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Crime

Au Burundi, le gouvernement menace des manifestants dans un contexte pré-élections extrêmement tendu

Le gouvernement a lancé un avertissement sans équivoque aux membres de l’opposition qui voudraient encore descendre dans les rues, après des manifestations qui ont donné lieu à des affrontements avec les forces de l’ordre.
Photo par Jean Pierre Harerimana/Reuters

Les ministres de la Défense, de la Sécurité publique, de l'Intérieur et de la Justice du Burundi ont mis en garde les manifestants qui voudraient redescendre dans la rue, les menaçant d'une intervention militaire, lors d'une conférence de presse donnée ce lundi à Bujumbura, la capitale du pays. Ces derniers mois, des membres de l'opposition et de la société civile descendent régulièrement dans la rue pour exprimer leur mécontentement face à Pierre Nkurunziza, le président en exercice qu'ils soupçonnent de vouloir briguer un troisième mandat, ce qui n'est pas constitutionnel en l'état.

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Le ministre de la Défense a déclaré que si le président Nkurunziza le lui demandait, il n'hésiterait pas à faire intervenir l'armée face aux manifestants. « Sur réquisition du commandant suprême ou d'une autre autorité, je suis prêt à accompagner les autres acteurs de la sécurité pour résister aux détracteurs de la paix », a ainsi déclaré le général Potien Gaciyubwenge.

À l'approche d'élections législatives, présidentielles et communales qui vont s'étendre de la fin mai jusqu'à août 2015, la tension monte dans ce pays de la région des Grands Lacs. La paix, qui a succédé à une longue guerre civile, et qui a été progressivement apportée par la signature des accords d'Arusha en 2000 semble de plus en plus fragile.

À lire : Le climat politique se tend au Burundi, à trois mois des élections présidentielles

Lors de la dernière manifestation, qui a eu lieu vendredi dernier dans la capitale, ce sont des policiers antiémeute qui ont été déployés pour disperser les manifestants. D'après la BBC, ils ont tiré des gaz lacrymogènes, et fait usage des canons à eau. 120 personnes ont été arrêtées après la manifestation, et 65 d'entre elles encourent jusqu'à dix ans de prison, accusées ce dimanche de « participation à un mouvement insurrectionnel », d'après le procureur de Bujumbura. Ce vendredi, deux policiers ont été blessés par des pierres lancés par des manifestants. Le centre-ville de la capitale est resté fermé à la circulation pendant une demi-journée, les magasins avaient fermé leurs portes.

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Un millier de personnes était descendu dans les rues pour protester contre une éventuelle troisième candidature de Pierre Nkurunziza, ce qui lui est techniquement interdit par la Constitution, et par les accords d'Arusha, qui limitent à deux les mandats consécutifs que peut exercer un président.

« La police nous empêche de manifester pacifiquement contre le 3e mandat de Nkurunziza, alors qu'elle a accompagné la manifestation du parti au pouvoir samedi », a dénoncé l'opposant Chauvineau Mugwengezo, président d'honneur de l'Union pour la Paix et la démocratie (UPD).

Pour Willy Nyamitwe, en charge de la communication de la présidence du Burundi, les arrestations et les déclarations de lundi des ministres du gouvernement vis-à-vis de velléités de prochaines manifestations ne sont pas des mesures de répression contre l'opposition. Il explique à VICE News ce mardi qu'il y a « de la place pour l'opposition, mais pas pour une révolte ni une insurrection. »

« La fièvre électorale est là, » reconnaît le conseiller, qui nous explique qu'il ne pense cependant pas que la paix du pays soit menacée. « Les forces en présence n'autoriseront pas que le pays retourne dans la guerre. Nous voulons des élections libres, transparentes et paisibles, » affirme Willy Nyamitwe.

La communauté internationale s'inquiète cependant de la violence croissante dans le pays. Vendredi dernier, le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé aux forces en présence, opposition comme gouvernement de « s'abstenir de tout acte de violence et d'intimidation avant, pendant et après les élections ».

Dans un rapport publié le 17 avril dernier, intitulé « Les élections au Burundi : l'épreuve de vérité ou l'épreuve de force ? », l'organisation International Crisis Group (ICG) s'inquiète de voir que « la tension ne cesse de monter et la perspective de scrutins libres et démocratiques ne cesse de s'éloigner ». Thierry Vircoulon, le directeur du projet Afrique centrale pour l'ICG explique ce mardi à VICE News qu'il « est important que la communauté internationale soit présente à Bujumbura et que les Nations Unies soient prêtes à intervenir. »

En cas de candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat — son parti, le CNDD-FDD doit tenir un congrès fin avril pour décider de son candidat à l'élection présidentielle — l'ICG demande à l'envoyé spécial des Nations Unies de « négocier une suspension des manifestations avec les partis d'opposition et le parti au pouvoir, leur rappeler leurs engagements relatifs à la conduite pacifique du processus électoral. » Une nouvelle candidature de Pierre Nkurunziza, qui n'était pas assurée il y a un mois, est de plus en plus probable, explique à VICE News Thierry Vircoulon, pour qui « il y a eu une reprise en main assez forte du parti » par le président en exercice. Sur cette question d'un troisième mandat, le conseiller en communication du gouvernement n'a pas souhaiter nous dire autre chose que : « c'est le parti qui décidera qui se présentera à la présidence de 2015.»

Les plaies laissées par la guerre civile burundaise, qui a opposé Tutsis et Hutus de 1993 à 2006 ne sont pas encore cicatrisées. Pris de peur de voir la situation déraper à nouveau, près de 8000 personnes, dont une majorité d'enfants, se sont réfugiées dans les pays voisins, en République Démocratique du Congo, et surtout au Rwanda depuis le début du mois d'avril. L'ICG met en garde contre une régionalisation du conflit politique burundais.

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter: @meloboucho