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FRANCE

L’armée française en surchauffe ?

Terrorisme intérieur, djihadisme en Afrique, lutte contre l’État islamique, cyberterrorisme, engagée sur tous les fronts, la France pourrait n’en maîtriser aucun si elle n’opère pas des choix. Le ministre de la Défense en a présentés cette semaine.
Pierre Longeray
Paris, FR
Photo via État-major des armées / armée de Terre

Le ministre de la Défense français, Jean-Yves Le Drian, a présenté ce mercredi 11 mars, l'agenda de son armée pour l'année 2015, qui avait dû être refondu en urgence suite aux attaques terroristes des 7, 8 et 9 janvier en France. Face à cette vague d'attentats, mais aussi à la multiplication des fronts d'intervention de l'armée française ces derniers temps (Afrique, Moyen-Orient, territoire national) les baisses des effectifs prévues en 2013 seront moins conséquentes qu'annoncé. L'annonce majeure est l'envoi prochainement d'un nombre (non communiqué) de troupes en renfort de la présence française déjà positionnée dans le Sahel pour barrer la route aux velléités d'expansion des djihadistes, notamment au Tchad et au Mali.

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La France est toujours engagée sur trois fronts différents hors de ses frontières : en Centrafrique (opération Sangaris), au Sahel (via l'opération Barkhane qui couvre la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad), ainsi qu'en Irak pour des frappes aériennes dans le cadre de la coalition internationale contre l'EI (opération Chammal),

L'armée française est présente en Centrafrique depuis décembre 2013, pour mettre un terme à un conflit qui a tourné à la guerre civile entre la désormais dissoute Seleka (milice à majorité musulmane qui avait pris le pouvoir en mars 2013) et les anti-balaka (combattants paysans principalement chrétiens qui s'étaient organisés pour se défendre face à la Seleka). Le ministre de la Défense français a esquissé ce mercredi une « perspective de désengagement de l'opération Sangaris » en Centrafrique, planifiant une baisse des effectifs de 1 700 hommes présents aujourd'hui à moins d'un millier cet été pour retrouver un contingent de 500 hommes à terme. Au début du mois de février, un étrange accord de cessez-le-feu avait été signé entre anti-balaka et ex-Seleka pour être finalement rejeté par le gouvernement de transition.

Ce retrait partiel de Centrafrique pourrait ainsi permettre de soutenir l'effort de Barkhane, la mission française au Sahel.

À voir : La Centrafrique est déchirée

Bruno Tertrais est maître de recherches à la Fondation pour la Recherche stratégique. Contacté par VICE News, il estime que « Les forces aériennes et terrestres françaises déployées en ce moment vont au-delà des limites fixées par le Livre blanc de la Défense, ce qui l'oblige à faire des choix. »

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Le Sahel, avec la branche de l'EI en Libye et AQMI (Al Qaïda au Maghreb Islamique) au Mali reste « Une question de priorité. Le Sahel est la région où la menace est la plus urgente, et la France est en position de leader, » décrypte Burno Tertrais.

Jean-Yves Le Drian a appelé à une pacification de la situation dans le nord Mali, où des tensions tribales évoluent en parallèle des présences djihadistes : « J'appelle tous les groupes, notamment touaregs, à quitter la logique d'affrontements et à rallier le processus politique en cours. »

Tertrais pointe un autre point d'inquiétude au Sahel, « De l'Atlantique au Moyen-Orient, on a un espace d'États faibles sur lesquels prolifèrent des groupes djihadistes. Cela fait par exemple des mois que la France tire la sonnette d'alarme sur la situation libyenne. La France ne sera pas leader d'opérations en Libye, mais cela reste un grand point de préoccupation de la France. »

Le ministre de la Défense n'a pas fait de commentaires sur les suites à donner à l'opération Chammal, qui a reçu en février le renfort du porte-avions Charles-de-Gaulle, chargée d'endiguer aux côtés des alliés de la France (en premier lieu, les États-Unis) la progression de l'EI en Irak grâce à des frappes aériennes (la France n'étant pas disposée à intervenir en Syrie). Cette décision n'étonne pas Bruno Tertrais qui rappelle que « La France n'est pas seule contre l'EI en Irak et en Syrie et elle n'est pas leader. À nouveau, il faut faire des choix. »

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Sur le territoire français, l'opération Sentinelle, déclenchée suite aux attaques de début janvier à Paris et destinée à assurer la sécurité du territoire français, sera « maintenue au moins jusqu'à l'été, date à laquelle elle sera réévaluée. » Elle permet de détacher 10 000 soldats (dont 3 000 en renfort) pour la protection des lieux sensibles comme les gares ou aéroports (dans le cadre du plan Vigipirate), mais aussi des sites à caractère religieux. Pour rendre possible ce type de déploiement d'envergure, visible quotidiennement dans les rues françaises, il a été décidé de sauver 23 000 postes sur les 34 000 qui devaient être supprimés entre 2014 et 2019 selon le cadre fixé par la loi de programmation militaire. L'ouverture d'un « Pentagone à la française », est également prévue à l'automne 2015, le développement du renseignement numérique et de la lutte contre le cyberterrorisme ont également été mentionnés.

Pour Tertrais « La grande question qui se pose pour la réduction de la déflation des effectifs, c'est le financement. Le déploiement de 10 000 hommes sur le territoire français n'est pas viable à long terme. » Le ministre compte aussi disposer d'un réservoir de 40 000 réservistes (contre 28 000 aujourd'hui) pour « pouvoir déployer 1 000 réservistes en permanence ».

À lire : Ce que le porte-avions Charles-de-Gaulle apporte au combat contre l'EI

Suivez Pierre Longeray sur Twitter @PLongeray

Photo via État-major des armées / armée de Terre