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RDC

« Cobra » Matata, la difficile reddition d’un seigneur de guerre congolais

Le gouvernement de la RDC a annoncé que ce chef de milice déposait les armes dans la région meurtrie de l’Ituri. Une fois de plus.
Mines illégales en Ituri, RDC, via Julien Harneis/Flickr

Banaloki Matata, alias « Cobra », chef du groupe armé des Forces révolutionnaires patriotiques de l'Ituri (FRPI) s'est rendu avec un « grand nombre de ses combattants », a annoncé mardi dernier le porte-parole du gouvernement de la République démocratique du Congo, Laurent Mende Omalanga, lors d'une conférence de presse.

Lambert Mende, a affirmé mardi 11 nov que le chef du groupe armé - MONUSCO (@MONUSCO)12 Novembre 2014

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Aucun détail concernant le lieu et la date exacte de la reddition ne sont pour l'instant connus, et il semble que Cobra Matata soit pour l'heure toujours retranché avec ses hommes dans son fief de l'Ituri, une riche région montagneuse frontalière de l'Ouganda et proche du Kivu, au nord-est de l'ancienne colonie belge qui a obtenu son indépendance en 1960.

Cobra, dont on ne connaît pas l'âge, est originaire de cette région qu'il a rarement quittée. L'Ituri possède des sous-sols extrêmement riches qui contiennent principalement de l'or, mais aussi des diamants et du pétrole. Une quinzaine de groupes ethniques dont Lendu, Hémas, et Pygmées, sont présents dans cette région décrite depuis des années par des ONG comme Human Rights Watch comme l'une des plus sanglantes de la RDC. Les groupes armés de cette région exploitent les richesses souterraines pour acheter des armes qui alimentent les conflits ethniques. Depuis 2010, l'ONU est présente dans la région avec les casques bleus de la MONUSCO, chargés de faire respecter des accords de cessez-le-feu entre les différentes ethnies.

VICE News a parlé avec Luc Mbala, directeur de rédaction du journal L'Observateur, basé à Kinshasa, capitale de RDC. Luc Mbala est l'un des rares journalistes à avoir rencontré Cobra Matata à l'occasion d'un reportage dans l'Ituri.

Il explique que Cobra est de l'ethnie Lendu. Il compare sa lutte à celle du héros national - et père de l'indépendance - Patrice Lumumba. Il est soutenu par une partie de son ethnie, qui subit les assauts des ethnies voisines de la région et est persécutée depuis les années 1960. La population craint également les exactions des FARDC, l'armée nationale de RDC, fréquentes dans la région.

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« Cobra représente pour eux la figure de proue de leur lutte. Quand il y a eu des affrontements entre milices ethniques en 2002-2003, il s'est porté garant pour défendre son ethnie. Lorsque l'Union européenne a organisé l'opération Artémis, beaucoup de ces groupes se sont dissous mais lui a continué en s'appuyant sur son ethnie, pour laquelle il est un héros. »

L'ADF terrorise la République Démocratique du Congo sans que l'on sache très bien pourquoi. À lire ici.

Malgré leurs efforts et l'assistance des casques bleus de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo (MONUSCO), les forces gouvernementales ne parviennent pas à soumettre le FRPI. Un officier de l'armée congolaise a confié au directeur de rédaction de l'Observateur qu'à chaque fois qu'une embuscade est tendue à Cobra Matata dans ces montagnes difficiles d'accès, le seigneur de guerre en est immédiatement averti par des informateurs de son ethnie, et du coup qu'il ne se montre pas.

Pour Luc Mbala, l'annonce faite cette semaine par le gouvernement de RDC n'est pas gage de reddition effective de Cobra. « D'après le communiqué, Matata a déposé les armes, mais quand on voit ce qui se passe sur le terrain il y a de fortes chances que cela ne se passe pas tout de suite. Il n'a pas du tout confiance en la FARDC ; certains seigneurs de guerre ont déjà été tués alors même qu'ils cherchaient à se rendre. »

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Luc Mbala fait référence à Paul Sadala alias « Morgan », autre chef de milice originaire de l'Ituri. Après s'être rendu au printemps dernier à la FARDC, il a été tué par des soldats pendant son transfert aux autorités, dans des conditions très floues.

Mbala ajoute que ce n'est pas la première fois que Cobra Matata tente de « se ranger » en réintégrant l'armée gouvernementale. Il y a quelques années, le gouvernement congolais appelait les chefs des milices armées à cesser le combat, en leur proposant en échange un grade d'officier dans les FARDC. Cobra Matata aurait alors reçu en 2007 le grade de colonel, pour finalement reprendre le maquis trois ans plus tard et prendre la tête des FRPI, à la fois milice armée et parti politique.

« [Matata et ses compagnons] se sont sentis comme dans une prison dorée, » raconte Mbala. « Il a prétexté un déplacement dans le nord pour rendre visite à un parent malade, et a bien entendu finalement repris le maquis. »

Cette fois, le porte-parole du gouvernement congolais a de plus indiqué que Cobra et ses hommes « seront soumis, après leur rassemblement, au programme DDR [ ndlr : pour « démobilisation, désarmement et réinsertion »] », un plan gouvernemental créé l'année dernière qui vise à offrir une porte de sortie aux miliciens des groupes armés.

Pour Luc MBala, cette annonce de reddition peut être un facteur d'apaisement dans la région, mais il n'est pas certain que Banaloki Matata trouve l'autorité nécessaire pour persuader tous ses hommes de se rendre. L'affaiblissement des groupes armés dans la région dépendra aussi de l'attitude des forces gouvernementales vis-à-vis de la population.

Le 8 novembre, l'ancien chef de guerre Jérôme Kakwavu a été condamné à 10 ans de prison pour des actes de viol, meurtre et torture commis entre 2003 et 2004. Kakwavu avait rallié les forces gouvernementales en 2004 et avait en échange été promu au grade de général. Il est le premier général congolais a avoir été condamné par la justice congolaise pour crimes de guerre depuis la fin de la première guerre du Congo en 1997.

Suivez Virgile Dall'Armellina sur Twitter : @armellina

Photo via Flickr