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Birmanie

Aung San Suu Kyi incitée à « intervenir » et à protéger les Rohingyas en Birmanie

Au cours des 10 derniers jours, au moins 87 000 Rohingyas ont été chassés par des opérations militaires « d'évacuation » de l'État d'Arakan et repoussés vers le Bangladesh.
Associated Press

Yanghee Lee, rapporteuse spéciale des Nations unies, a critiqué Aung San Suu Kyi, la responsable du gouvernement birman, pour n'avoir pas mis fin à la répression militaire à l'encontre de la minorité musulmane Rohingya. Cette répression a fait des centaines de morts et forcé plus de 100 000 personnes à fuir.

Selon Yanghee Lee, Aung San Suu Kyi, une lauréate du Prix Nobel de la paix, « doit intervenir, car nous attendons de tout gouvernement qu'il protège tous les membres de sa juridiction ».

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Au moins 87 000 Rohingyas (une minorité musulmane persécutée dans un pays majoritairement bouddhiste) ont été chassés par des opérations militaires « d'évacuation » de l'État d'Arakan, à l'ouest du pays, et repoussés vers le Bangladesh, au cours des 10 derniers jours, a dit un porte-parole du HCR ce lundi. Selon plusieurs rapports, 20 000 personnes sont aussi coincées dans l'État d'Arakan où elles survivent dans des conditions inacceptables, sans accès à de la nourriture ou du matériel médical. Au moins 20 personnes sont mortes noyées alors qu'elles tentaient de traverser une rivière.

La dernière offensive de l'armée birmane a été lancée en réponse à l'attaque du 25 août, menée par l'Arakan Rohingya Salvation Army (ARSA), un groupe d'insurgés Rohingyas, qui a fait 12 morts parmi les forces de sécurité. Plusieurs observateurs, dont de hauts fonctionnaires des Nations Unies, avaient déjà accusé l'armée d'avoir soumis les Rohingyas à des punitions collectives représentant un nettoyage ethnique — des accusations que le gouvernement birman dément.

Les médias n'ont pas accès à l'État d'Arakan, mais des organisations de défense des droits de l'Homme ont signalé des tueries de masse dans des villages Rohingyas, orchestrées par les forces militaires et des groupes mafieux locaux. Ces organisations ont signalé notamment un massacre dans le village de Chut Pyin, survenu mercredi dernier et qui aurait fait plus de 200 morts.

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Human Rights Watch a publié une image qui, selon l'ONG, montre que plus de 700 habitations ont été détruites dans le village Rohingya de Chein Khar Li. Des images satellites ont aussi montré plusieurs feux dans les zones du nord de l'État d'Arakan où vivent la majorité des Rohingyas.

Suu Kyi est une championne vénérée des droits de l'homme qui a passé presque 15 ans assignée à résidence en raison de son opposition à la junte militaire qui dominait la Birmanie. Mais elle est de plus en plus critiquée, depuis son arrivée au pouvoir il y a 15 ans, pour n'être par parvenu à mettre fin aux attaques contre les Rohingyas, un groupe largement considéré comme l'une des minorités les plus persécutées dans le monde. Les Rohingyas, qui sont plus d'un million en Birmanie, vivent principalement dans l'État d'Arakan. Le pays ne les autorise pas à devenir des citoyens birmans et les voit comme des intrus clandestins en provenance du Bangladesh. Plus de 100 000 d'entre eux ont été contraints de vivre dans des camps décrépits pour les déplacés internes après les précédents épisodes de violences communautaires. Des centaines de milliers d'entre eux ont aussi entrepris des voyages dangereux, via terre et mer, pour fuir les persécutions.

Les critiques admettent que Suu Kyi se trouve dans une position difficile. La situation sécuritaire en Birmanie reste sous le contrôle d'une armée très autonome, qui gouvernait le pays depuis des décennies et occupe un quart des sièges au parlement. Le gouvernement civil de Suu Kyi, novice dans l'arène politique, ne peut pas se permettre d'aliéner cette part de la population.

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Mais la catastrophe qui se déroule dans l'État d'Arakan a montré que Suu Kyi devait « intervenir », dit Lee. L'exode est aujourd'hui plus important qu'il ne l'a été pendant la répression militaire d'octobre 2016, qui avait contraint plus de 85 000 Rohingyas à traverser la frontière. Cette vague de violences s'était accompagné son lot de meurtres, viols, et tortures orchestrés par les attaquants.

Malala Yousafzai, une autre lauréate du Prix Nobel de la paix, a rejoint les critiques et déclaré dimanche dernier qu'elle attendait toujours que Suu Kyi hausse le ton. « J'ai répété plusieurs fois que je trouvais cette façon de traiter les Rohingyas tragique, inacceptable et honteuse. J'attends toujours que Aung San Suu Kyi, ma consoeur, lauréate du prix Nobel, fasse de même, » écrit-elle.

My statement on the — Malala (@Malala)September 3, 2017

Plutôt que de s'exprimer dans le but de mettre fin à ces violences, Suu Kyi a déçu une grande partie du public la semaine dernière quand son gouvernement a publié une déclaration accusant les travailleurs humanitaires d'aider les « terroristes ». Ces commentaires ont suscité des inquiétudes au sujet de la sécurité des travailleurs humanitaires qui font déjà face à certains habitants de l'État d'Arakan suspicieux et hostiles, et sont souvent accusés de favoriser les Rohingyas. Depuis, la Birmanie empêche les organisations humanitaires des Nations Unies d'approvisionner les Rohingyas de l'État d'Arakan en nourriture, eau et médicaments. Cette mesure a affecté des centaines de milliers de personnes déplacées déjà vulnérables.

La situation dans l'État d'Arakan, qui ne cesse d'empirer, alimente l'outrage international grandissant. Dimanche, un cocktail Molotov a été jeté sur l'ambassade birmane à Jakarta. De plus, le ministre des affaires étrangères indonésien et le Premier ministre malaisien ont tous deux demandé que la crise cesse. Mais, alors que des milliers de Birmans continuent à fuir vers le Bangladesh chaque jour, on ne constate aucun signe indiquant que l'armée birmane écoute les appels à l'arrêt des violences.


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