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Crime

Ce petit canadien est considéré comme une menace pour la sécurité aérienne, il a six ans

Depuis qu’ils ont révélé l’histoire de leur fils, les parents d’Adam Ahmed ont recueilli des témoignages de parents à travers tout le Canada, selon lesquels leurs enfants sont également listés.
Image via CBC

Avant même de pouvoir marcher ou parler, Adam Ahmed a été listé comme présentant un risque pour la sécurité au Canada.

Ses parents, Sulemaan Ahmed et Khadija Cajee, ont senti que quelque chose n'allait pas, peu après la naissance du petit garçon, alors que la famille désirait se rendre au Mexique pour des vacances. Ils ne pouvaient pas s'enregistrer en ligne et les garde-frontières mexicains ont saisi leurs passeports pendant une demi-heure, sans leur expliquer pourquoi.

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« Nous avons simplement pensé que mon mari ou moi-même étions listés à cause de nos noms ou quelque chose comme ça, » raconte Cajee à VICE News, dans sa maison de Markham dans l'Ontario, une banlieue de Toronto où Adam est né.

Mais quelques mois plus tard, alors qu'ils voyagent en avion vers Halifax pour rendre visite à des proches, un agent de la compagnie Air Canada leur a dit que le dossier de leur enfant portait la mention « jugé profil à risque ». Cela veut dire qu'il peut être placé sur une liste d'interdiction de vol aux États-Unis ou au Canada — et qu'il doit se soumettre à un contrôle spécial et remplir un questionnaire avant de pouvoir embarquer. « Elle [l'agent] n'arrivait pas à le croire et trouvait cela tellement absurde, c'est pour ça qu'elle nous l'a dit. Avant cela, personne ne nous disait rien, » ajoute Cajee.

Depuis, Adam — qui est âgé de six ans — ne s'est jamais vu refuser l'embarquement à bord d'un avion mais doit arriver à l'aéroport bien avant le vol afin que les agents puissent vérifier son identité et confirmer qu'il ne représente pas un risque pour la sécurité aérienne. « Cela ne pose pas encore de problème car il est très jeune, mais je crains que, s'il est encore sur cette liste quand il est plus vieux, il soit mis de côté et se sente coupable d'être simplement lui-même, » a confié Cajee.

Ses parents indiquent avoir essayé de contacter les ministères fédéraux des transports et de la sécurité publique, mais qu'aucun n'a vérifié si Adam figurait sur une quelconque liste de surveillance. Le mois dernier alors qu'Adam et son père Sulemaan se rendaient à Boston pour assister au traditionnel match d'hiver de la NHL (ligue américaine de hockey sur glace). Alors que l'agent d'Air Canada appelait Adam pour lui faire passer l'habituelle procédure de contrôle, Sulemaan a pris en photo l'écran sur lequel était écrit « jugé profil à risque » avant de publier la photo sur Twitter.

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— Sulemaan Ahmed (@sulemaan)December 31, 2015

@AirCanada Pourquoi notre enfant de 6 ans (né au Canada) est-il jugé profil à risque sur la liste d'interdiction des vols ? Il doit se soumettre à des contrôles à chaque fois. Il a 6 ans :)

Son message a déclenché un raz-de-marée sur Twitter, et le nouveau ministre de la sécurité publique Ralph Goodale ainsi que le député de la circonscription d'Ahmed lui ont écrit personnellement pour lui dire qu'ils allaient voir ce qu'ils pouvaient faire.

À l'heure actuelle, la présence d'Adam sur une liste d'interdiction de vol canadienne ou américaine n'a pas encore été confirmée. Nous nous sommes entretenus avec un porte-parole du département canadien de la sécurité publique qui n'a pas souhaité répondre à certaines questions.

« Il est important de reconnaître qu'il y a de nombreuses raisons pour lesquelles certains individus peuvent ne pas être autorisés à embarquer à bord d'un avion ou rencontrer des difficultés à l'aéroport, » nous a indiqué Mylene Croteau par email. « Par exemple, d'autres pays, comme certaines compagnies, disposent de plusieurs listes de sécurité avec des critères et des seuils différents, ce qui peut déboucher sur des délais supplémentaires pour les individus voyageant vers, depuis, et même à l'intérieur du Canada. »

Ces délais peuvent concerner les passagers portant le même patronyme qu'une personne listée sur le PPP (Programme de Protection des Passagers) ou sur une autre liste en lien avec la sécurité, comme la liste américaine d'interdiction de vol.

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Mylene Croteau a ajouté que les passagers ayant eu des problèmes par le passé pouvaient « contacter le représentant du service clients de la compagnie aérienne afin d'expliquer leur situation et voir ce qui peut être fait avant d'arriver à l'aéroport. »

Air Canada n'a pas désiré commenter les détails du cas d'Adam ou sur aucune des bases de données relatives à la sécurité, redirigeant les passagers ayant eu des problèmes vers le gouvernement canadien.

« De manière générale nous ne communiquons pas à propos des procédures de sécurité car cela pourrait compromettre leur efficacité. Je peux vous dire qu'Air Canada respecte les lois en vigueur dans chacune des juridictions où nous opérons et pour plus de précisions sur ces dernières, vous devriez contacter les agences gouvernementales compétentes, » nous a écrit par e-mail Peter Fitzpatrick, porte-parole d'Air Canada.

— Ralph Goodale (@RalphGoodale)January 2, 2016

Bonne année Gail. Notre député @janephilpott nous a contactés et nous attendons d'être mis en relation avec @RalphGoodale @AirCanada

@sulemaan @janephilpott @AirCanada -Je ne connais pas les détails de votre affaire mais si vous m'envoyez plus d'informations (ralph.goodale@parl.gc.ca), je vais vérifier ça.

La liste d'interdiction de vol du Canada, aussi connue sous le nom de la liste des personnes spécifiées, a été agrandie à la faveur de la législation contre le terrorisme du précédent gouvernement. Il s'agit de la loi C-51. Son caractère vaste a été largement critiqué.

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Sukanya Pillay, présidente de l'Association canadienne des libertés civiles (CCLA) nous a déclaré que le cas d'Adam « souligne l'urgence pour le gouvernement canadien d'enquêter immédiatement et de rectifier toute erreur. »

Depuis le message posté par son mari sur Twitter, la mère d'Adam dit être submergée par les appels téléphoniques et les messages envoyés par plus d'une dizaine de familles à travers le pays qui disent que leurs enfants ont également été « jugés profil à risque » par une agence gouvernementale.

Tous sont musulmans ou ont des noms à consonance arabe, » raconte Cajee. « J'ai même reçu des nouvelles d'amis de longue date qui éprouvent les mêmes difficultés que nous, ils n'avaient simplement jamais osé en parler. »

Khudija Ali-Vawda, une habitante de Toronto, a contacté Cajee à propos de son fils, Naseer Muhammad Ali, également de Toronto, qui a été signalé sur une liste de sécurité en 2013 — il était alors âgé de deux mois — avant un voyage en avion à destination de la Jamaïque.

« J'ai été un peu surprise et énervée, j'ai pensé que puisqu'il était un enfant, il ne serait pas soumis à un tel niveau de sécurité. Il était tout petit. Le pire, c'est qu'au point de contrôle en Jamaïque, ils ont fouillé la couche de mon bébé en la palpant. C'était vraiment terrifiant. »

Ali-Vawda a indiqué qu'elle n'avait pas pour projet d'en parler publiquement, mais l'histoire d'Adam l'a inspirée et elle espère sensibiliser l'opinion.

« Nous ne pensons pas devoir changer nos noms. Et nous n'avons rien à cacher. Je ne veux pas que mon fils grandisse sous cet oeil inquisiteur. »

Cajee et son mari rencontreront leur député ce mercredi, et elle espère qu'une action immédiate sera prise afin de retirer leur fils de cette liste.

« Je ne veux pas que cela le suive pour le reste de sa vie. Il n'a rien fait de mal à part être né en portant un nom musulman, » explique-t-elle.

Suivez Rachel Browne sur Twitter : @rp_browne