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Ouagadougou

Burkina Faso : Journée de chaos à Ouagadougou

VICE News était dans les rues de Ouagadougou pendant la journée de contestation qui a poussé le président burkinabé à la démission.
Barricades à Ouagadougou jeudi matin (c) VICE News / Pierre Mareczko

Le président burkinabé a annoncé sa démission vendredi dans un communiqué, au lendemain d'un soulèvement populaire qui a conduit à l'incendie de l'Assemblée nationale et au siège du Palais présidentiel. Dans sa déclaration, le président démissionnaire demande que des élections « libres et transparentes » soient tenues dans les trois mois. C'est le chef de l'armée, le général Honoré Traoré, qui assurera la transition. D'après une radio locale, Blaise Compaoré aurait fui vers le sud du pays, et il se pourrait qu'il rejoigne le Ghana.

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Les manifestations se sont multipliées au Burkina Faso depuis une semaine en réaction à la décision du gouvernement de ce pays d'Afrique de l'Ouest de présenter un projet de loi visant à modifier la Constitution du pays à l'Assemblée nationale pour pouvoir organiser un référendum qui aurait permis à Blaise Compaoré, président depuis 27 ans, de briguer un nouveau mandat lors des élections présidentielles de 2015. L'opposition appelait depuis plusieurs jours à la désobéissance civile. Mardi et mercredi, des manifestations et grèves ont tendu l'atmosphère dans les rues de la capitale. Le vote du projet de loi, qui devait avoir lieu jeudi matin à l'Assemblée nationale a été annulé.

Retour sur une journée de contestation qui a poussé le président burkinabé à la démission :

Après une nuit relativement calme dans une ville de Ouagadougou bloquée par endroits par des barricades tenues par des manifestants, le gros des protestataires a commencé à converger de toutes parts vers l'Assemblée nationale. Il était entre 6 et 7 heures du matin, ce jeudi. C'est à ce moment que nous traversons la ville pour retrouver les scènes habituelles de ces derniers jours : des policiers et des manifestants s'opposent autour de barricades. Scènes habituelles, mais la violence passe à un cran supérieur ce matin. D'un côté des lance-pierres et des pavés, de l'autre des gaz lacrymogènes.

Barricades à Ouagadougou jeudi matin

Nous arrivons à l'Assemblée nationale. L'armée censée bloquer les manifestants leur a en fait ouvert l'accès. Ils ont envahi l'hémicycle. L'assemblée est saccagée et occupée avant même l'heure du vote prévu. Au même moment, on nous raconte que des maisons de députés de la majorité ont été brûlées. Les députés, eux, sont introuvables, ils sont mis en sécurité. Les manifestants brûlent en partie le bâtiment.

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Nous quittons l'Assemblée vers 10 heures du matin pour rejoindre le siège du Chef de File de l'Opposition Politique, qui fédère les différents courants opposés à Blaise Compaoré. Les députés de l'opposition arrivent au compte-gouttes. On croise une figure de l'opposition, Maître Sankara qui revient des manifestations et nous dit, heureux et en sueur, « J'ai goûté à la liberté ». Dehors, les manifestants se pressent devant le quartier général de l'opposition, ils attendent une prise de parole, un mot d'ordre pour le reste de la journée. Une première déclaration est faite : l'opposition reste sur sa ligne et demande l'abandon du projet de réforme de la Constitution. Ce n'est pas suffisant pour les manifestants qui attendent que le leader de l'opposition Zéphirin Diabré s'exprime sur le sort du président. Diabré nous raconte que des dizaines de corps jonchent le sol de Ougadougou et que par conséquent il va demander la démission du président. Il sort et fait une déclaration en ce sens à la foule qui explose de joie.

Nous ne cautionnons pas la prise du pouvoir par la force. Nous voulons juste le respect de la démocratie. — Zéphirin Diabré (@Zephirindiabre)30 Octobre 2014

Je rencontre un journaliste qui me montre un corps gisant dans une rue, filmé par sa caméra. Plusieurs témoignages sur les réseaux sociaux racontent que cette personne a été abattue par des forces armées, non identifiées, qui ont tiré sur une foule qui se dirigeait en milieu de matinée vers le domicile particulier de François Compaoré, le frère du Président, dont beaucoup disent ici qu'il est le vrai cerveau du pouvoir. On annonce qu'il aurait été arrêté à l'aéroport.

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Selon plusieurs sources concordantes, Françoise Compaoré, le petit frère du Président, a été arrêté à l'aéroport…. — Burkina24 (@burkina24)30 Octobre 2014

Nous retraversons le quartier du rond-point des Nations Unies pour constater que l'armée et la police ont déserté l'endroit en proie à des pillages chaotiques. Des manifestants tiennent des barrages que nous franchissons. On entend des tirs autour de nous.

Alors que les manifestants sont toujours à proximité du Palais présidentiel, et alors que l'opposition indique que Blaise Compaoré est bien retranché là-bas, la seconde partie de l'après-midi prend un tour politique, avec le soutien aux manifestants de plusieurs chefs de l'armée, dont le général à la retraite, Kouamé Lougué, très apprécié dans le pays. On l'a vu place de la Nation parler aux manifestants. Il s'est aussi entretenu avec Mogho Naba, chef coutumier et empereur des Mossi, une ethnie majoritaire dans le pays, et Zéphirin Diabré.

Le nom du Général Lougue de plus en plus cité pour une probable transition — Afrikatv (@afrikatvnet)30 Octobre 2014

 Au moins quatre personnes ont été tuées dans les manifestations de jeudi ; l'opposition fait état de plus de 30 morts.

Retrouvez ce reportage de Pierre Mareczko et Stéphane Puccini prochainement en vidéo dans l'émission Le Point Quotidien, diffusé tous les soirs à 20h35 sur France 4