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Crime

Armes françaises au Liban : pourquoi c’est l’Arabie Saoudite qui règle la note

Un contrat de 3 milliards de dollars a été signé entre la France et l’Arabie Saoudite pour équiper les forces armées libanaises, confrontées notamment à la présence de combattants islamistes non loin de sa frontière avec la Syrie.
Image via Alexandre Prévot/Flickr

Le ministère des Affaires étrangères français a indiqué ce lundi 15 décembre dans un communiqué la signature à Beyrouth d'un accord franco-libanais de « mise en place de l'initiative d'aide à l'armée libanaise » (Donas), financé par un don de l'Arabie Saoudite. Cet accord fait suite à la signature le 11 novembre dernier d'un autre accord entre l'Arabie Saoudite et la France, qui prévoyait le versement de trois milliards de dollars (2,4 milliards d'euros) à la France en échange de la livraison d'armes et d'équipements militaires à l'armée libanaise.

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Un accord France-— France Diplomatie (@francediplo)16 Décembre 2014

Attendus depuis 2013, ces accords permettront à l'armée libanaise de moderniser son armée. Celle-ci fait face aux terroristes de l'organisation État islamique dans la plaine de la Békaa, une zone montagneuse frontalière avec la Syrie. Le Liban - pays méditerranéen du Proche-Orient sous administration française jusqu'en 1944 - a subi plusieurs incursions des combattants islamistes sur son territoire depuis le début du conflit syrien.

Le Liban est peuplé de chrétiens, de musulmans chiites, de musulmans sunnites, et de Druzes. Le gouvernement libanais actuel est multiconfessionnel, c'est à dire constitué de représentants des diverses communautés religieuses. Le pays, marqué par une guerre civile dans les années 1970 et 1980, traverse actuellement une crise politique, les députés libanais n'étant pas arrivés à s'entendre pour élire un président de la République après l'expiration du mandat de l'ancien président Michel Sleimane le 25 mai dernier. Le poste de chef de l'exécutif est donc vacant depuis cette date.

Début août, les combattants de l'EI avaient pris la ville d'Ersal, dans le nord-est du Liban, avant d'être repoussés par l'armée. D'après RFI, plus de 3000 combattants de l'EI avaient participé à cette offensive contre plusieurs casernes de la région d'Ersal. La ville de Homs, que se disputent l'armée syrienne et l'EI, n'est distante que d'une soixantaine de kilomètres de la frontière libanaise. Mais l'État islamique n'est pas le seul adversaire contre lequel se bat l'armée libanaise. Depuis l'offensive de cet été, environ une trentaine de soldats libanais ont été pris en otage en Syrie par le Front al-Nosra, une filiale syrienne d'Al-Qaïda. Deux d'entre eux ont déjà été décapités.

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Après cette attaque, le ministre des Affaires étrangères de Bachar Al-Assad - le président syrien - avait apporté son soutien au Liban et affirmé que l'armée libanaise avait besoin qu'on lui fournisse « une aide et un soutien » face au « terrorisme takfiri », terme employé pour désigner les extrémistes de l'EI. L'Iran - pays chiite proche du régime de Damas - avait alors annoncé le 30 octobre fournir des équipements militaires à l'armée libanaise pour aider « les militaires dans la bataille héroïque qu'ils sont en train de mener contre le terrorisme » rapporte le journal libanais l'Orient Le Jour.

Le journal français La Tribune rapporte lui que des sources proches du dossier ont indiqué que l'Arabie Saoudite - pays dirigé par une dynastie sunnite hostile au chiite iranien - a alors hâté la signature des contrats après cette annonce de Téhéran, qui soutient le Hezbollah, une organisation politique chiite libanaise. C'est le ministre saoudien des Finances Ibrahim Al-Assafet et Édouard Guillaud, le patron de la société française d'exportation de matériel de défense Odas - une société créée à la demande de l'État français pour développer les exportations du secteur de l'armement - qui ont signé ces contrats.

La Tribune affirme également s'être procuré la liste des armes qui seront livrées par la France. Parmi ces équipements militaires, des véhicules de l'avant blindé (VAB) équipés de tourelles Nexter, des véhicules blindés légers (VBL) équipés de missiles surface-air Mistral, des hélicoptères Gazelle et de transport, et trois navires-patrouilleurs équipés de missiles Simbad.

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VICE News a contacté Jean-Vincent Brisset, ancien Général de brigade aérienne dans l'armée française et aujourd'hui chercheur en défense et relations internationales. Selon lui, le matériel qui sera livré par la France n'est pas du matériel dernier cri, mais plutôt du matériel modernisé dont la conception date d'une trentaine d'années. Cependant, ce matériel sera d'une grande utilité pour l'armée libanaise selon l'expert.

« L'armée libanaise n'est pas connue pour entretenir son matériel avec soin, et il lui reste beaucoup de matériel américain qui commence à être très usagé, »dit-il. « Les blindés légers, la tourelle Nexter et les hélicoptères Gazelle sont les parfaits exemples des besoins d'une petite armée qui se bat à courte distance, » ajoute-t-il.

Jean-Vincent Brisset explique par exemple que les hélicoptères Gazelle, dont l'utilisation est relativement simple, ont été utilisés avec succès par l'armée française au Mali pour tirer à la roquette sur les pick-up des djihadistes. Il estime que la tourelle Nexter - un canon léger de 20 ou 30 mm - est également adaptée aux combats de type guérilla, de par sa cadence de tir rapide et sa portée allant de 100 mètres à deux kilomètres.

À lire : Un avion russe transportant des hélicoptères de l'armée française bloqué au Nigéria

Un point de cette liste de matériel retient cependant l'attention. Les missiles Mistral et le système Simbad sont des dispositifs de défense antiaérienne, alors que l'organisation État islamique n'a pour l'instant pas fait preuve d'une réelle force aérienne. Brisset explique : « Pour l'instant, l'EI n'a pas d'aviation, mais des djihadistes libyens pourraient très bien remettre quelques avions en route pour les remettre à l'EI. Ils pourraient aussi disposer très rapidement de drones ou d'avions d'attaque bricolés, qui auraient une relativement grande capacité de nuisance. » Le général rappelle que les Tigres tamouls sri lankais avaient par exemple déjà réussi ce genre de « recyclage » d'avion.

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Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius s'est félicité de la signature de ces accords, en déclarant que « Le Donas illustre la qualité exceptionnelle de la relation franco-saoudienne ».

Contacté par VICE News le gouvernement libanais n'était pas en mesure de nous répondre dans l'immédiat.

À lire : Le Nord-Mali n'est toujours pas sécurisé.

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Photo par Alexandre Prévot/Flickr