Le LHC prouve que les fantômes n'existent pas

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Le LHC prouve que les fantômes n'existent pas

C'est triste, mais c'est comme ça : en vertu des lois de la physique, si les fantômes existaient, le LHC les aurait déjà découverts.

Depuis que l'être humain a commencé à comprendre que son passage sur Terre avait la forme d'un CDD, il s'est curieusement mis en tête que bouffer les pissenlits par la racine n'était pas synonyme de dissolution pure et simple. Et après tout, ça se comprend : il est beaucoup plus facile et rassurant de se dire qu'il existe une autre forme d'existence au-delà de l'enveloppe charnelle que de regarder dans les yeux le vide métaphysique du néant post-mortem. Résultat : les fantômes, spectres, revenants et esprits de toutes sortes peuplent les folklores d'à peu près toutes les civilisations connues depuis des millénaires, au grand dam des plus cartésiens d'entre nous. Et les progrès de la science n'y changent pas grand-chose : selon une enquête d'opinion Statista réalisée en 2015, 40% des Français pensent que « l'on peut ressentir la présence d'un fantôme ou voir des objets se déplacer tout seuls ». Casper et ses potes ont la vie dure, et la certitude que nous avons sur leur existence, à la manière des OVNIs, du yéti ou du régime démocratique, semble imperméable aux faits. Dommage, car nous avons désormais un moyen quasi-imparable d'explorer d'autres états de matière où pourraient éventuellement se nicher les ectoplasmes de nos chers disparus : le Grand collisionneur de hadrons, ou LHC.

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Le collisionneur de particules, qui explose des particules à des vitesses vertigineuses depuis 2008 pour en révéler d'autres, ne s'est pas contenté de découvrir une foultitude de particules exotiques, de réfuter par l'expérience la théorie de la supersymétrie ou de graver dans le marbre la théorie de la relativité générale d'Einstein en allant pêcher le boson de Higgs, il permet également d'affirmer avec aplomb, pourvu qu'on s'y connaisse un peu en physique, que les fantômes n'existent pas. En l'occurrence, ce n'est pas votre serviteur - et son bac S - qui l'affirme crânement, mais Brian Cox, physicien britannique membre de la Royal Society, professeur à l'université de Manchester, membre de l'équipe du LHC qui travaille sur le détecteur ATLAS et surtout génial vulgarisateur télévisuel pour les émissions scientifiques de la BBC. Le 27 décembre dernier, un épisode de la série The Infinite Monkey Cage réunissait Cox et une autre sommité de la vulgarisation, l'inénarrable astrophysicien Neil DeGrasse Tyson, pour discuter science et paranormal sur les ondes de BBC Radio 4. Qui débute par les mots de Cox : « avant de poser la première question, je voudrais faire une déclaration : nous ne sommes pas là pour discuter de l'existence des fantômes car ils n'existent pas. » Boom.

Saloperie de Newton

Rangez les Proton-Packs et remballez les attrape-rêves, car en bon scientifique, Cox déroule ensuite son argumentation : « si nous imaginons une sorte de motif qui transporterait l'information qui permettrait à nos cellules de persister après la mort, alors nous devons spécifier précisément quel medium transporte ce motif et comment il interagit avec les particules de matière dont sont faits nos corps. En d'autres termes, nous devons inventer une extension au Modèle Standard de la physique des particules qui a échappé à la détection du LHC. Aux niveaux d'énergie typiques des interactions de particules dans nos corps, c'est presque inconcevable. »

Plus simplement, si les fantômes existaient, ils devraient se détecter à des niveaux d'énergie similaires à ceux des particules humaines, sans quoi nous ne pourrions ni les discerner, ni interagir avec eux. Manque de pot, les niveaux d'énergie en question ont été fouillés dans à peu près tous les recoins imaginables par le LHC, et on n'a encore rien trouvé qui sorte de l'ordinaire. « S'il existe une quelconque sorte de substance qui anime nos corps, qui fait bouger mes bras et mes jambes, alors elle doit interagir avec les particules dont sont faites nos corps » , conclut Cox. «  Et sachant que nous avons réalisé des mesures de très haute précision de la manière dont les particules interagissent, mon hypothèse est qu'il ne peut pas exister une source d'énergie qui anime nos corps. » Après la mort, donc, pas d'envol de « l'âme » vers un éther tranquille où nous pourrions nous balader en voletant auprès de nos proches restés bloqués dans leurs prisons de chair.

Le lecteur averti et porté sur le spiritisme rétorquera sans doute que le Modèle Standard des particules est un véritable gruyère, et qu'il est par conséquent difficile de prédire l'absence de quoi que ce soit. C'est vrai, dans une certaine mesure : oui, la théorie comporte des vides, que les chercheurs s'attellent à remplir… mais pas au sujet des mécanismes qui gouvernent les interactions de particules de nos corps, là où devraient logiquement se trouver les fantômes. Enfin, dans une interview au Guardian antérieure à l'émission, Brian Cox enfonçait le clou en expliquant que « l'existence des fantômes contreviendrait à la seconde loi de la thermodynamique », l'un des socles de la physique contemporaine. Selon cette loi, l'entropie totale d'un système isolé augmente systématiquement avec le temps pour atteindre une valeur maximale à laquelle le système reste équilibré, l'entropie étant la fonction qui permet de mesurer le niveau de désordre d'un système.

Plus simplement, cela signifie que tout système fermé, comme un être vivant, tend à se désorganiser avec le temps jusqu'à atteindre un état d'équilibre – chez nous, la mort -, et qu'il est théoriquement impossible de voyager dans le passé. Comment cette loi s'applique-t-elle aux fantômes ? Prenons un spectre, flottant là devant nos yeux. S'il n'est pas constitué de matière (puisque tous les bons films nous ont appris que l'on passe à travers un fantôme si on souhaite le toucher), il est donc constitué d'énergie. Sachant qu'un système perd nécessairement de l'énergie en vertu de la thermodynamique, tout mouvement effectué par le spectre – déplacement, hurlement lugubre, cliquetis de chaînes ou déplacement d'objets - ferait nécessairement et irrémédiablement diminuer sa jauge d'énergie. Impossible, donc, de maintenir un état spectral pendant des siècles et des siècles : si jamais les fantômes existaient, ils auraient donc des espérances de vie extrêmement courtes… et nous les aurions détectés. A moins, on le concède, que les fantômes parviennent à contourner cette loi, comme certains indices nous le laissent aujourd'hui penser. Oui, la science est rabat-joie, et c'est ce qu'elle fait de mieux. Cela dit, libre à vous de croire que l'ombre à forme humaine que vous jureriez avoir vu disparaître dans le couloir était bien celle de votre glorieux ancêtre… ou d'une présence beaucoup plus menaçante. Rassurez-vous, il y a au moins un avantage à la croyance (trop) répandue envers les esprits : une maison hantée, c'est avant tout une aubaine immobilière.