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Crime

Crise au Venezuela : manifestations tendues contre le gouvernement

Les forces de sécurité ont utilisé du gaz lacrymogène ce mercredi pour bloquer le passage des manifestants qui demandent un référendum pour chasser le président Maduro.
Photo by Carlos García Rawlins/Reuters

Les forces de sécurité vénézuéliennes ont utilisé du gaz lacrymogène et ont joué au chat et à la souris avec les manifestants ce mercredi pour bloquer une manifestation exigeant un référendum révocatoire destiné à chasser le président Nicolás Maduro.

« Nous voulons manifester et ils ne nous laisseront pas passer, bien que ce soient des espaces publics », explique Josefina Rubio. C'est le troisième rassemblement d'opposition en une semaine dans le centre-ville de Caracas, la capitale du pays. « Cet homme [NDLR, le président Maduro] a tombé le masque… mais nous continuerons de descendre dans la rue. »

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La coalition d'opposition a déjà rassemblé deux millions de signatures en faveur d'un référendum statuant sur le futur de Maduro. Elle estime qu'il est responsable d'une grave crise économique dans le pays frappé par des pénuries chroniques des produits de base et une très forte inflation.

Les manifestants de mercredi avaient espéré défiler devant le siège des autorités électorales, qu'ils accusent de traîner des pieds pour vérifier de la validité des signatures.

Ils ne sont pas allés très loin. Leur point de rendez-vous était occupé dès le petit matin par les soldats de la Garde nationale et par la police en tenue anti-émeute. Les autorités ont aussi fermé les stations de métro dans la capitale, une autre mesure pour limiter les mouvements.

Les manifestants ont donc tourné en rond dans les rues proches du siège en agitant des drapeaux et en scandant des slogans anti-Maduro, jusqu'à ce que ces rassemblements soient dispersés par les forces de sécurité utilisant du gaz lacrymogène.

« C'est comme si les rues appartenaient au Chavismo », a lancé Alejandro Calles, âgé de 26 ans, en faisant référence au régime établi par l'ancien président Hugo Chávez en 1999 et dont a hérité son successeur, Nicolás Maduro. « Je suis fatigué de ne pas être autorisé à manifester. »

Certains automobilistes ont klaxonné pour afficher leur soutien alors qu'ils passaient à côté de la manifestation, tandis que les loyalistes au gouvernement hurlaient sur les manifestants depuis les balcons des immeubles.

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Dans la manifestation de ce mercredi on a vu un nombre notable de personnes âgées qui ont été particulièrement touchées par la quasi-impossibilité d'obtenir des médicaments, même basiques, au plus fort de la crise qui a touché le pays.

Les problèmes économiques graves de ce pays producteur de pétrole ont été déclenchés par la chute du prix du pétrole. Mais les critiques assurent que sa gravité doit beaucoup à la mauvaise gestion et à la corruption qui ont sévi durant les précédentes années de boom économique, quand les revenus abondants finançaient des avancées majeures pour les plus pauvres. Des avancées qui ont disparu. La manifestation de cette semaine a ainsi mobilisé au-delà des habituelles classes moyennes.

« Je manifeste parce qu'il n'y a pas de lait, parce qu'au lieu de manger, tu dois faire la queue à partir de 4 heures du matin. Les bébés n'ont-ils pas le droit à la nourriture ? » dit Óscar Goicoecha, un électricien de 43 ans qui manifestait avec sa fille de 10 ans. « Ce pays est foutu et je n'arrive pas à croire que les soldats ne le réalisent pas. »

La semaine dernière, lors d'une manifestation contre Maduro, des soldats ont fait usage de gaz lacrymogène face à des manifestants qui jetaient des cailloux. Un officier a fait usage de gaz au poivre sur le leader de l'opposition, Henrique Capriles.

Ancien candidat à l'élection présidentielle, Henrique Capriles a émergé comme l'un des leaders du mouvement de protestation. Il a appelé mardi les Vénézuéliens à ne pas se soumettre à l'état d'urgence de soixante jours annoncé par le président Maduro durant le week-end.

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« Si Maduro veut mettre en oeuvre ce décret, il va devoir préparer les chars d'assaut et les avions, et les amener dans la rue, parce qu'il va devoir le mettre en oeuvre par la force », a insisté Henrique Capriles. « Nous n'allons pas accepter ce décret. »

L'état d'urgence a élargi les pouvoirs présidentiels face à l'Assemblée nationale — qui est contrôlée par l'opposition depuis le mois de janvier — pour agir directement sur le plan économique et pour accroître le contrôle des rues.

Nicolás Maduro a déclaré que l'état d'urgence était nécessaire pour protéger la nation de complots le visant, complots soutenus selon lui par les États-Unis et fomentés par la bourgeoisie « fasciste » qu'il accuse depuis longtemps de mener une « guerre économique » destinée à renverser le « socialisme » vénézuélien.

Pendant ce temps les émeutes de rue spontanées et le pillage deviennent plus courants au Venezuela, dans un contexte de pénuries de nourriture qui empirent, de fréquentes coupures de courant et d'eau. Le pays a l'un des taux d'inflation les plus hauts du monde. Les vidéos de foules s'introduisant dans des magasins, ou se battant pour des produits font souvent le tour des réseaux sociaux.

Mais dans cette extrême tension, les manifestations organisées à l'appel de l'opposition, comme celle de mercredi, doivent encore attirer suffisamment de personnes pour représenter une réelle menace pour le contrôle du gouvernement.

Il y a une méfiance importante vis-à-vis de la direction de l'opposition, qui est en grande partie vue comme représentant une élite privilégiée. Maduro peut aussi encore compter sur la loyauté d'une partie significative de la population qui adorait Chávez.

Suivez Victor Amaya sur Twitter: @victoramaya

Cet article a d'abord été publié sur la version anglophone de VICE News.