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Charlie Hebdo

Attaque de Charlie Hebdo : le récit de la journée

Il est midi, ce mercredi 7 janvier, dans le 11e arrondissement de Paris, les pompiers, les médecins, la police établissent un cordon de sécurité autour du pâté de maisons dans lequel se trouvent les bureaux du journal satyrique Charlie Hebdo.
Toutes les photos sont d'Étienne Rouillon / Vice News

Il est midi, ce mercredi 7 janvier, dans le 11e arrondissement de Paris, les pompiers, les médecins, la police établissent un cordon de sécurité autour du pâté de maisons dans lequel se trouvent les bureaux du journal satyrique Charlie Hebdo, 10 rue Nicolas-Appert. 12 personnes viennent d'être tuées, des journalistes, des policiers. 11 autres sont blessées, 4 grièvement.

À quelques mètres de là, rue Pelée, en face d'un Pôle Emploi sur la vitre duquel on remarque un impact de balle, une jeune femme d'une trentaine d'années fume nerveusement une cigarette en bas de son immeuble, et regarde les policiers, dont certains sont équipés de gilets pare-balles éloigner les passants. Elle nous raconte ce qui s'est passé une demi-heure plus tôt. Elle revenait d'une course en scooter. Au moment de se garer, elle entend des coups de feu.

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« C'était des armes lourdes, des tirs très puissants. En rafale, » dit-elle. « Je ne peux pas vous dire combien de temps ça a duré. Une dizaine de minutes peut-être, j'étais plaquée contre un mur pour me protéger. J'ai entendu des coups de feu en retour. J'ai vu des vélos de policiers par terre, et puis ils sont partis. »

Un impact de balle dans une fenêtre du centre Pôle Emploi de la rue Pelée

En fin d'après midi, le procureur de la République François Molins a donné une conférence de presse pour retracer les évènements de la journée qui ont eu lieu autour de la rue Nicolas-Appert. Au moins deux personnes criant « Allah akbar » rentrent dans l'immeuble où se trouve Charlie Hebdo, ils demandent à deux hommes de maintenance où sont les bureaux, montent au deuxième étage. Une des dessinatrices du journal, surnommée Coco, est menacée par les hommes, elle tape le code de la porte. Jointe par le journal l'Humanitéelle dit qu'ils se revendiquaient d'Al-Quaïda . Les hommes armés pénètrent dans une salle où se tient une conférence de rédaction, font feu sur les personnes présentes. Parmi la dizaine de tués, on trouve quatre des dessinateurs emblématiques de Charlie Hebdo : Charb, aussi directeur de la publication, Cabu, Wolinski et Tignous. Bernard Maris, économiste et chroniqueur dans plusieurs journaux et à la radio fait également partie des victimes. D'autres employés ont réussi à se réfugier sur le toit.

Cabu, Charb, Tignous et Wolinski, les voilà tous les quatre, tués dans cet attentat contre Charlie hebdo - Aude Lorriaux (@audelorriaux)7 Janvier 2015

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Un blessé transporté rue Pelée sur un brancard en fin de matinée. Toutes les photos sont d'Étienne Rouillon.

Les assaillants ont réussi à prendre la fuite à bord d'une voiture noire suite à un échange de coups de feu avec la police arrivée sur les lieux. Selon des témoins, le véhicule a été aperçu se dirigeant vers la banlieue nord-est de la capitale. Ils disparaissent aux environs de la porte de Pantin.

Il s'agirait de l'attentat le plus meurtrier en France métropolitaine depuis l'attentat du boulevard du Temple en 1835, à l'occasion des cinq ans de la Révolution de juillet, qui avait fait 19 morts et 42 blessés.

Dans une vidéo prise par un journaliste de l'agence Premières Lignes - voisine de Charlie Hebdo - on entend les assaillants crier "Allah Akbar" avant de faire feu sur les employés présents.

Le président de la République François Hollande, visiblement ému, n'a pas hésité à employer le terme "d'attaque terroriste" lors de son allocution devant le siège de Charlie Hebdo. Dénonçant un acte d'une "exceptionnelle barbarie", il a ensuite assuré que "les auteurs seront pourchassés aussi longtemps que nécessaire. La France est aujourd'hui devant un choc […]. Il faut faire bloc et montrer que nous sommes un pays uni."

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, le maire de Paris Anne Hidalgo et le procureur François Molins ont été les premiers officiels à arriver sur place. Le président François Hollande est arrivé sur les lieux une heure après l'attaque. Une réunion ministérielle est prévue à 14H00.

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Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur et Anne Hidalgo, maire de Paris, se rendent sur les lieux de l'attentat. 

Suite à l'attaque, Matignon a annoncé avoir relevé le plan Vigipirate à son niveau maximal "alerte attentats" dans toute l'Ile-de-France. Tous les lieux de culte et les organes de presse sont désormais sous protection policière. A 14 heures se tient à l'Elysée une réunion de crise avec la présence du premier ministre Manuel Valls et Bernard Cazeneuve (Intérieur), Jean-Yves Le Drian (Défense), Christiane Taubira (Justice), Laurent Fabius (Affaires étrangères) et Fleur Pellerin (Culture et Communication).

Des ambulances arrivent en nombre rue Nicolas Appert.

Lancé en 1969, Charlie Hebdo, le journal satirique a toujours revendiqué un ton provocateur, anticlérical, et antireligieux. Cette dernière décennie, plusieurs polémiques ont émaillé son histoire.

En 2006, l'hebdomadaire avait reproduit la série de caricatures de Mahomet du journal danois Jyllands-Posten. Le journal a été poursuivi pour cette publication, suscitant un débat sur la liberté d'expression. En 2011, la veille d'un numéro spécial intitulé "Charia Hebdo", les locaux ont été incendiés. Les bureaux de Charlie Hebdo étaient sous protection policière depuis 2006. En 2013, Al-Qaeda avait publié une liste de 11 personnes «recherchées mortes ou vives pour crime contre l'Islam», et le dessinateur Charb faisait partie de cette liste.

La police scientifique devant l'entrée de Charlie Hebdo

Un soutien unanime

Une page de soutien au magazine a été publiée sur Facebook, intitulée "Je suis Charlie".

En France, la condamnation politique est unanime ; le président de l'UMP Nicolas Sarkozy a appelé à "l'union nationale". Les responsables religieux ont eux aussi dénoncé cet attentat, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a condamné aujourd'hui "avec la plus grande détermination" l'acte "barbare", "contre la démocratie et la liberté de la presse".

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À l'étranger, la chancelière allemande Angela Merkel s'est dit "bouleversée" par cet "attentat abominable", et le porte-parole de Barack Obama a déclaré : "Toute la Maison-Blanche est solidaire des familles de ceux qui ont été tués ou blessés dans cette attaque". La Ligue arabe et l'imam de la mosquée Al-Azhar, la plus haute autorité des sunnites ont également condamné l'attaque.

« J'ai entendu des coups de feu et je me suis précipitée à la rencontre de mes petites filles qui jouaient à proximité de la fusillade »

Dans un immeuble au dessus du Pole Emploi, alors que la police scientifique commence son enquête et que les ambulances quittent les lieux, les habitants nous racontent le bruit des détonations. Une grand-mère qui veut garder l'anonymat nous raconte, « J'ai entendu des coups de feu et je me suis précipitée à la rencontre de mes petites filles qui jouaient à proximité de la fusillade ». L'une d'elles, 11 ans, nous explique qu'elle a entendu les tirs alors qu'elle jouait non loin de l'Allée Verte, par laquelle les attaquants se sont enfuis. En fin d'après-midi, la police fait sortir les journalistes de la rue Pelée pour rechercher des impacts de balles et des douilles

L'ancien directeur de Charlie Hebdo, Philippe Val, qui avait notamment mené la bataille judiciaire du magazine lors de l'affaire des caricatures a apporté un témoignage poignant sur la radio France Inter : « C'étaient les meilleurs d'entre nous comme tous les gens qui font rire… Il faut pas laisser le silence s'installer. La terreur ne doit pas empêcher la joie de vivre, la liberté d'expression, j'aime pas les mots à la con, mais a démocratie, c'est quand même ça qui est en jeu, » a déclaré le journaliste en larmes.

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Philippe Val : "Il ne faut pas nous laisser seuls" par LeNouvelObservateur

Un peu partout en France, des rassemblements spontanés en soutien à Charlie Hebdo se sont formés. Plus de 100 000 personnes se sont réunies, 35.000 étaient rassemblées à Paris, 15 000 personnes à Lyon, et 5 000 à Nantes. D'autres manifestations de soutien ont également eu lieu dans les capitales étrangères, Londres, Berlin et Bruxelles, pour n'en citer que quelques-unes.

Place de la République. Photo de Mélodie Bouchaud.

À Paris et dans d'autres villes françaises, les panneaux publicitaires ont fait place au slogan « Je suis Charlie ».

A la — Pitchi (@_Pitchipoi)7 Janvier 2015

Les partis de gauche [Parti socialiste (PS), le Parti communiste (PCF), Europe Ecologie-Les Verts (EELV), le Mouvement républicain et citoyen (MRC) et le Parti radical de Gauche (PRG)] ont appelé à une « marche républicaine » samedi à 15 heures.

Dans une allocution télévisée, le président de la République François Hollande a appelé à une journée de deuil national jeudi 8 janvier. Il s'agit du premier deuil national en France depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Les membres du commando auraient été identifiés : il s'agirait de Saïd et Cherif Kouachi, deux frères de 32 et 34 ans. D'après Le Point, ils auraient été confondus par une pièce d'identité retrouvée dans la Citroën C3 abandonnée à Colonel Fabien après l'attaque dans les locaux du magasine. Un troisième homme de 18 ans est lui aussi recherché. À l'heure où nous terminons cet article, une opération de police avec le Raid était en cours à Reims, où les frères, originaires de Paris, s'étaient établis.

Pierre Longeray a participé à la rédaction de cet article.