FYI.

This story is over 5 years old.

Corse

Affrontements à Corte : interview du leader de la manifestation

De jeunes militants indépendantistes ont mis le feu à deux camions militaires dans la ville insulaire de Corte, en marge d’une manifestation contre le « racisme anti-corse ». VICE News a interviewé le leader de la marche.
Image via Flickr / Arnaud Abadie

De violents affrontements ont opposé mercredi de jeunes indépendantistes corses à des gendarmes mobiles à Corte, au centre de l'île, une région française au statut administratif spécial au large des côtes italiennes en Méditerranée. Ces violences se sont produites en marge d'une manifestation indépendantiste mobilisée contre le « racisme anti-corse » et le « déni de démocratie de l'État français », selon les termes des manifestants.

Publicité

Dumane in Corti à 2 ore, Manifestazione 'u Populu Corsu camperà' — CORSICA LIBERA (@CORSICA_LIBERA)2 Décembre 2014

Le site internet de la radio corse Alta frequenza rapporte que ce seraient près de 500 jeunes qui auraient répondu à l'appel de la Ghjuventù Indipendentista, (jeunesse indépendantiste), une association politique de défense de la culture corse, créée en 1999, reformée en 2009. Les manifestants ont scandé des slogans indépendantistes en langue corse, comme « A nostra terra ùn hè à vende » (Notre terre n'est pas à vendre) , ou « Statu francese assassinu » (État français, assassin).

Contacté par VICE News, le sous-préfet de Corte, Dominique Schuffenecker, a dit que de 250 à 300 personnes étaient présentes pendant la manifestation, et que deux gendarmes avaient été blessés lors des échauffourées qui ont suivi. Des sources nous ont indiqué que malgré plusieurs tentatives, les forces de l'ordre n'ont pu procéder à aucune interpellation.

Document: la manifestation à Corte dégénère par corse-matin

Armés de pierres et de cocktails Molotov, des militants ont fait brûler des tas de pneus et sont parvenus à incendier deux camions militaires qui barraient la rue principale de Corte, le cours Paoli. Le feu qui a attaqué les camions a été éteint par les gendarmes. Malgré une charge des forces de l'ordre, les affrontements ont duré deux heures.Le Monde rapporte que les vitres blindées d'une agence bancaire ont été brisées par des manifestants.

Publicité

— France 3 Corse (@FTViaStella)3 Décembre 2014

— Corse-Matin (@Corse_Matin)3 Décembre 2014

Cette manifestation faisait suite à plusieurs blocus de lycées organisés à travers la Corse mardi et mercredi par la Ghjuventù Indipendentista. VICE News a interviewé Petru Vesperini, président de cette association politique et étudiant à l'université de Corte. Pour lui, ces débordements expriment le ras-le-bol de la jeunesse corse.

« Nous avons lancé un appel global à la jeunesse corse. Nous avons appelé à manifester contre la situation actuelle en Corse, c'est-à-dire les vagues de répression démesurées, le racisme anti-corse, et le déni de démocratie du gouvernement français. »

Pour expliquer ce « racisme anti-corse » Vesperini évoque l'affaire, dite du « drapeau corse », qui aurait particulièrement agacé les insulaires. Après qu'un match de football opposant Nice à Bastia a dégénéré en octobre dernier, le préfet des Alpes-Maritimes Adolphe Colrat a interdit aux supporters de clubs corses de brandir des drapeaux à l'effigie de leur club, sur lesquels figure la tête de Maure, à la fois emblème et drapeau corse.

La bagarre générale est partie après ça : le gardien Leca brandissant le drapeau corse devant les Niçois. — Grégory Leclerc (@GregLeclerc)18 Octobre 2014

Pour le président de la Ghjuventù, les Corses se sentent également stigmatisés par les récents propos du journaliste français Christophe Barbier, directeur de rédaction du journal L'Express. Au cours d'une interview dans le journal Corse Matin le 13 novembre, le journaliste avait affirmé être d'accord avec le Premier ministre français Manuel Valls qui avait déclaré que « la violence est enracinée dans la culture corse. »

Publicité

Manuel Valls "La violence est enracinée dans la… par franceinter

Pour Petru Vesperini, les déclarations de Manuel Valls sont emblématiques du déni de démocratie du gouvernement français vis à vis du peuple corse. Il explique : « Le déni de démocratie du gouvernement français, c'est quand l'Assemblée de Corse [ndlr : une assemblée régionale élue au suffrage universel direct] vote trois lois majeures, et que le gouvernement français n'en tient pas compte. »

Vesperini précise que ces « lois », des résolutions, visent notamment à faciliter l'accès au logement pour les Corses, qui subissent « Les effets de la spéculation immobilière provoquée par des étrangers fortunés qui achètent des résidences secondaires » estime Vesperini.

La Corse est une destination hautement touristique en mer Méditerranée. Elle a connu une flambée des prix de l'immobilier. Le « statut de résident » visé par ces résolutions restreindrait l'accès à la propriété aux résidents de l'île depuis au moins cinq ans. L'Assemblée de Corse a également voté une résolution pour la co-officialité de la langue corse avec la langue française, qui est pour l'instant la seule langue administrative et officielle en Corse.

Comme l'explique à VICE News le sous-préfet de Corte, ces révolutions votées par l'Assemblée n'ont pas force de loi, car l'Assemblée de Corse n'a de pouvoir que dans les domaines de la culture, du patrimoine et de l'environnement.

La Corse avait obtenu son indépendance de la république italienne de Gênes en 1735. En 1755, l'île montagneuse se dotait d'une constitution démocratique écrite avec le concours du philosophe Jean-Jacques Rousseau. Moins de quinze ans plus tard, la jeune démocratie corse était envahie par les troupes du roi de France. Elle est depuis sous administration française.

Vesperini veut croire que l'indépendance de la Corse n'est pas une utopie. Il glisse, à propos de la co-officialité de la langue : « Prenez Facebook. Depuis une semaine, une version est disponible en corse, en plus du français. Même une grande entreprise comme celle-là reconnaît la Corse comme bilingue. »

Suivez Virgile d'all Armellina sur Twitter @armellina

Image via Flickr / Arnaud Abadie