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Crime

Au Texas, la maîtresse d’école est en cavale, suspectée de participer à un gros trafic de cannabis

L’histoire rocambolesque de Monica Velasco, soupçonnée d’avoir géré les finances d’un trafic de drogue mené par sa famille qui, entre autres, volerait les autres dealers avant de leur revendre leur propre drogue.
Photo via US Marshals Service

Lorsque Monica Velasco a pris la fuite, les parents d'élèves de l'école primaire Thomas Manor, à El Paso, au Texas, ont dit aux enquêteurs que l'enseignante — une femme brune, discrète, de 42 ans — était l'une des maîtresses préférées de leurs enfants.

Chaque soir après l'école, Velasco rentrait chez elle — une grande maison à 400 000 dollars à l'ouest de la ville. Mais d'après les autorités, le 25 janvier, Velasco se serait échappée par la porte arrière de la résidence ceinte de briques rouges, quelques minutes avant l'arrivée de la Lone Star Fugitive Task Force des US Marshals.

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Les autorités recherchent actuellement Velasco. Elle est soupçonnée d'avoir géré les finances et transféré des biens issus d'un trafic de drogue mené par sa famille.

Selon les procureurs, la famille Velasco aurait fait entrer "des quantités énormes de cannabis aux États-Unis, [aurait] enlevé des personnes contre rançon — y compris des enfants — et [aurait] arnaqué les trafiquants concurrents en revendant la drogue qu'ils leur avaient volée."

"Elle menait une double vie," nous explique Scott Williams, marshal adjoint. "J'ai parlé à des gens dont les enfants étaient dans sa classe, qui m'ont dit, 'C'était mon enseignante préférée, elle était si gentille.'"

Le frère de Monica, Emmanuel "Richie" Velasco Gurrola, est un caïd de 29 ans qui serait à la tête de l'entreprise familiale ; un empire bâti sur le trafic de stupéfiants et de voitures volées, le blanchiment d'argent, l'extorsion et les enlèvements. Les opérations familiales s'étendent depuis Ciudad Juárez, au Mexique, jusqu'à la Caroline du Sud et la Caroline du Nord, aux États-Unis.

Le groupe, qui s'est basé à El Paso, opère également à Las Vegas et au Nouveau Mexique et gère également un réseau de distribution de drogue implanté à Dallas.

L'ampleur de ces opérations été révélée dans le cadre de la condamnation pour racket visant Emmanuel, Monica, leur frère Samuel — un homme de 40 ans qui, selon les procureurs, "co-dirige" l'entreprise familiale — et leur sœur Dalia Valencia, ainsi que d'autres associés. L'acte d'accusation a été soumis le 28 octobre par le tribunal du Western District du Texas. Les frères et sœurs ont plaidé non coupables de tous les chefs qui leur ont été imputés.

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L'acte a été rendu public le mois dernier. Quelques mois auparavant, Monica démissionne de l'école Thomas Manor et prend discrètement la poudre d'escampette.

L'Entreprise Criminelle Velasco

L'Entreprise Criminelle Velasco (ECV), aurait fait entrer des centaines de kilos de cannabis et d'autres stupéfiants — y compris la cocaïne — aux États-Unis.

D'après l'acte d'accusation, Monica et Dalia, 43 ans, étaient "principalement chargées de gérer et de stocker l'argent de l'ECV." Les associés de l'ECV prenaient rendez-vous avec Monica pour récupérer le produit de la vente, et elle s'occupait de louer des véhicules pour leurs collaborateurs.

En 2014, l'enseignante a reçu un SUV Cadillac Escalade en guise de paiement pour un kilo de cocaïne. Elle a donné la voiture à Emmanuel.

À l'époque, Monica semblait mener une vie paisible. Elle vivait seule, sans mari, petit ami ou enfant. D'après Williams, elle avait des liens d'amitié très forts avec ses élèves.

"Elle semble avoir été vraiment impliquée dans la vie de l'école," nous dit-il, au sujet de ses 14 ans de service. "Elle adorait les enfants."

Elle avait de nombreux téléphones, y compris des portables jetables pour communiquer avec sa famille.

"Elle et sa mère avaient des téléphones spécifiques pour se parler. Elle avait d'autres téléphones dont elle se servait uniquement pour parler à ses frères," explique Williams. "Les gens normaux ne font pas ce genre de chose."

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D'après les procureurs, le groupe avait régulièrement recours à la violence et menaçait également ses propres associés pour éviter les écarts. Les membres d'une équipe chargée d'enlèvements à Juárez auraient d'ailleurs tué deux des leurs en avril 2009, pour une raison qu'on ignore.

Emmanuel, Samuel et Dalia auraient organisé de 2009 à 2013 une vague d'enlèvements et d'opérations d'extorsion aux États-Unis et au Mexique, prenant comme cibles "des commerçants du coin, des professionnels de la santé, des étudiants et des enfants."

Les enlèvements auraient été assurés par plusieurs équipes, chargées d'identifier les victimes, de surveiller leurs mouvements, de procurer les armes et de négocier les rançons." Toujours selon l'acte d'accusation, c'est Emmanuel et Samuel qui dirigeant les négociations avec les familles.

Le groupe aurait également régulièrement "escroqué ou volé la drogue de leurs fournisseurs ou de leurs " — drogue qu'il revendait ensuite à profit.

Abus sexuel et meurtre

Dans une autre affaire, Samuel, Emmanuel et Dalia sont également accusés d'avoir organisé ensemble le meurtre de l'ex-épouse de Samuel, Ruth Sagredo, qui a été abattue en novembre 2008 dans une rue de Juárez. Les agents fédéraux qui ont témoigné dans le contexte de l'enquête ont déclaré que les Velasco voulaient faire taire Ruth, qui allait être appelée à témoigner contre son ex-mari dans une affaire d'agression sexuelle commise sur un mineur en 2005.

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Samuel et Ruth, une infirmière au Texas Tech University Health Sciences Center, se sont mariés en février 2004. Moins d'un an plus tard, Ruth a demandé le divorce.

Dans sa demande de divorce, Ruth a accusé son mari de "comportement extrême et scandaleux" et a noté qu'elle avait éprouvé "une grave détresse émotionnelle." À l'époque, Ruth a également expliqué qu'elle et son mari ne vivaient plus ensemble depuis le 12 janvier 2005, date à laquelle Samuel (selon la condamnation prononcée plus tard par le Grand jury fédéral) aurait agressé l'enfant.

D'après un agent fédéral qui a témoigné par la suite, Ruth aurait été la seule personne appelée à témoigner dans l'affaire, puisqu'elle était la seule personne à qui la victime s'était alors confiée.

Alors que l'affaire était sur le point d'être instruite, Samuel, Emmanuel et Dalia auraient tramé un complot pour faire disparaître Ruth.

"Ils se sont concertés pour tuer Ruth Sagredo parce qu'une fois morte,

elle ne pourrait plus témoigner dans l'affaire," a expliqué l'agent spécial Thomas Solloway, de l'unité des enquêtes du service de l'immigration et des douanes du Département de la Sécurité Intérieure des États-Unis, lors de l'audience préliminaire tenue au sujet de la détention de Dalia en octobre.

Juste avant le début du procès devant jury, prévu pour novembre 2008, ils ont commandité le meurtre de Francisco Maria Sagredo Villareal, le père de Ruth, un homme d'affaires aisé de 69 ans qui vivait à Juárez. Selon Solloway, les Velasco voulaient tendre un piège à Ruth, et l'assassiner lors des funérailles de son père.

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"Ils ont constitué un commando," a-t-il dit "Ils savaient que Ruth Sagredo ne venait que rarement au Mexique, qu'ils devraient trouver une manière de l'attirer vers le Mexique… Ils avaient prévu que Ruth Sagredo assisterait aux funérailles de son père au Mexique où, à un moment donné, ils pourraient l'assassiner elle aussi."

À l'époque, Juárez était une ville secouée par la violence, alimentée par la lutte antidrogue et le trafic d'êtres humains. En 2008, le taux d'homicides a plus que triplé pour atteindre 1 607 morts. La ville était à deux doigts de devenir la capitale du meurtre au Mexique.

"Ils voulaient que ça ressemble à un règlement de comptes de cartel," a expliqué Jason Kaunas, un agent de la Drug Enforcement Administration (la police antidrogue américaine), durant l'audience préalable au placement en détention de Samuel. Selon Kaunas, ce sont des témoins qui ont révélé l'existence de ce complot.

Le 3 octobre 2008, Francisco a remis 140 000 dollars en espèces à ses assassins et s'est fait tuer dans sa maison de Juárez. D'après Kaunas, trois hommes masqués sont entrés dans la maison, ont enfermé les autres membres de la famille dans la salle de bains, avant d'emmener Francicso dans une autre pièce pour l'abattre.

Mais d'après Salloway, Ruth a décidé de ne pas assister à l'enterrement de son père. Les Velasco auraient alors décidé de faire tuer la sœur de Ruth — Cinthia Judith Sagredo Escobedo, 40 ans.

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"Ils ont assassiné Cinthia Sagredo, espérant une fois de plus que cela ferait venir Ruth Sagredo à l'enterrement," a dit Salloway.

Cinthia a été abattue le 20 novembre 2008 devant son lieu de travail, l'hôtel Posada San Nicolás. Deux jours plus tard, alors qu'elle suivait en voiture le cortège funéraire de sa sœur, Ruth est tombée dans une embuscade et s'est faite, elle aussi, assassiner. Roberto Martinez, un collègue de Ruth qui l'avait accompagnée à l'enterrement de sa soeur, est également mort dans la fusillade.

Selon la presse locale, deux camionnettes transportant des hommes armés se sont placées de chaque côté de sa Kia Amanti de 2004, et ont criblé le véhicule de balles.

Pendant le cortège funéraire, "plusieurs hommes armés voyageant à bord de deux véhicules se sont approchés de son véhicule, l'ont coincée et ont ouvert le feu, la tuant à l'intérieur [de sa voiture]," a expliqué Kaunas.

D'après le journal El Paso Times, l'avocat de Ruth, Edward Hernandez, avait demandé à sa cliente de ne pas se rendre à Juárez — un voyage trop risqué, selon lui. Après le meurtre, Hernandez a exhorté les autorités à mener l'enquête sur les meurtres.

Les accusations d'agression sexuelle retenues contre Samuel ont été abandonnées en mars lorsque la victime a demandé un non-lieu, selon une ordonnance du 243e District Court du comté d'El Paso.

En cavale

Monica Velasco n'est pas impliquée dans la mort de Ruth Sagredo.

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D'après sa mère, Josefina Gurrola, 63 ans — qui a été arrêtée en février, accusée d'avoir caché sa fille pour empêcher son arrestation — Monica se serait enfuie après avoir appris l'arrestation de Samuel et de Dalia.

Selon un acte d'inculpation fédéral publié en septembre, Emmanuel, Samuel et Dalia sont accusés d'avoir "comploté en vue de provoquer un voyage pour permettre un assassinat." Ils ont tous trois plaidé non coupable. Si le tribunal reconnaît qu'ils sont coupables, ils risquent la prison à vie ou la peine de mort.

Emmanuel était déjà détenu, après avoir été arrêté à San Diego le 13 avril 2015, pour possession de 100 kilos de cannabis avec "l'intention de distribuer". Samuel et Dalia ont été arrêtés le 24 septembre 2015.

C'est à ce moment que Monica a quitté son poste à l'école primaire Thomas Manor et qu'elle s'est enfuie.

D'après les témoignages de Salloway et de Kaunas, la DEA, le Homeland Security Investigations et le FBI surveillaient cette entreprise criminelle depuis au moins deux ans. L'acte d'accusation d'octobre note qu'en 2013, des conversations avaient été enregistrées, dans lesquelles Emmanuel parlait "d'activités liées au trafic de stupéfiants et du transfert du produit de la vente" avec une personne connue de la police. Ces enregistrements suggèrent qu'un associé des Velasco collaborait avec la police.

À l'époque, Kaunas a expliqué qu'environ 20 témoins travaillaient avec la police pour les aider dans leur enquête sur les opérations présumées de la famille Velasco. Il a également dit que l'enquête récente avait révélé de nouvelles informations sur les meurtres en 2008.

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"Certains accusés ont accepté de coopérer avec l'enquête et nous ont fourni des informations spécifiques sur les rendez-vous qui ont eu lieu pour planifier le meurtre des victimes," a-t-il révélé.

15 Marshals à ses trousses

Un mois après avoir quitté son poste d'enseignante, Monica a été inculpée pour son rôle dans l'entreprise criminelle familiale et un mandat d'arrêt a été lancé contre elle. Pendant plusieurs semaines, son visage a orné les panneaux publicitaires tout autour de la ville, et une équipe de 15 marshals de la Lone Star Fugitive Task Force a été lancée aux trousses de l'ancienne institutrice.

En janvier, les enquêteurs ont pensé qu'ils l'avaient enfin trouvée dans une petite maison de brique avec des barres de fer aux fenêtres.

"D'une manière ou d'une autre, elle a eu vent du fait qu'on parlait au propriétaire de la maison, le mari de sa cousine," explique Williams. "Alors qu'on s'approchait de la maison, quelques minutes avant d'arriver, elle s'est échappée par la porte arrière."

Aujourd'hui, personne ne sait où elle se trouve. Les autorités disent qu'elle doit être considérée comme armée et dangereuse.

Le 5 février, Josefina Gurrola a été arrêtée alors qu'elle essayait de retirer les indemnités de départ en retraite de Monica auprès du Yselta Independent School District. En décembre, le conseil d'administration du district avait voté à l'unanimité la décision de mettre fin au contrat de Monica.

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"Velasco ne travaille plus pour le district et aucun commentaire supplémentaire ne sera donné pour l'heure," a dit le district dans un communiqué.

Lors de son interrogatoire, Gurrola aurait dit à la police que Monica "a réalisé après l'arrestation de sa sœur et de ses frères qu'elle serait la prochaine." Elle aurait également dit aux enquêteurs que sa fille avait "peur d'aller en prison."

Gurrola a d'abord dit à la police qu'elle avait prévu de remettre les indemnités retraite à Monica parce que sa fille "n'avait pas d'argent" et qu'elle "vivait à la rue." Mais, selon la police, elle est ensuite revenue sur ses déclarations et a dit qu'elle avait prévu d'utiliser l'argent pour obtenir les services d'un avocat à Tucson, en Arizona, et pour que Monica "puisse avoir une caution lors de son arrestation."

Elle a par la suite refusé de répondre aux questions des enquêteurs.

"Arrêtez, arrêtez," aurait-elle alors dit. "Je ne veux plus vous parler parce que vous ne croyez pas un mot de ce que je vous dis."

La police a refusé la liberté sous caution pour Gurrola, qui est mexicaine, de peur qu'elle ne cherche à quitter les États-Unis.

Les autorités pensent aujourd'hui qu'il y a de fortes chances que Monica soit encore cachée à El Paso. Il se pourrait en effet qu'elle soit plus effrayée du sort qui l'attend peut-être au Mexique que de faire de la prison aux États-Unis.

D'après Williams, des proches de Monica auraient dit aux enquêteurs que l'institutrice a depuis longtemps évité de se rendre au Mexique, par crainte.

"On nous a dit qu'elle avait peur d'y aller," explique-t-il. "Avant, lorsque sa famille y allait, elle refusait toujours d'y aller."

Avec le procès contre sa famille, il est possible que quelqu'un veuille "lui faire du mal, l'empêcher de parler."

"Si elle est aussi impliquée que la famille," dit-il, " une fois qu'ils savent que la famille entière est recherchée et qu'elle est la seule en cavale… on ne sait pas quel sort ils lui réservent."


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Cet article est d'abord paru sur la version anglophone de VICE News