(Photo d'Angela Catlin/VICE News)
L'organisation État islamique (EI) est clairement sur la défensive à Mossoul, la deuxième ville d'Irak. Les États-Unis et les forces de la coalition militaire en Irak poursuivent leur offensive sanglante pour reprendre la ville. Mais bien que le groupe terroriste recule, une ville des environs ne souhaite pas prendre de risque.La ville d'Al-Hamdaniya a déjà été presque détruite par l'EI en 2014. Aujourd'hui, un groupe d'habitants protège les ruines et patrouille dans les rues pour éviter que les combattants de l'EI reviennent. Cette petite équipe continue d'espérer que familles et voisins puissent un jour rentrer chez eux en toute sécurité.De nombreux chrétiens vivant depuis longtemps dans la région ont été forcés de fuir en août 2014, lorsque les militants de l'EI sont arrivés. Les femmes et enfants sont partis en premiers. Les hommes qui étaient restés (en espérant que l'EI n'envahirait pas leur ville) les ont ensuite rejoints.« Quatre de mes fils, tous ingénieurs, voulaient rester. Ils disaient : "Nous allons rester, car l'EI ne viendra peut-être pas," » dit Behanan Aboush. Il est maintenant stationné au quartier général des « Unités de protection de la plaines de Ninive (NPU) » à Al-Hamdaniya.Aboush est le fondateur et le leader des NPU, une milice créée début 2015 par des chrétiens assyriens, pour protéger leur ville quand l'offensive de l'EI balayait la plaine de Ninive. D'après Aboush, les soldats de l'EI ont tué et forcé les minorités à se convertir à l'islam. Environ 100 000 chrétiens ont fui leurs maisons.Tard une nuit d'août, Aboush a été informé que l'EI était en chemin. Il a donc appelé ses fils et leur a dit de fuir la ville avec tous les gens des alentours.« J'ai imaginé le désastre auquel les gens faisaient face à ce moment, » dit Aboush. « Quand j'ai vu tout ça, j'ai commencé à me dire : "Je dois faire quelque chose pour protéger mon peuple et cette région. »Environ 50 000 personnes vivaient à Al-Hamdaniya – la plus grande ville chrétienne d'Irak – mais presque tous les habitants ont fui quand l'EI est arrivé. Quand les combattants sont entrés dans la ville, il n'y avait plus que 35 personnes encore là selon Aboush. Il dit que la plupart d'entre eux ont réussi à s'échapper, mais que quatre d'entre eux ont été tués pendant l'occupation et quatre autres ont disparu.Aboush est un ancien soldat de l'armée de l'air irakienne. Il dit avoir établi une force militaire pour protéger Al-Hamdaniya et les autres villes chrétiennes à la suite d'attaques de l'EI. Il a débuté avec seulement 15 soldats. Aujourd'hui environ 500 hommes font partie de son équipe. Ils ont été entraînés par les Américains et armés par les forces irakiennes.« Les NPU doivent permettre de garder notre peuple en sécurité. Nous faisons de notre mieux pour protéger nos compatriotes et les aider. Nous avons vu ce qui est arrivé aux Yézidis, et constaté que les grandes puissances ne les ont pas aidés. On a compris la douleur des Yézidis, » dit Aboush.La ville a été libérée le 21 octobre 2016, plus de deux ans après que l'EI ait pris le contrôle. Quand VICE News a visité la ville en mai, personne n'avait pu regagner sa maison. L'EI a détruit presque toute la région (environ 75 pour cent des bâtiments ont été sérieusement endommagés) avant de se replier sur Mossoul. Reconstruire va coûter des millions de dollars, et prendre des années.Les combattants des NPU sont payés 400 dollars par mois par le gouvernement irakien. Ceux qui patrouillent les rues (avec le droit de tuer) sont aujourd'hui de simples citoyens qui travaillaient auparavant dans des usines ou de petits commerces.Al-Hamdaniya est aujourd'hui une ville fantôme, étrangement déserte, et les conséquences du passage de l'EI sont visibles de partout. Les extrémistes ont suivi une politique de la terre brûlée avant de quitter la ville : ils ont vandalisé gratuitement les lieux, ciblant presque toutes les maisons. Ils ont aussi attaqué et brûlé l'ancienne église syriaque catholique of Mar Behnam, profanant l'autel et détruisant le clocher.Les graffitis noirs sont partout sur les murs. L'EI a marqué les maisons de chrétiens avec l'équivalent arabe de la lettre « N » qui désigne le terme péjoratif « nazaréen ».Les NPU ont mis en place un poste de surveillance armé d'une mitrailleuse lourde produite en Russie (une « Dushka »). Environ 90 mètres plus loin, les NPU ont creusé une tranchée géante autour de la ville pour la protéger si l'EI revient.« Notre entraînement a duré six mois, » dit Amar Yashuh, un ex-gendarme. Sa maison a été complètement détruite, comme celle d'un autre soldat nommé Saddam, qui dit que sa femme et quatre enfants vivent à Erbil, une ville kurde.Les maisons qui ont abrité les combattants de l'EI sont toujours là, remplies de couvertures et sacs de couchage. Dans une maison, il y a une bouteille de shampoing, un short en jean, et un paquet de Gauloises vide. Il y a un téléphone portable écrasé sur le sol ; une veste blanche et sale est accrochée à la porte.Les soldats ne savent pas ce que l'avenir réserve aux NPU et à la ville de Al-Hamdaniya. Ils veulent juste rétablir la paix. Mais une fois que Mossoul est libéré de l'EI, Al-Hamdaniya va avoir à surmonter d'autres obstacles : les tensions entre les Kurdes et les Irakiens concernant les terres contestées vont certainement tôt ou tard remonter à la surface.Aboush n'oublie pas cet épineux problème, et dit que le peuple devrait avoir le choix.« J'aimerais que les gens [les habitants de la ville] aient le droit de voter pour décider de leur futur [qu'ils veuillent faire partie de l'Irak ou d'une terre contrôlée par le gouvernement régional du Kurdistan] et que les gens respectent ce vote, » dit-il. « Avant tout, nous voulons garder notre sécurité entre nos mains. »
Billy Briggs est un journaliste freelance, qui a travaillé pour The Guardian, The Times, Al Jazeera et la BBC. Angela Catlin est une photographe freelance intéressée par les problèmes humanitaires et sociaux. www.angelacatlin.com
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Billy Briggs est un journaliste freelance, qui a travaillé pour The Guardian, The Times, Al Jazeera et la BBC. Angela Catlin est une photographe freelance intéressée par les problèmes humanitaires et sociaux. www.angelacatlin.com