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Bernard Cazeneuve veut assouplir le recours à la légitime défense pour les policiers

Dans un entretien accordé ce jeudi au journal Libération, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, dit vouloir assouplir le recours à la légitime défense des policiers « idéalement au premier semestre 2016 ».
Pierre Longeray
Paris, FR
Etienne Rouillon / VICE News

Dans un entretien accordé ce jeudi au journal Libération, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, dit vouloir assouplir le recours à la légitime défense des policiers « idéalement au premier semestre 2016 ».

Pour le ministre, les conditions sécuritaires actuelles l'amènent à repenser ce qu'il appelle les « conditions d'engagement des policiers » — à savoir quand les policiers peuvent faire usage de leur arme. Le ministre fait référence aux « actes terroristes », ou au récent épisode de « l'Ile-Saint-Denis », où un agent a été blessé par un braqueur évadé de prison à la faveur d'une permission de sortie.

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Cazeneuve précise dans la foulée qu'il n'est pas question « de sortir du cadre constitutionnel », à savoir que les policiers devront toujours respecter une double condition : « l'absolue nécessité de la riposte et sa proportionnalité. »

En France, les policiers sont donc dans l'obligation de se trouver dans une situation de légitime défense pour pouvoir utiliser leur arme. L'article 122-5 du code pénal fixe les règles de la légitime défense pour les policiers.

« N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction », peut-on lire dans le code pénal. 

Ainsi, un policier français ne peut pas tirer sur une personne qui prend la fuite sans menace directe, ou utiliser son arme contre des personnes non-armées — sans être tenu responsable pénalement.

Le ministre de l'Intérieur souhaite ainsi assouplir les possibilités d'ouvrir le feu pour les policiers. Mais uniquement dans « des cas très particuliers », comme Cazeneuve l'avait précédemment annoncé lors du 8e congrès national du syndicat Alliance police nationale, début novembre.

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Le ministre donnait un exemple de ces cas particuliers, à Troyes, lors du rassemblement du syndicat policier : il avait pris l'exemple des forcenés qui tuent en série. « On ne peut pas attendre que des policiers soient confrontés à des drames à répétition pour réagir », préconisait le ministre. Ainsi les policiers pourraient faire usage de leur arme sans attendre de se retrouver dans une situation de légitime défense.

D'autres règles pour les gendarmes

En avril dernier, le ministre de l'Intérieur avait refusé d'aligner le régime de légitime défense des policiers sur celui des gendarmes, dont les règles sont plus permissives sur l'utilisation de leur arme et compilées dans l'article L2338-3 du code de la Défense.

Les gendarmes peuvent par exemple tirer après sommation, sur un véhicule qui force un barrage, ou encore faire utilisation de leur arme s'ils « ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent ». Pour Cazeneuve, ces différences sont notamment dues à « l'héritage militaire » des gendarmes.

Ce refus d'alignement faisait suite à une proposition de loi du député (LR) Éric Ciotti qui visait à permettre aux policiers d'utiliser plus aisément leur arme. La proposition de Ciotti avait été écartée par Cazeneuve, qui jugeait le texte « juridiquement contestable ». Dernièrement, le chef du parti LR, Nicolas Sarkozy, proposait que gendarmes et policiers « bénéficient de la présomption de légitime défense » afin de « renforcer la sécurité des Français ».

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Des chiffres relativement stables

Dans le rapport du député Ciotti, rendu en mars 2015, sur la « légitime défense des policiers », on apprend que depuis 10 ans, 36 policiers sont morts « en mission » et 76 « en service ».

D'après l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), les morts en service font référence « aux décès survenus pendant les heures de service de diverses manières : par arme lors d'une mauvaise manipulation de son arme de service, en circulation lorsque le policier est victime d'un accident matériel de la circulation alors qu'il est en service, durant les entraînements de sport, sur le trajet domicile travail, ou bien encore de manière fortuite. » La plupart de ces décès surviennent lors du trajet domicile-travail, au cours d'accidents de la circulation.

Les morts en mission font référence à « l'ensemble des décès survenus soit en opération de police, soit en service commandé, au cours desquels le fonctionnaire met en œuvre les prérogatives attachées à sa fonction, » d'après le vocable de l'ONDRP.

D'après le journal Libération, les chiffres des policiers tués en mission sont relativement stables : trois en 2010, 2011, 2012 et 2013. Quatre policiers ont été tués en mission en 2014 - dont 1 par balle.

En 2015, trois policiers ont été tués par balle — dans le cadre de leur mission — lors des attentats de début janvier, perpétrés par les frères Kouachi et Amedy Coulibaly. Un autre policier a perdu la vie en avril, renversé par un chauffard, qui avait refusé de se soumettre à un contrôle de vitesse. Deux autres policiers sont décédés en janvier et septembre sur le chemin de leur travail dans des accidents de la circulation.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray