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Canada 150

Reconnaissons enfin la honteuse réalité du traitement réservé aux Premières Nations

À l’approche du 150e anniversaire du Canada, il est temps de s’entendre sur la véritable et terrible histoire de notre pays.
By. Colin Perkel, The Canadian Press

Le 10 mai dernier, le rédacteur en chef du magazine Write, Hal Niedzviecki, a affirmé dans un éditorial ne pas croire au concept d'appropriation culturelle et a ironiquement proposé la création d'un « Prix de l'appropriation ». Diverses personnalités médiatiques ont par la suite appuyé sa proposition sur Twitter, certains allant jusqu'à offrir une contribution de 500 $. Hal Niedzviecki a depuis été congédié.

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Si la polémique du « Prix de l'appropriation culturelle » nous a appris une chose, c'est qu'il reste du chemin à parcourir pour en arriver à la « réconciliation ».

Quand des personnalités médiatiques de premier plan de journaux, magazines ou chaînes de télé influents comme le National Post, Maclean's, The Walrus et CBC, entre autres, ridiculisent ouvertement sur Twitter les propos sérieux de rédacteurs, artistes et éditeurs autochtones au sujet de l'appropriation culturelle, que sommes-nous censés penser de leurs choix journalistiques et du contenu qu'ils présentent (ou ne présentent pas)? Dans les 94 appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, les articles 84 à 86 exigent explicitement la collaboration des médias. S'ils ne peuvent pas être un véhicule de changement, c'est un peu foutu, non?

Si vous participez à la réconciliation d'une manière ou d'une autre, vous avez probablement déjà ressenti d'occasionnels instants de joie, mais aussi cette écrasante impression que le projet est voué à l'échec. On nous dit de faire preuve de patience, que la réconciliation prendra du temps. Je suppose que c'est raisonnable. Cependant, après cette polémique, il est difficile de voir la lumière au bout du tunnel. Surtout qu'il semble que nous ne nous comprenons pas, comme si nous parlions des langues différentes… ce qui en fait ne serait pas si mal, mais, conséquence multigénérationnelle des pensionnats autochtones, je ne la connais pas, ma vraie langue.

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Avant de se bourrer de hot-dogs et de bières le 1er juillet, élaborons d'abord un énoncé des faits sur lesquels nous nous entendons pour nous mettre au diapason. Si nous ne nous comprenons pas, nous vivrons continuellement des désastres comme ce « Prix de l'appropriation ».

Je propose ce qui suit comme point de départ.

Il y a 150 ans, pour les Pères de la Confédération, il y avait un « problème indien » et c'est un sentiment qui persiste encore aujourd'hui.

« Je veux qu'on soit débarrassé du problème indien. Notre objectif est de poursuivre jusqu'à ce que tous les Indiens au Canada aient été absorbés par notre système politique et qu'il n'y ait plus d'Affaires indiennes. »
Duncan Campbell Scott, surintendant général associé des Affaires indiennes en 1920

Pouvons-nous convenir que l'histoire du Canada est forgée par le colonialisme, une attitude paternaliste ainsi que le vol de territoires et de ressources, et qu'essentiellement, sa fondation repose sur une horrible réalité dont nous ne devrions pas être fiers?

Pouvons-nous convenir que les bienveillants Pères de la Confédération et leur absolutisme étaient un peu problématiques?

Pouvons-nous convenir que c'est un projet plutôt pervers et que, si le Canada avait réussi à l'accomplir, les Premières Nations auraient été rayées de la carte?

Pouvons-nous convenir que mes ancêtres ainsi que les autochtones en général n'étaient pas du tout d'accord avec cette proposition de génocide et que c'est un miracle, attribuable à leur détermination, leur force de caractère et leur amour de la famille, de la communauté et des terres, si les Premières Nations existent toujours?

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Pouvons-nous convenir qu'il n'y a pas matière à débat pour déterminer s'il y a eu génocide ou non?

Pouvons-nous convenir qu'il n'y a pas eu de guerre ultime perdue par les Premières Nations et de territoires ainsi gagnés?

Pouvons-nous convenir que le Canada a conclu un accord avec les autochtones il y a 150 ans et qu'il n'a jamais vraiment respecté cet accord?

Pouvons-nous convenir que les Premières Nations portent le fardeau du traité et que les non-autochtones en bénéficient chaque jour de leur vie parce que le gouvernement n'a jamais tenu ses engagements?

Pouvons-nous convenir que les traités sont conclus entre des nations et que leur respect est juridiquement et indéfiniment obligatoire?

Pouvons-nous convenir que l'article 35 de l'Acte constitutionnel de 1982 reconnaît et confirme les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada?

Pouvons-nous convenir qu'en cas de litige devant les tribunaux entre le gouvernement du Canada et des autochtones au sujet de leurs droits, ils se cassent la gueule presque chaque fois? La Cour suprême fait respecter les titres autochtones et le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, car c'est définitivement soudé à la constitution — le texte qui définit les règles et les principes fondamentaux de notre pays.

Pouvons-nous convenir que lorsque le Canada porte une affaire contre les autochtones devant les tribunaux et qu'il est assuré de perdre, il gaspille l'argent des contribuables?

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Pouvons-nous convenir que les lois discriminatoires, leurs effets et leur héritage sont à l'origine des différences entre le non-autochtone et l'autochtone moyens?

Pouvons-nous convenir que le colonialisme et ses conséquences sont les idées dominantes qui nous ont conduits ici et qu'elles existent toujours aujourd'hui?

Pouvons-nous convenir que le colonialisme n'est pas que le problème des autochtones et qu'il nous cause du tort à tous?

Pouvons-nous convenir qu'après seulement 150 ans, il n'est pas trop tard pour regarder le passé, déterminer les erreurs et les régler pour que l'avenir en soit exempt? Par exemple, appliquer les traités et reconnaître la valeur d'un accord conclu entre nations.

Pouvons-nous convenir que les autochtones savent ce qui est mieux pour eux et que les solutions imposées le gouvernement ne vont pas « régler le problème indien »?

Pouvons-nous convenir qu'un grand pourcentage de la population canadienne lit ce texte et se dit que je suis un autre autochtone pleurnichard et que je n'écris que des faussetés?

Pouvons-nous convenir qu'un grand pourcentage de la population canadienne lit ce texte et ne comprend pas parce que le révisionnisme canadien a supprimé ces informations des livres d'histoire et des médias?

Pouvons-nous convenir que nous avons du travail?

OK, imaginons que vous ne soyez pas d'accord avec moi (je comprends), mais que vous pensez que je n'ai pas entièrement tort. Vous voulez en savoir plus? Recourons simplement aux textes, études, enquêtes et autres documents existants dans lesquels se trouve beaucoup d'information. Le travail colossal de recherche a déjà été fait pour nous. Ça nous a d'ailleurs coûté des millions de dollars. Il doit bien y avoir des textes intéressants dans le lot.

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Lisez la Loi sur les Indiens. C'est un bon point de départ et, sérieusement, c'est hilarant. Vous verrez le racisme profond qui soutient tout le texte.

Lisez le Livre blanc sur la politique indienne de 1969. Le ministre des Affaires autochtones d'alors, Jean Chrétien, proposait de supprimer le statut des autochtones (et leurs droits), de les assimiler et d'achever le vol de leurs territoires.

Lisez le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Une commission royale! Il ne se fait pas plus prestigieux. C'est un rapport de 4000 pages qui décrit la réalité derrière la fondation du Canada et propose un cadre pour aller de l'avant.

Lisez la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des peuples autochtones. L'application des dispositions de cette déclaration nous pousserait à entamer des pourparlers constitutionnels et marquerait la fin de l'attitude hautaine et paternaliste avec laquelle le gouvernement s'adresse aux Premières Nations.

Vous pouvez aussi lire les milliers de pages de la documentation de la Commission de la vérité et réconciliation. Commencez par le sommaire du rapport final pour connaître un peu mieux le contexte, jetez un coup d'œil sur les textes des survivants eux-mêmes et consultez les 94 appels à l'action pour comprendre ce qui attend nos enfants, leurs enfants et les enfants de leurs enfants dans les 100 prochaines années.

Les Premières Nations savent ce que les Premières Nations doivent faire. Nous avons été questionnés, étudiés, examinés, kidnappés, contraints, ignorés, révérés, ignorés encore au cours des derniers siècles. Autant pour les politiciens que pour les grands médias et les professeurs, il existe de l'information. Les Canadiens doivent participer en lisant et découvrant la vérité. Ce faisant, nous parviendrons à nous entendre sur les faits et nous pourrons commencer à parler de l'avenir de ce pays. Si nous devons donner un cours de colonialisme 101 à tous ceux et celles qui viendront à la fête, quelle fête moche ce sera.

Ryan McMahon est un auteur et humoriste métis des Anishnaabe. Suivez-le sur Twitter.