La chute du baron du cartel des Templiers

Le trafiquant de drogue charismatique qui dirigeait un cartel aux allures de quasi-secte, connu pour ses vidéos verbeuses tournées dans l'ouest du Mexique, dans l'État du Michoacan a été arrêté par les autorités, comme l'ont indiqué des médias vendredi de la semaine dernière.

Les autorités devaient annoncer à Mexico, plus tard dans la journée, l'arrestation du chef du groupe des « Chevaliers Templiers », Servando Gomez Martinez, connu sous le nom de « La Tuta ». Des sources officielles ont indiqué que Gomez a été arrêté dans la capitale du Michoacan, à Morelia, dans les premières heures de la journée.

L'opération s'est faite sans heurts, pas de coups de feu d'après des sources au sein de la Commission de Sécurité National.

Gomez s'est imposé comme le chef des Templiers, un cartel issu de l'imposant La Familia Michoacana. Ces deux groupes versant dans le trafic de drogue sont caractérisés par une religion, un dogme maison, qui structure leur fonctionnement et qui est publié dans des petits livres reliés, aux allures de Bible.

Gomez a une formation d'enseignant. Il s'est fait connaître du public en 2009 en critiquant des programmes télévisés du Michoacan. Sa popularité a grandi ensuite sur YouTube où il avait l'habitude de publier des monologues se voulant philosophiques qui soutenaient son action contre celle de ses rivaux qu'il présentait comme des tyrans.

Dans ses vidéos, La Tuta et sa « fraternité » s'affichaient avec des images d'icônes révolutionnaires d'Amérique Latine, telles que Pancho Villa et Che Guevara.

Une déclaration vidéo de Servando Gomez Martinez.

Ses vidéos lui ont aussi servi de support pour critiquer ce qu'il présentait comme la corruption des organes de l'État, de ses représentants et des journalistes du Michoacan. Gomez a été enregistré en train de discuter avec le fils d'un ancien gouverneur, avec des maires, et avec des reporters du géant médiatique du pays, Televisa.

Jesus Reyna Garcia, ancien gouverneur par interim du Michoacan, est aujourd'hui derrière les barreaux. On lui reproche d'avoir protégé « La Tuta ».

« La Tuta était isolé, ses capacités opérationnelles étaient limitées, parce qu'il était pourchassé. »

Il est encore tôt pour pouvoir dire si cette arrestation aura un impact sur les problèmes de criminalité et de sécurité dans la région du Michoacan. La région est connue pour ses activités minières, sa production de citrons, d'avocats, et de métamphétamine. Les voix critiques du gouvernement doutent du fait que les citoyens voient la violence quotidienne chuter à la suite de l'arrestation de La Tuta.

L'arrestation a eu lieu cinq mois après la disparition de 43 étudiants dans l'État voisin du Guerrero, le lendemain du jour où le Procureur général de la république du Mexique, Jesus Murillo Karam, a été relevé de ses fonctions, il était en charge du dossier.

« Les choses n'arrivent pas par hasard. On peut penser que les deux événements, la capture de La Tuta et le fait que Murillo Karam prenne la porte, sont arrivés en même temps pour redorer l'image du gouvernement fédéral à un moment délicat, » explique à VICE News Eduardo Nava, un professeur en sciences politiques de l'université de San Nicolas de hidalgo, dans le Michoacan.

« C'est un moyen de détourner l'attention de problèmes plus serieux, » ajoute Nava.

Les Templiers se sont opposés violemment à des milices locales appelées « autodefensas », qui sont nées au début de 2013, avec pour but de détruire le cartel. D'autres cartels, et petits groupes de trafiquants se sont également battus avec les Templiers, transformant la zone en bourbier avec l'arrivée des forces de sécurité du gouvernement.

Jose Luis Segura, le prêtre de la paroisse de La Ruana, une des villes où les autodefensa sont nées, a dit vendredi dernier à VICE News que la capture de La Tuta était « une bonne chose ».

« C'était le problème majeur des autodefensas », dit-il, en évoquant le fait que La Tuta était encore libre.

L'incapacité du gouvernement à désarmer ces milices ou à abattre le cartel, a contraint le commissaire fédéral à la démission fin janvier. Ces derniers mois, un autre groupe criminel est apparu dans la région, ses membres se font appeler Los Viagra. La légende veut que l'un des huit frères fondateurs de la bande ait pour surnom « El Viagra » après qu'il a fait un enfant à une jeune femme suite après avoir pris une petite pilule bleue.

Pour les experts et les autorités, ces derniers mois, l'importance de La Tuta aurait diminué, sous la pression des milices et des forces de sécurité.

« Cela reste symbolique, parce qu'il était le visage le plus visible [du cartel] » nous dit Alejandro Hope, un expert en sécurité. « D'après les autorités, La Tuta était isolé, ses capacités opérationnelles limitées, parce qu'il était pourchassé.

La Tuta a publié l'un de ses derniers messages audio au début du mois de Février.

« Je n'ai pas d'accord, ni avec l'armée, ni avec la marine, ni avec la gendarmerie, ni avec la police fédérale, ni avec la DEA, » dit Gomez dans l'enregistrement. « Ce que je fais en ce moment c'est me protéger d'eux.»

Suivez Daniel Hernandez sur Twitter @longdrivesouth, et David Agren @el_reportero.