paillettes, » nous indique Lucie Gerber, « Un gyre n'est pas un continent sur lequel on peut marcher, mais plutôt une soupe de plastique qui se déplace au gré des courants. »

Un exemple de "soupe de plastique" étudié par le MOD70. ©Race for Water 2015 / Christophe Launay

Selon les trois chercheurs du CSIRO, une partie de la solution à ce problème se trouve peut-être dans la gestion des déchets depuis la terre ferme. Ils ont notamment remarqué que le taux d'ingestion de plastique chez certains oiseaux marins du nord de l'Europe était en baisse, une amélioration que ces scientifiques expliquent par l'introduction de nouvelles normes industrielles et environnementales européennes.

L'expédition Race for Water devrait se terminer en décembre prochain. Ses résultats préliminaires seront ensuite analysés par plusieurs universités en Europe qui tentent d'évaluer l'impact de la pollution plastique sur les écosystèmes marins.

Suivez Pierre-Louis Caron sur Twitter : @pierrelouis_c

Photo : Un fou à pieds rouges sur l'île Christmas, dans l'océan Indien © CSIRO, Britta Denise Hardesty

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