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Yemen

Au Yémen, la « guerre oubliée » met le pays à genoux

La guerre au Yémen a produit la plus grande crise humanitaire au monde, selon les Nations unies. Pourtant, le conflit yéménite ne fait pas la Une des journaux.
REUTERS/Anees Mahyoub

La guerre au Yémen a produit la plus grande crise humanitaire au monde, selon Stephen O'Brien, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires des Nations unies. Pourtant, le conflit yéménite ne fait pas la Une des journaux et les informations sur les multiples crises qui frappent le pays parviennent au compte-gouttes. Les civils continuent de mourir, une épidémie de choléra se répand et tout le pays est au bord de la famine.

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Après trois années de cette « guerre oubliée », le pays est désormais très difficile d'accès pour ceux qui ne travaillent pas pour l'ONU, comme les observateurs des droits de l'homme, les chercheurs et les journalistes. Un récent article d'IRIN News révèle que le gouvernement yéménite formellement reconnu et la coalition menée par l'Arabie saoudite ont renforcé les restrictions imposées aux défenseurs des droits de l'homme et aux journalistes, qui embarquaient dans les avions onusiens à destination de Sanaa, la capitale yéménite (l'un des derniers moyens d'accéder au pays).

« Le pays est à genoux, » explique à VICE News, Elias Diab, un spécialiste de la gestion de crise de l'UNICEF basé à Sanaa. « Les restrictions sont imposées par les deux partis et ont un impact direct sur notre travail. »

Les combats entre la coalition menée par l'Arabie saoudite (soutenue par les États-Unis) et les rebelles houthis entament leur troisième année. Plus de 10 000 civils sont morts, 17 millions de personnes sont au bord de la famine, et des dizaines de milliers de Yéménites souffrent du choléra, qui s'est propagé dans le pays depuis avril à cause des manques sanitaires.

Les deux camps ont réprimé et réduit au silence la société civile. De fait, les grandes puissances, les organisations internationales et les médias peinent à obtenir des informations fiables et à jour, afin de protéger les civils. Les récentes restrictions inquiètent les travailleurs humanitaires et les observateurs des droits de l'homme, qui craignent que la situation s'aggrave encore – et dans un silence assourdissant.

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« Nous devons nous plier à cette décision qui n'est pas de notre ressort. »

« Nous continuons à faire pression pour permettre aux journalistes d'avoir accès à toutes les régions du Yémen, mais en même temps nous n'avons pas le choix. Nous devons nous plier à cette décision qui n'est pas de notre ressort, » a déclaré à IRIN News, Ahmed Ben Lassoued, un porte -parole de l'ONU.

Au cours du conflit, la coalition menée par l'Arabie saoudite a fermé les aéroports et les ports, bloquant les travailleurs humanitaires et les groupes d'observateurs, alors que les Houthis sont accusés de mises en détention arbitraires et de disparitions forcées de dizaines de personnes, dont des journalistes et des avocats. Les frappes de la coalition, qui ont fait un « nombre disproportionné » de victimes civiles, ont aussi coûté la vie à de nombreux journalistes et humanitaires.

« C'est quoi la suite ? » demande Diab. « Si vous n'êtes pas sur place, vous ne pouvez pas protéger les gens, ni les aider. »

La libre circulation des observateurs des droits de l'homme est pourtant une condition obligatoire du droit humanitaire international, disait en janvier O'Brien, lors du lancement du Plan de réponse humanitaire pour le Yémen pour 2017.

Le Yémen était déjà très limité en matière de transparence. Le pays se place à la 166ème place (sur 180) au classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF). Six journalistes ont été tués au Yémen en 2016, un record d'après le Comité pour la protection des journalistes. La semaine dernière, deux journalistes ont été tués dans le centre du pays, alors qu'ils couvraient le conflit.

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Les humanitaires disent que les restrictions d'accès ne pouvaient pas plus mal tomber. Le pays est au bord de la famine et l'épidémie de choléra se propage rapidement. Pendant ce temps, l'Arabie saoudite – renforcée par le réchauffement de ses relations avec les États-Unis sous Trump – continue d'intensifier ses frappes et ignore les appels à une plus grande précaution dans sa lutte contre les Houthis. Les embargos commerciaux imposés au Yémen ont aussi frappé de manière disproportionnée les civils.

« Ils signent un chèque en blanc aux Saoudiens pour qu'ils y fassent ce qu'ils veulent. »

Les experts des droits de l'homme estiment que les timides rappels à l'ordre des États-Unis, suite aux violations saoudiennes des droits de l'homme au Yémen, ne sont pas suffisants. Ce jeudi, le Sénat américain va examiner la massive vente d'armes des États-Unis à l'Arabie saoudite (dont la note s'élève à 110 milliards de dollars). De plus en plus de sénateurs inquiets du rôle des États-Unis au Yémen pourraient opposer une résistance.

« Le message envoyé par les hautes sphères de Washington est très clair, » dit Kristine Beckerle, une spécialiste du Yémen et du Koweit chez Human Rights Watch (HRW). « Ils signent un chèque en blanc aux Saoudiens pour qu'ils y fassent ce qu'ils veulent. »

Le choléra s'est propagé à une vitesse folle depuis le début de l'épidémie en avril. On assiste à une « augmentation sans précédent » des cas de choléra sans le pays, selon Geert Cappelaere, le directeur régional de l'UNICEF pour le Moyen-Orient et l'Afrique du nord. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu'il y a 96 000 cas de choléra dans le pays – 746 personnes en seraient mortes. Les chiffres augmentent de jour en jour, et aucune accalmie ne semble poindre à l'horizon.

« C'est un moment tragique, mais nous espérons que l'épidémie de choléra va permettre aux gens de se soucier enfin du Yémen, » a dit Cappelaere à l'Associated Press la semaine dernière.


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