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Calais : Voilà le nouveau plan franco-britannique

Le ministre français de l’Intérieur et son homologue britannique se sont rendus à Calais (nord de la France) ce jeudi pour annoncer de nouvelles mesures face à la crise migratoire dans cette ville qui a empiré ces dernières semaines.
Photo de Frederick Paxton pour VICE News

VICE News regroupe ses articles sur la crise migratoire mondiale sur son blog « Migrants ».

Un important dispositif policier était en place ce jeudi matin à Calais pour encadrer la visite du ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve et de son homologue britannique Theresa May dans cette ville portuaire du nord de la France — où près de 3 000 migrants seraient actuellement installés, dans l'espoir de rejoindre illégalement l'Angleterre, soit par la mer, soit par le tunnel sous la Manche. En présence des autorités locales, les représentants des deux pays ont dévoilé ce jeudi de nouvelles mesures de sécurité pour lutter contre les passages clandestins de migrants qui cherchent à rejoindre l'Angleterre par tous les moyens.

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Calais a connu un été très difficile, entre l'augmentation des tentatives de passage en force des migrants, de nombreuses morts tragiques, et les cris d'alarme que continuent de lancer différents acteurs présents sur place.

À lire : Calais : Les migrants tentent désespérément de passer par le tunnel sous la Manche

Ce nouvel accord de coopération franco-britannique, signé ce jeudi midi à Calais, est présenté comme une nouvelle étape dans la lutte contre l'immigration clandestine. Clé de voûte du nouveau dispositif, un « centre de commandement et de contrôle commun » à Calais, a été annoncé par les deux ministres, lors d'une conférence de presse organisée à la sous-préfecture de Calais.

Accord franco-britannique signé à — Ministère Intérieur (@Place_Beauvau)20 Août 2015

Au sein de ce nouveau centre de commandement, les forces de sécurité des deux pays devront « travailler ensemble au quotidien » a précisé Bernard Cazeneuve. Conformément à la nouvelle déclaration commune, le Royaume-Uni va également financer plusieurs types d'opérations comme la vidéosurveillance et la fouille des camions en transit.

« On a l'impression que ce sont les mêmes choses qui ont déjà été promises l'année dernière, » déclare à VICE News ce jeudi après-midi François Guennoc, coresponsable de l'association L'Auberge des migrants — qui intervient à Calais depuis 2008. « Le langage des gouvernements n'a pas changé, alors que le problème a pris de l'ampleur, » nous explique-t-il. En cause selon le travailleur associatif, « la trop grande attention portée à la sécurisation » qui l'emporte sur le côté humanitaire de la crise.

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En marge de la visite des deux ministres, un groupe de migrants a bloqué l'autoroute menant au port de Calais, ce jeudi en milieu d'après-midi.

Les deux gouvernements mettent dorénavant l'accent sur la lutte contre les réseaux de passeurs dans la région. « Nous sommes déterminés à faire en sorte que ce trafic abject, qui conduit à des tragédies humaines et à des morts, s'arrête enfin, » a déclaré Bernard Cazeneuve. Le ministre s'est également félicité de la « diminution par dix » du nombre d'intrusions dans le tunnel sous la Manche ces dernières semaines.

Face aux tentatives de passage en force dont le nombre a explosé plusieurs nuits d'affilée en juillet dernier — 2 000 tentatives d'intrusion signalées en 24h au plus fort de la crise — le groupe Eurotunnel (concessionnaire du site) avait publiquement exprimé son désarroi et réclamé depuis des indemnités aux autorités. Fin juillet, deux migrants étaient décédés à Calais en tentant de traverser la Manche via le tunnel.

À lire : Crise des migrants à Calais : Eurotunnel demande 9,7 millions d'euros à la France et à la Grande-Bretagne

Afin d'améliorer la sécurisation du tunnel sous la Manche, 100 postes supplémentaires d'agents de sécurité devraient être créés par la compagnie Eurotunnel. Ce qui est inédit, c'est que le gouvernement britannique financera lui-même cette augmentation des effectifs, et ce pour une durée indéterminée. « Le travail doit se poursuivre, » a insisté Theresa May lors d'un discours face à la presse.

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Une troisième enveloppe dédiée à la crise, d'un montant de 10 millions d'euros, a par ailleurs été promise par le gouvernement britannique ce jeudi. Cette contribution vient s'ajouter aux 10 millions d'euros déjà annoncés par ce gouvernement début août et à un fond annuel de 15 millions d'euros que le Royaume-Uni s'était engagé en septembre dernier à alimenter pendant trois ans.

Toutes ces annonces correspondent en grande partie à ce que réclamait depuis mercredi le syndicat SCSI-CFDT (majoritaire chez les officiers de police), qui dénonce une « situation explosive » à Calais.

« Nous sommes totalement débordés »

D'après les deux ministres, les fonds mobilisés devraient également servir à financer le « volet humanitaire » du nouvel accord. Si peu de détails ont été donnés à ce sujet, il se pourrait qu'un programme de logement des demandeurs d'asile soit lancé « en dehors de Calais » plus tard cette année, comme cela avait été recommandé par un rapport d'expertise remis à Bernard Cazeneuve le 1er juillet dernier.

À lire : Crise des migrants : Rejoindre l'Angleterre à tout prix

Un an après un précédent accord entre les deux pays, la situation à Calais reste très critique pour les migrants et ceux qui leur apportent une aide.

Des migrants se rassemblent près de l'entrée de l'Eurotunnel à Calais, qui relie la France à l'Angleterre. (Photo par Frederick Paxton / VICE News)

Depuis avril dernier, le centre Jules Ferry — qui est situé en marge de la nouvelle« jungle » de Calais — regroupe différents services, dont la distribution de nourriture, et héberge déjà une centaine de femmes et d'enfants. « Nous sommes totalement débordés, » explique à VICE News une jeune employée du centre, contactée par téléphone ce jeudi. « Certaines femmes préfèrent même retourner dans la jungle car les conditions sont très difficiles à l'intérieur de notre structure, » déplore-t-elle sous couvert d'anonymat.

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François Guennoc, qui se base sur le nombre de repas distribués aux migrants, nous parle d'un nombre de migrants « supérieur à 3 000 personnes » dans la zone. « Les délais pour les demandes d'asile n'ont jamais été aussi longs, » nous explique Guennoc, qui s'attend à un mois de septembre « trèschargé » pour les associations sur place.

Ce jeudi en fin d'après midi, le ministre Bernard Cazeneuve s'envole pour Berlin, où une rencontre avec son homologue allemand Thomas de Maizière a été organisée afin d'échanger sur la politique migratoire européenne.

Thomas de Maizière a déclaré ce mercredi que l'Allemagne était prête à accueillir « jusqu'à 800 000 migrants » cette année. «C'est un vrai défi que nous allons surmonter. »

À lire : Ce n'est pas parce que la Jungle de Calais a son église, son école et sa « discothèque », que l'on peut y vivre.

Suivez Pierre-Louis Caron sur Twitter : @pierrelouis_c

Photo de Frederick Paxton pour VICE News