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Après le meurtre de Qandeel Baloch, le Pakistan tente enfin d’en finir avec les crimes d’honneur

La population pakistanaise est divisée au sujet de la jeune femme : elle est autant accusée d'anti-islamisme que saluée parce qu'elle incarne le féminisme.

Après le meurtre de la star des réseaux sociaux surnommée la « Kim Kardashian pakistanaise », le Pakistan se prépare à promulguer une loi sur les crimes d'honneur très attendue. Est-ce que ce sera suffisant?

Qandeel Baloch a été assassinée par son frère le 15 juillet, ce qui a déclenché des manifestations de groupes féministes au Pakistan et attiré l'attention de la planète sur le sort des femmes au Pakistan. Dans le Rapport mondial 2015 sur l'écart entre les genres, le pays est classé avant-dernier pour l'égalité entre les sexes.

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La population pakistanaise était divisée au sujet de la jeune femme : elle est autant accusée d'anti-islamisme que saluée parce qu'elle incarne le féminisme. Quelques heures avant le meurtre, elle avait publié un message à ses 800 000 abonnés Facebook disant qu'elle souhaitait inspirer les femmes qui subissent de mauvais traitements et que la société opprime. Maintenant, après sa mort, son souhait semble se réaliser.

Interrogé par Reuters, la fille du premier ministre pakistanais, Maryam Nawaz Sharif — qui dirige les efforts du gouvernement pour les droits des femmes — a affirmé que la loi serait adoptée d'ici quelques semaines. Une loi anti-crimes d'honneur a été présentée au parlement pakistanais en 2014, mais le gouvernement ne l'avait pas adoptée malgré les campagnes prolongées de groupes de défense des droits des femmes.

« Nous avons finalisé le projet de loi à la lumière des négociations, assure Maryam Nawaz Sharif. Le projet de loi sera présenté à un comité lors d'une séance commune du Parlement le 21 juillet pour évaluation et approbation. » On s'attend à ce qu'elle soit adoptée, car Reuters rapporte que Jammat-e-Islami, le plus important parti religieux du Parlement pakistanais ne s'y opposerait pas. Un comité de vérification judiciaire a découvert des preuves que la police a aidé à camoufler le meurtre d'une enseignante d'Islamabad, brûlée vive par vengeance pour avoir refusé une demande en mariage.

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La nouvelle loi mettrait fin à l'impunité de ceux qui commettent des crimes d'honneur. En ce moment, la loi pakistanaise permet aux proches d'un défunt de pardonner à un meurtrier, pratique qui a ses racines dans les conceptions islamistes du pardon. Comme ce sont souvent des membres de la famille qui commettent les crimes d'honneur, cette disposition permet dans les faits au coupable d'éviter de faire face à la justice. Bien qu'il soit difficile d'obtenir des données fiables (les crimes ne sont souvent pas signalés), Human Rights Watch estime que près de 1100 femmes ont été tuées par un proche en 2015 au Pakistan pour « avoir déshonoré leur famille ».

La célébrité dans le monde de Qandeel Baloch pourrait être un puissant catalyseur de changement. Peu après son décès, les autorités ont considéré le meurtre comme un crime contre l'État, ce qui empêche les proches de pardonner son frère pour le meurtre.

Photo : Facebook

Omar Waraich, un expert pakistanais d'Amnistie internationale croit que la loi anti-crimes d'honneur sera enfin adoptée. « Le meurtre de Qandeel Baloch a ravivé le sentiment d'urgence de se pencher sur la question de la violence basée sur l'honneur et de mettre fin à l'impunité pour les crimes d'honneur au Pakistan. »

Il explique qu'il y a de l'opposition à la loi chez la droite religieuse, même si une grande partie de la population appuie cette volonté de mettre fin aux crimes d'honneur. Le nombre de ces crimes augmente, de 869 cas en 2013 à plus de 1000 l'an dernier. « Ces crimes sont plus nombreux qu'on l'avait d'abord estimé », note-t-il, insistant sur le fait que Qandeel Baloch vivait en ville et était indépendante de fortune. « Ce qu'on observe, c'est que les crimes d'honneur ne sont pas confinés aux régions rurales, mais existent aussi dans les villes, et des femmes de tous les milieux économiques en sont victimes.

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Omar Waraich ajoute que la loi pourrait être adoptée dans quelques semaines, car les partis politiques qui l'appuient représentent une majorité au Parlement. « Reste à voir s'il y aura une forte réaction de la droite religieuse. Je pense qu'il y en aura une. »

Certains sont impatients de voir la loi adopter. Mais d'autres doutent de la nature progressiste de la loi. « En assimilant les crimes d'honneur à des cas spéciaux, on leur donne de la légitimité », soutient Madiha Tahir, militante pour les droits des femmes au Pakistan. « Ça permet au gouvernement de déterminer ce que sont les crimes d'honneur d'après l'étroite définition déjà inscrite dans sa loi. »

Elle explique que les crimes d'honneur n'ont rarement que l'honneur pour prétexte. « Ils sont souvent liés à des raisons économiques, sociales ou autres questions matérielles croisées à la misogynie. »

Omar Waraich est aussi d'avis que la loi a ses limites. « Nous devons aussi remettre en question l'état d'esprit qui autorise ces comportements. On contester l'inquiétant degré de tolérance des crimes d'honneur au Pakistan. »

« Après seulement les femmes pourront faire des choix de vie avec la garantie que leur liberté, leur dignité et leur sécurité seront protégées. »