FYI.

This story is over 5 years old.

Crime

Auto-avortement : une campagne de sensibilisation controversée secoue le Chili

Des « tutoriels pour avorter » afin d’alerter sur la nécessité de réforme dans un pays parmi les plus conservateurs sur le sujet.
Screenshot via YouTube

"Marchez calmement vers le feu rouge, attendez, et au moment où cela va passer à l'orange, visez la voiture la plus susceptible de foncer [avant que ça passe au rouge]," dit l'actrice qui joue une jeune femme enceinte. Elle marche ensuite au milieu du traffic, dans cette vidéo qui est devenue virale au Chili.

"Assurez-vous que la voiture vous frappe de face - estomac contre pare-chocs - et puis traversez la rue."

Publicité

Cette série de vidéo appelée "tutoriels pour avorter", à la violence fictive mais marquante, est faite sur le modèle des vidéos d'apprentissage populaires sur le net. Le but est clairement affiché : faire en sorte que la société se penche sur les lois anti-avortement du pays, considérées comme les parmi les plus contraignantes au monde.

"Au Chili, un avortement accidentel est le seul type d'avortement qui n'est pas considéré comme un crime," c'est le message qui conclut ces trois vidéos qui ont fait polémique. Elles présentent donc des scénarios à reproduire pour mettre fin "accidentellement" à une grossesse. Cela va du trafic routier, à se jeter dans une cage d'escalier, ou encore tomber ventre en avant sur une borne d'incendie.

L'organisation qui se trouve derrière cette campagne controversée s'appelle "Miles Chile", ou "Des milliers de Chili" en espagnol. Elle affirme avoir créé ces spots dans le cadre de son objectif de défense des droits des femmes.

Claudia Dides est la directrice de Miles Chile. Elle explique que d'innombrables femmes ont été victimes de l'interdiction totale de l'avortement au Chili. Elle aussi a été personnellement touchée par cette question.

« J'ai subi deux avortements clandestins, » a déclaré Claudia Dides dans une interview à l'agence EFE, pour des raisons médicales, précise-t-elle. « Ce qu'ils font aux femmes chiliennes, ne pas les autoriser à avorter, c'est de la torture. »

Publicité

Le Chili débat en ce moment d'un projet de loi déposé en janvier et destiné à dépénaliser l'avortement thérapeutique. L'organisation Miles Chile espère sensibiliser les parlementaires pour qu'ils approuvent le projet de loi, en menant cette campagne qui insiste sur l'absurdité de la situation dans laquelle se trouvent de nombreuses femmes qui n'ont pas le choix.

« Nous sommes traitées comme si nous étions des criminelles, » poursuit Claudia Dides. « Personne n'aime avorter. Personne n'est content de faire ça. C'est une décision compliquée. »

Le Chili a autorisé les avortements thérapeutiques de 1931 jusqu'en 1989, date à laquelle la pratique a été criminalisée sous la dictature militaire d'Augusto Pinochet. Mais nombreux sont ceux qui espèrent que le Chili change bientôt sa politique vis-à-vis  de l'avortement.

Bien qu'il soulève de féroces oppositions, un projet de loi est soutenu par la présidente Michelle Bachelet — la première femme à la tête du pays, et en ce moment dans son second mandat — si le projet passe, il légaliserait l'avortement dans certaines conditions : lorsque le foetus présente des malformations ou qu'il a peu de chances de survivre, dans les cas de viol, et dans les cas où la vie de la femme est menacée par la grossesse.

Des groupes de défense des droits de l'homme internationaux ont lancé des alertes cette semaine à propos de lois pour l'avortement restrictives et qui ont cours à travers le très catholique continent sud-américain. Ce jeudi, Amnesty International a déclaré que les lois sur l'avortement de la région étaient passées d'âge, discriminantes et « draconiennes ».

Publicité

Parmi les affaires qui ont agité l'Amérique latine, on retrouve le cas cette Paraguayenne de 10 ans, forcée de mener sa grossesse à terme — après des viols répétés par le beau-père de l'enfant — et ce malgré les risques encourus par la jeune victime.

Les lois argentines sur l'avortement, moins restrictives que dans nombre de pays sud-américains, ont aussi été critiquées. Les complications dues aux avortements clandestins sont la première cause de mortalité maternelle dans le pays, à plus de 30 pour cent, on trouve les complications dues aux avortements clandestins.

Le Salvador a été critiqué pour avoir mis en prison des femmes ayant fait des fausses couches, ou d'autres « crimes », liés à la grossesse.

« Ce qui est choquant, c'est que l'interdiction [au Salvador] s'étend même à des cas où la vie de la mère enceinte est mise en danger, » a déclaré Amnesty international dans un communiqué. « Celles qui sont trop malades pour arriver au terme de leur grossesse font face à un choix impossible : elles sont coincées entre une peine de prison, si elles avortent, ou une condamnation à mort si elles ne font rien. »

Amnesty international a appelé à des réformes de grande envergure sur les lois liées à l'avortement en Amérique latine. En ce moment, sept pays du continent interdisent tout type d'avortement : la République dominicaine, Haïti, le Honduras, le Nicaragua, le Suriname, le Salvador et le Chili.

Suivez Andrea Noel sur Twitter @MetabolizedJunk.