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Pourquoi une taxe sur les boissons sucrées n’a rien d’une pensée magique

Qu'il y ait d'autres causes du cancer n'est pas une raison d'éviter de taxer les cigarettes.
Photo : Wikimédia

Le Canada est le 10e plus grand consommateur de boissons sucrées au monde. Les adolescents de 14 à 18 ans en consomment même plus que les Mexicains (147 L/personne), les champions en la matière.

Pourtant, dans La Presse du 27 octobre, la journaliste Marie-Claude Lortie se questionnait sur le blâme que nous devrions attribuer au sucre et aux boissons sucrées dans la lutte contre l'obésité : « Sommes-nous certains que le sucre et les boissons sucrées sont si centraux au problème? » La problématique de l'obésité, tout comme celle des maladies cardiovasculaires et du diabète de type 2, est effectivement complexe. Une chose est cependant sûre et prouvée scientifiquement à maintes reprises : la surconsommation de sucres, notamment sous forme de boissons sucrées, fait partie intégrante du problème. L'Organisation mondiale de la santé (OMS), la Fondation des maladies du cœur et l'AVC et le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, pour ne nommer que ceux-là, reconnaissent les effets néfastes d'une surconsommation de sucres libres sur la santé. Pour répondre à sa question : oui, nous sommes certains.

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Le sucre n'est évidemment pas le seul et unique responsable de la problématique d'obésité. Le tabagisme n'est pas non plus la seule cause du cancer. Mais il est certainement un facteur de risque important dans plusieurs cas. Qu'il y ait d'autres causes du cancer n'est pas une raison d'éviter de taxer les cigarettes.

La bonne nouvelle dans tout ça, c'est que, comme le tabagisme, la surconsommation de sucres libres, soit ceux qui sont ajoutés aux aliments, est un facteur de risque modifiable, comme la sédentarité, la surconsommation d'alcool et l'hypertension artérielle. Il serait bien dommage de ne pas agir en conséquence pour mettre toutes les chances de notre côté.

Est-ce que la taxe sur les boissons sucrées est le seul moyen de nous faire dégringoler dans le classement des plus grands buveurs de boissons sucrées au monde? Non, mais c'est certainement une mesure parmi d'autres d'y parvenir. Et de façon efficace en plus.

La taxe sur les boissons sucrées n'a rien d'une pensée magique. C'est d'ailleurs ce que de plus en plus d'études démontrent. Une étude de 2015 publiée dans The British Journal of Medecine démontre que la taxe de 10 % sur les boissons sucrées imposée en 2014 a fait diminuer la consommation de 12 % à 17 % dans la population. La diminution la plus importante était dans les populations défavorisées. À l'inverse, l'achat de boissons non taxées, majoritairement de l'eau embouteillée non aromatisée, a augmenté de 4 %. À Berkeley, en Californie, où une taxe de 0,32 $/L a été imposée en mars 2015, la consommation a diminué de 21 % dans les quartiers défavorisés. Parallèlement, il y a eu une augmentation de 63 % de la consommation d'eau embouteillée et du robinet.

Dernièrement, l'OMS a publié un rapport dans lequel elle confirme qu'une taxe sur les boissons sucrées pourrait réduire la consommation de sucre, ce qui entraînerait des bienfaits pour la santé et augmenterait les revenus dont disposent les gouvernements pour offrir des soins de santé, par exemple. Elle ajoute également que nous avons maintenant des preuves solides que les subventions qui font chuter le prix des fruits et légumes peuvent contribuer à une amélioration de l'alimentation.

Au Québec seulement, la Coalition québécoise sur la problématique du poids précise qu'une taxe de 0,10 $/L sur les boissons sucrées permettrait d'aller chercher 80 millions de dollars par année. Voilà une somme substantielle à investir en prévention, pour ramener les cours de cuisine à l'école et subventionner les fruits et légumes frais. Il faut aussi se rappeler que pour chaque dollar investi en prévention, cela permet d'économiser 5,60 $ en soins de santé. Ça ne prend pas un doctorat en économie pour comprendre que la prévention est un investissement très, très payant pour la santé de la population.

La surconsommation de sucres libres est une triste réalité. Sous forme liquide, ils sont d'autant plus faciles à ingérer. Chaque fois que vous achetez une boisson sucrée, vous soutenez des multinationales qui se battent à coup de millions de dollars pour éviter la mise en place de mesures de santé publique qui nuiraient à leurs ventes. Boire moins sucré, voilà une belle façon de les envoyer promener.

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