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Une grosse boîte de thon ensanglanté devant les locaux de Petit Navire

Greenpeace poursuit sa campagne contre le DCP, une technique de pêche qu'elle juge destructrice pour les écosystèmes marins.
Photo par Virgile Dall'Armellina

Une dizaine de militants a installé tôt ce jeudi matin une boîte de thon géante maculée de sang, avec des militants enchaînés à l'intérieur, devant l'immeuble qui accueille les bureaux de Petit Navire, une filiale du groupe MW Brands. L'entreprise utiliserait d'après Greenpeace du poisson pêché au DCP, une technique de pêche destructrice pour les écosystèmes marins estime l'organisation.

Les militants de Greenpeace interpellaient les salariés se rendant au travail dans cet immeuble de l'avenue Kennedy dans le XVIe arrondissement de Paris. Ils leur demandaient de faire passer un message à la direction de Petit Navire. Greenpeace attend sa réaction depuis une semaine, date à laquelle l'organisation entamait la nouvelle étape d'une campagne qui entend dénoncer les ravages d'une forme de pêche au thon utilisant la technique dite du « DCP » pour « dispositif de concentration de poisson ». Pour l'organisation, cette méthode non sélective menace des espèces prélevées inutilement dans le milieu marin.

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Greenpeace révélait il y a dix jours une vidéo, faite à partir d'images prises et envoyées à Greenpeace par des marins sur cinq navires thoniers travaillant dans l'océan Indien. D'après l'organisation, deux des bateaux sont français et trois espagnols.

On peut voir dans leurs filets des spécimens d'espèces menacées comme un requin baleine, le plus gros poisson terrestre, dont la longévité peut atteindre une centaine d'année. Mais aussi des requins mako, des raies ou des tortues, le DCP ne permettant pas de distinguer ce qui se trouve autour de ces pièges flottants destructeurs parce que non sélectifs.

Une autre séquence de la vidéo montre un chalut plein de poissons, que l'on imagine être les rejets de cette pêche, largués en pleine mer.

Greenpeace a publié sur son site une infographie expliquant les dégâts occasionnés par la pêche au DCP, contre laquelle il lutte depuis une dizaine d'années, notamment en visant un des leaders du marché du thon en France, l'entreprise Petit Navire.

Contactée par VICE News, l'entreprise n'a pas commenté. Le directeur général, Amaury Dutreil a indiqué dans un article du Huffington Post que cette campagne de Greenpeace était « simplificatrice et réductrice », qu'elle ne rendait pas compte d'efforts de la marque autour de son utilisation du DCP. Petit Navire développerait ainsi des filets avec des trous pour les requins, ou des sonars permettant aux pêcheurs de savoir ce qu'il se trouve sous les DCP et ainsi renoncer à relever les filets si des espèces autres que le thon s'y trouvent.

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VICE News a interviewé Hélène Bourges, porte-parole de Greenpeace France. « Le DCP se présente sous forme d'objet flottant, qui peut être construit de manière assez artisanale. Il y a des objets (bouées, bambous, cordes) qui descendent dans l'eau en profondeur et qui dérivent en pleine mer. Comme ce sont les seuls abris que les poissons rencontrent, ceux-ci se regroupent autour. »

Ce qui pose problème, selon Greenpeace, c'est que ce genre d'installation n'attire pas que des thons. « Il y a aussi des petits poissons, des raies, des tortues, des requins. C'est tout un écosystème qui est recréé autour du DCP. »

D'après Hélène Bourges, les DCP installés par les thoniers ont des balises GPS qui permettent aux pêcheurs de les suivre, et des sonars qui indiquent la quantité de poisson présente.

« Quand ils arrivent, ils entourent le DCP avec une senne [grand filet de surface] et remontent tout ce qu'il y a. Ils savent parfaitement qu'il n'y a pas que des thons dans un DCP. Et quand bien même on ne parlerait que de thon, on sait qu'il y a beaucoup de juvéniles pêchés parmi les thons albacore, les plus consommés par les français. Des poissons qui ne se sont pas encore reproduits quand ils sont attrapés. »

Hélène Bourges affirme que l'équipe de Greenpeace a pu traquer les bateaux thoniers ayant recours à la pêche au DCP grâce aux signaux AIS (système d'identification automatique) qu'ils émettent, à la manière des balises des avions de ligne, pour déterminer quelles sont les marques qu'ils fournissent.

C'est ainsi que la marque française Petit Navire est tombée dans le collimateur de l'association Greenpeace car elle est approvisionnée par ce type de pêche. Hélène Bourges a déclaré à VICE News qu'une lettre-pétition envoyée au directeur général de Petit Navire pour lui demander d'arrêter de vendre du thon pêché à l'aide de DCP a rassemblé presque 35 000 signatures.

Hélène Bourges ajoute « Il n'y a pas de baguette magique, mais ce qui est certain c'est que les consommateurs ont un pouvoir assez fort. 9 familles sur 10 ont une boite de thon dans le placard de leur cuisine. On a déjà mené ces campagnes aux États-Unis, en Nouvelle Zélande, en Australie, et on a gagné. »

Elle insiste également sur le fait qu'il existe des alternatives. « Pêcher le thon à la ligne, c'est tout à fait faisable puisque certaines marques le font déjà. Il y a aussi la pêche à la senne au banc libre, sans DCP, pour aller chercher seulement les bancs monospécifiques [qui ne sont constitués que d'une espèce de poisson]. C'est le DCP associé à la senne qui pose problème. »

D'après la WWF, 85% des effectifs exploités à des fins commerciales dans le monde sont déjà sur-pêchés ou risquent de l'être à très court terme.