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Boko Haram

Le Tchad arrive au Cameroun pour stopper Boko Haram

L’armée tchadienne se déploie chez son voisin pour lutter contre le groupe terroriste qui intensifie ses attaques dans le nord du Cameroun.
Via Flickr / Ismouz

Dimanche, au nord du Cameroun, dans le village de Mabass et dans les villages avoisinants, une soixantaine de personnes, des bergers et de nombreux enfants ont été kidnappés par Boko Haram. Lundi, la secte a libéré 24 personnes, grâce à l'intervention de l'armée camerounaise.

Cet enlèvement, le plus important attribué à Boko Haram en territoire camerounais intervient alors que samedi, 400 véhicules militaires tchadiens et des hélicoptères de combat sont entrés au Cameroun à la suite d'une décision votée jeudi par l'Assemblée nationale du Tchad.

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L'armée tchadienne prend position dans la région du lac Tchad, la plus au nord du Cameroun, étranglée entre l'ouest du Tchad, et l'est du Nigéria, zone d'action du groupe terroriste Boko Haram connu pour ses massacres et ses kidnappings.

Aider le Cameroun

Dans une vidéo datée de samedi, et publiée par la chaîne d'information France 24, on peut voir la population de Kousseri, un village camerounais à la frontière avec le Tchad en liesse à l'arrivée des premiers soldats tchadiens.

Venir en aide au Cameroun fait partie des objectifs mis en avant dans un message lu devant les députés en fin de semaine dernière par le président tchadien Idriss Déby pour justifier l'intervention militaire contre Boko Haram. Cette campagne, d'abord annoncée le jeudi dans un communiqué du président camerounais Paul Biya, intervient alors que le Cameroun se sent isolé face à la multiplication d'attaques dont le nord du pays fait l'objet.

VICE News s'est entretenu avec le Ministre des Affaires étrangères tchadien Moussa Faki Mahamat au sujet de l'intervention du Tchad dans la lutte contre Boko Haram.

« Au départ il s'agissait d'un problème propre au Nigéria, mais compte tenu de la nature de cette menace, face à ce groupe qui s'en prend sans discernement aux civils, aux femmes et aux enfants, nous avons décidé d'intervenir. Les forfaits de Baga - dont beaucoup de victimes ont traversé la frontière - font peser une menace réelle sur le Tchad. Le Tchad est un pays enclavé et nos voies de sortie sont le Nigéria et le Cameroun. Nous avons répondu à une demande urgente du Cameroun et nous avons pris le courage de nous engager dans cette lutte, en coordination avec le Cameroun et le Nigéria. Nous souhaitons que d'autres se joignent à nous pour lutter contre cette secte. »

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Le ministre camerounais de la Communication Issa Tchiroma Bakary s'est montré particulièrement satisfait de cette décision tchadienne. La radio RFI rapporte qu'il a déclaré : « C'est la manifestation concrète de la solidarité, de l'entente parfaite entre deux chefs d'État dont les peuples sont des peuples amis, en raison également de l'interdépendance économique des uns vis-vis des autres. »

En mai 2013, lors du « Sommet de l'Élysée » à Paris qui avait rassemblé les présidents des pays frontaliers du Nigéria (Bénin, Niger, Tchad et Cameroun) aux côtés de Goodluck Jonathan, le président du Nigéria, et du président français François Hollande, les participants s'étaient engagés à mettre en place une coopération régionale pour lutter contre Boko Haram.

C'est dans cet esprit qu'au cours d'une marche de soutien aux militaires organisée ce samedi à N'Djamena (capitale du Tchad, à peine à une cinquantaine de kilomètres de l'ouest du Nigéria) Idriss Déby a appelé les pays de la Communauté économique des États d'Afrique centrale (CEEAC) à former « une large coalition pour combattre » Boko Haram.

« La marche de ce matin est un signal fort, un avertissement à Boko Haram et surtout une marche de paix pour protéger nos intérêts vitaux, pour protéger notre économie, pour protéger la sécurité du Tchad, » a déclaré pour sa part le Premier ministre tchadien.

Un tournant dans la lutte contre Boko Haram ?

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Philippe Hugon, directeur de recherches à l'Institut de Relations internationales et stratégiques (IRIS), en charge de l'Afrique, explique à VICE News que le massacre de Baga perpétré le 7 janvier dernier aurait joué un rôle de déclencheur pour que le Tchad, qui n'a, jusqu'à présent, pas été attaqué par Boko Haram, se décide à intervenir.

« N'Djamena se situe à 200km de Baga, » rappelle le chercheur. « Il y avait déjà eu des massacres atroces de la part de Boko Haram, mais jamais d'une telle ampleur. Il faut absolument empêcher la constitution d'un califat et l'implantation d'un État islamique, » poursuit Phillipe Hugon.

D'autre part, il s'agit pour le régime de N'Djamena de réduire l'afflux de réfugiés nigérians fuyant l'État de Borno, au nord du Nigéria vers le Tchad qui peine à juguler l'afflux. Ils seraient plusieurs milliers à avoir fui devant le danger que représente le groupe islamiste armé, qui contrôle désormais presque toute la région frontalière du nord-est du Nigéria où se rejoignent le Tchad, le Cameroun et le Niger.

Le président tchadien a affirmé vouloir reprendre les villages occupés par Boko Haram dans la région du lac Tchad. L'intervention des militaires tchadiens pourrait être un tournant dans la lutte contre les terroristes : il s'agit de l'une des armées les plus « efficaces » du continent africain, selon Philippe Hugon, qui rappelle que le Tchad avait consolidé son armée dans les années 2000 pour faire face à de possibles menaces venues du Soudan, un autre voisin avec qui le pays a été plusieurs fois en guerre depuis son indépendance de la France en 1960.

Contacté par VICE News, le gouvernement tchadien n'était pas en mesure de nous répondre aujourd'hui sur les détails stratégiques du déploiement de ses troupes.

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter @meloboucho

Photo via Flickr / Ismouz