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Je prends du LSD pour me remettre de mon kidnapping par mon père

Des buvards contre les cauchemars.
Max Daly
London, GB

Cette personne n'est pas la personne interviewée.

En janvier 2015, Nara, alors âgée de 19 ans, prenait un avion pour rejoindre l'Irak depuis Londres. Elle était censée assister à l'enterrement de sa grand-mère, originaire du Moyen-Orient. Sauf qu'à son arrivée, elle a constaté que sa grand-mère était on ne peut plus vivante.

En fait, elle avait été victime d'une machination mise en place par son père, qui l'accusait d'être devenue trop « occidentale ». Nara a été enfermée dans une chambre pendant quatre semaines. Son père la frappait tous les jours. Elle a fini par s'enfuir pour rentrer en Grande-Bretagne. Elle vit désormais cachée. Pour ce faire, elle a changé d'identité et de travail. Encore sous le choc de cette épreuve, elle est tombée en dépression. Son médecin lui a conseillé d'aller voir une psy, ce qu'elle a fait – cette dernière lui a prescrit des calmants qui n'ont pas vraiment arrangé son cas.

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En fait, ce n'est qu'après avoir ingéré du LSD lors d'une soirée qu'elle s'est sentie mieux.

L'idée d'utiliser le LSD à des fins thérapeutiques n'est pas nouvelle. Elle existe depuis les années 1950, quand les psychiatres Humphry Osmond et Abram Hoffer ont cru déceler dans les produits hallucinogènes un moyen pour les malades « de poser un regard neuf sur leur maladie ». Les recherches ont été stoppées dans les années 1960, lorsque les pouvoirs publics ont diabolisé la consommation de LSD. Malgré une attitude toujours aussi répressive, les recherches ont peu à peu repris, jusqu'à aboutir l'année dernière à une étude largement partagée menée par une revue canadienne qui mettait en évidence les bienfaits des hallucinogènes dans le traitement de certains troubles – comme l'addiction, l'anxiété ou le stress post-traumatique.

J'ai eu l'occasion de rencontrer Nara, dont le nom a été modifié pour des raisons évidentes. Je lui ai demandé de m'en dire plus sur le rapport entre traumatisme personnel et LSD.

VICE : Peux-tu nous en dire plus sur ce qui s'est passé en Irak ?
Nara : En fait, mes parents, qui vivaient en Grande-Bretagne, ne supportaient pas ma décision de ne pas porter de voile et de ne plus prier. Je me disputais souvent avec eux à ce sujet. Quand ils m'ont annoncé que ma grand-mère – donc j'étais très proche – était morte, je les ai accompagnés sans réfléchir pour les funérailles. Au final, leur plan était de me forcer à rester là-bas.

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Comment ton père s'est-il comporté ?
Il m'a enfermée dans une pièce et m'a battue tous les jours. Je n'avais jamais vraiment apprécié mon père, mais il était évident qu'il avait honte de moi. Il a vraiment déversé sa rage sur moi. Il a fracturé mon bras gauche et certaines de mes côtes. J'ai passé un mois dans la maison de ma grand-mère, contre mon gré. Au bout de quatre jours, on m'a autorisée à me dégourdir les jambes dans le jardin, mais c'était tout. Je n'avais ni téléphone, ni Internet, bien évidemment.

Comment as-tu réussi à t'échapper ?
J'avais un Kindle dans mon sac et j'ai finalement réussi à me connecter à un réseau ouvert. Ça m'a permis de contacter mon petit ami, qui était en Grande-Bretagne. Il m'a répondu que l'ambassade savait déjà que j'avais été kidnappée, et que tout le monde me cherchait. J'ai décrit la maison dans laquelle je me trouvais mais personne n'a réussi à savoir où j'étais. Un jour, j'ai entendu mon père quitter la maison. Je me suis dit : « C'est maintenant ou jamais. » Je savais que cela reviendrait à dire adieu à ma famille. J'ai trouvé une clé ouvrant la porte et ai pris un taxi jusqu'à l'ambassade. Ils m'ont mise dans le premier vol vers Londres.

Et quelles ont été les conséquences pour toi ?
J'ai changé de nom, de boulot, de tout. J'ai coupé les ponts avec toute ma famille. Mon petit ami m'a épaulée dans cette épreuve et, au début, je me disais que j'allais m'en remettre. Le problème, c'est que six mois après mon retour d'Irak, j'ai craqué. J'étais tout le temps déprimée. J'étais victime de terreurs nocturnes, d'insomnie et de stress post-traumatique. Je dormais trois heures par nuit. Je n'ai pas pu aller bosser pendant deux fois. J'ai fini par consulter une psy, qui m'a prescrit des calmants.

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Quel rôle le LSD a-t-il joué dans tout ça ?
Avant ma détention en Irak, je prenais de la drogue de temps en temps. Je n'étais pas une grosse buveuse et je tournais surtout à la MDMA – je ne prenais que très rarement du LSD.

Quatre mois après mon retour, lors d'une soirée, j'ai pris beaucoup trop de LSD, et je l'ai très mal vécu. J'ai dû avaler du diazépam pour me faire redescendre et m'endormir. Sauf que j'étais bien décidée à retenter ma chance.

Quand cela a-t-il eu lieu ?
En octobre, l'année dernière. J'avais fait quelques recherches en ligne sur le LSD et j'avais décidé de prendre 200 microgrammes. J'étais avec des amis donc j'étais détendue. C'est là que j'ai découvert un truc capital.

Quoi donc ?
Alors que j'étais défoncée, j'ai compris comment mieux gérer mes problèmes – comme si j'avais un moment d'extralucidité, en fait. Je me rendais compte que ce n'était pas de ma faute. Ça m'a ouvert les yeux. Ça m'a également permis d'être plus réceptive lors de mes visites chez ma psy. J'avais moins de difficulté à aborder mes problèmes. Bon, celle-ci n'était pas ravie d'apprendre que je prenais du LSD, mais elle m'a tout de même remerciée pour mon honnêteté.

Pourquoi le LSD a-t-il eu cet effet-là, selon toi ?
En fait, le LSD m'a permis d'avoir une approche plus centrée sur moi-même, comme si je m'observais de l'intérieur. Le LSD me permet de percevoir des choses qui me sont normalement invisibles. Il fallait simplement que je trouve la dose adaptée.

Près d'un an après cette révélation, comment te sens-tu ?
J'ai fait beaucoup de progrès, même si cela reste précaire. Je prends toujours des calmants mais je fais en sorte de m'arrêter pendant quelques jours lorsque je prévois de prendre du LSD, afin de ne pas tout mélanger. Après, j'ai renoncé à l'idée de prendre du LSD pour m'amuser – c'est désormais un outil thérapeutique.

As-tu des nouvelles de ta famille ?
Je n'ai parlé à personne depuis février 2015. Mes deux petites sœurs me manquent énormément. Ça me fait mal, mais je ne sais pas ce que je peux faire. Je ne vais pas retourner en Irak – là où ils vivent désormais – pour prendre des nouvelles de tout le monde. À la place, j'ai de nombreux amis. Je dois tout de même demeurer discrète – certains membres de ma famille vivent toujours en Grande-Bretagne, et j'imagine qu'ils sont en relation étroite avec mon père.

Merci beaucoup, Nara.

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