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Pourquoi Gerry Adams pense que le Brexit pourrait l’aider à gagner l’Irlande du Nord

Au référendum du mois dernier sur le Brexit, 56 pour cent des électeurs d'Irlande du Nord ont manifesté leur volonté de rester dans l'UE, mais le pays en sortira quand même. Pour Gerry Adams, c'est une occasion promouvoir la réunification de l'Irlande...

L'article original a été publié sur VICE News.

Il y a des défaites, et il y a les défaites qui sont comme des victoires. Gerry Adams, le président du parti Sinn Féin et doyen de l'opposition à la présence britannique en Irlande du Nord, a fait campagne contre le Brexit. Mais aujourd'hui, il semble ravi de sa « défaite » : un Royaume-moins-Uni quittant l'Union européenne.

« On ne doit jamais gaspiller une crise, on ne doit jamais gaspiller une difficulté », a-t-il rappelé à VICE News la semaine dernière depuis le parlement à Dublin. « Bien sûr, un point positif émerge… Pourquoi devrions-nous subir les dommages collatéraux d'une décision stupide de Londres? »

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Au référendum du mois dernier sur le Brexit, 56 pour cent des électeurs d'Irlande du Nord ont ont manifesté

leur volonté de rester dans l'UE, mais le pays en sortira quand même. De l'avis de Gerry Adams, c'est une occasion de gagner des appuis à la position fondamentale du Sinn Féin : que l'Irlande du Nord quitte le Royaume-Uni et qu'elle soit de nouveau unie à l'Irlande, toujours membre de l'UE, un siècle après la séparation.

Le jour suivant l'annonce du résultat du référendum, le Sinn Féin a déclaré que le Royaume-Uni avait perdu son mandat démocratique de diriger l'Irlande du Nord et des membres du parti ont demandé un référendum sur la réunification.

Gerry Adams a balayé du revers de la main les prédictions voulant que le Brexit entraîne un retour aux violences sectaires, appelées les Troubles : trois décennies de conflits, au cours desquelles républicains et loyalistes se sont affrontés dans les rues, qui ont pris fin avec l'accord du Vendredi saint en 1998. « Ce serait un recul après les progrès que nous avons faits, estime-t-il. Et l'harmonie ainsi que la nouvelle autonomie créée s'écrouleraient. »

Mais, plusieurs fois pendant la conversation d'une heure, il a rappelé qu'il y a toujours des groupes paramilitaires dissidents en Irlande du Nord avec « la capacité de mener des actions ». On le soupçonne fortement d'avoir été l'un des officiers à la tête de l'Armée républicaine irlandaise (IRA) pendant les Troubles et d'avoir personnellement ordonné des exécutions. Cependant, il a toujours nié avoir été membre de l'IRA.

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Que Gerry Adams, maintenant à sa 33e année à la tête du Sinn Féin, utilise le Brexit pour gagner sa bataille en faveur de la réunification de l'Irlande était « aussi prévisible que les fleurs en mai », a réagi la première ministre de l'Irlande du Nord, Arlene Foster. Son parti, le Democratic Unionist Party, a fait campagne en faveur du Brexit. « Je pense que le Sinn Féin demande un référendum parce que c'est sa position, nous a dit Aaron Edwards, historien à Belfast. Il n'a plus la monnaie d'échange que leur procurait l'Armée républicaine irlandaise. »

Mais le Brexit a changé la donne en liant la perspective de la réunification de l'Irlande à la possibilité que Belfast, en quittant le Royaume-Uni, s'accroche à son adhésion à l'UE. La faisabilité juridique et politique de la réunification fait l'objet de débats.

Beaucoup ont le sentiment que le Brexit a donné du poids à la volonté tenace du Sinn Féin. La peur d'un bouleversement économique, combiné à la colère contre ce que de nombreux Nord-Irlandais considèrent comme l'égocentrisme des électeurs en faveur du Brexit, incite les loyalistes modérés à s'affranchir de leur ancienne allégeance. Gerry Adams prend aussi position contre la volonté politique de faire preuve d'indulgence, provoquée par l'impression que rien ne va plus en politique au Royaume-Uni, ce qui secoue bon nombre d'électeurs qui n'ont jamais vu venir le Brexit.

« Ne vous inquiétez pas au sujet des sondages », affirme-t-il calmement quand on l'interroge à propos de la perspective d'un référendum sur l'unification. « En Écosse, c'était d'abord des hommes en kilt à longue barbe qui voulaient l'indépendance, et ensuite c'est devenu un véritable enjeu. » Citant des appuis dans la diaspora irlandaise aux États-Unis, il entend aussi écrire à Barak Obama pour lui demander son aide afin d'assurer l'intégrité d'un référendum.

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Plus tôt ce mois-ci, le premier ministre irlandais, Enda Kenny, en a surpris beaucoup en soutenant que la réunification de l'Irlande, qu'il a comparée à la celle de l'Allemagne après la chute du mur de Berlin en 1989, devrait faire partie des négociations du Brexit. « Aux yeux de certains, c'est peut-être une théorie fantaisiste, mais qui sait ce qui peut arriver dans 10 ou 20 ans? »

(Photo : Frederick Paxton, VICE News)

La frontière de 500 kilomètres qui sépare l'Irlande du Nord et l'Irlande fait beaucoup parler ces jours-ci à Belfast. Aujourd'hui, elle est complètement ouverte : un automobiliste peut la traverser sans même s'en rendre compte. Mais une fois le Brexit accompli, cette frontière séparera le Royaume-Uni de l'Union européenne. On s'inquiète du retour des tours de guet et des postes de contrôle militaires, et des conflits.

Des décisions de moindre importance ont déjà causé de l'acrimonie. En 2012, des semaines d'émeutes ont secoué Belfast après que le conseil de ville a décidé de réduire le nombre de jours où l'on hisserait le drapeau du Royaume-Union à l'hôtel de ville.

La libre circulation à la frontière était une condition importante de l'accord du Vendredi saint, car elle estompait la distinction entre le Royaume-Uni et l'Irlande et ainsi apaisait les républicains qui toléraient mal l'existence même de cette frontière.

« Je représente des électeurs à la frontière, rappelle Gerry Adams, député du comté de Louth. J'en parlais justement avec un chauffeur de taxi, et il me disait que ses clients sont en colère… L'idée de devoir apporter leur passeport pour passer d'un endroit à l'autre, parfois dans la même ville ou dans la même paroisse, est selon lui offensante pour beaucoup de gens. »

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Ceux en faveur du Brexit ont soutenu tout au long des débats que la frontière n'était pas un problème et qu'elle resterait ouverte après la sortie de l'UE. « Personne ne veut de retour aux frontières d'avant », a affirmé affirmé lundi la première ministre du Royaume-Uni, Theresa May, ajoutant devant l'insistance d'Enda Kenny qu'il n'y aura pas de fermeture de la frontière avec l'Irlande. Mais avant le vote, donc avant qu'elle devienne première ministre, elle avait déclaré qu'il était « inconcevable » que les modalités de la frontière actuelles soient maintenues.

Toutefois, si le Sinn Féinn réussissait à tenir un référendum sur l'unification demain, il est presque assuré de le perdre. Selon un sondage RTÉ/BBC mené en 2015, seulement 13 pour cent des Nord-Irlandais souhaitent une réunification à court ou moyen terme. Quand on leur demande s'ils espèrent la voir se réaliser de leur vivant, ils sont un peu plus nombreux, soit 30 pour cent.

Le Dr Dominic Bryan, directeur des Études irlandaises à l'Université Queen's de Belfast, pense que de nombreux opposants à Gerry Adams iraient jusqu'à l'appuyer dans son projet de référendum pour renforcer le statut de l'Irlande du Nord dans le Royaume-Uni. « Ils disent "Faisons-le!", certains de le gagner par une écrasante majorité. »

Par contre, Bill White de la maison de sondage LucidTalk de Belfast, qui sonde fréquemment la population en Irlande du Nord, estime que le Brexit pourrait entraîner une hausse de l'appui à la réunification à moyen terme. « S'ils atteignaient 40 pour cent, ce serait une grande victoire pour eux parce qu'ils pourraient dire : "Organisons un référendum dans cinq ans." »

Bien que des observateurs étrangers décrivent les Nord-Irlandais comme des électeurs campés depuis longtemps sur leurs positions politiques souvent sectaires, Bill White pense que de 10 à 15 pour cent d'entre eux sont influençables et pourraient se laisser persuader de voter différemment à un référendum. De sombres perspectives économiques en Irlande du Nord pourraient aider les républicains à gagner des loyalistes modérés, surtout ceux qui ont voté contre le Brexit.

Sur ce point, Gerry Adams est confiant : « Les conditions changent, l'attitude des gens change. Ils voient de nouvelles possibilités. N'oubliez pas que beaucoup, beaucoup d'unionistes font en ce moment un petit voyage d'exploration. »

Pour l'instant, la première ministre Arlene Foster, unioniste, tient à montrer qu'elle va de l'avant vers le Brexit. « La population ne doit pas paniquer », a-t-elle déclaré, devant les caméras de télévision tout juste après le vote. « Nous entrons dans une nouvelle ère. »

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