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Crise des migrants à Calais : Eurotunnel demande 9,7 millions d’euros à la France et à la Grande-Bretagne

Le groupe, concessionaire du tunnel sous la Manche, demande une indemnisation et une aide pour ses dépenses de sécurité, afin de parer les tentatives des migrants qui veulent traverser par cette voie souterraine.
L'entrée du tunnel sous la Manche côté français. (Photo via Wikimedia Commons / Billy69150)

Le groupe Eurotunnel — concessionaire du tunnel sous la Manche, qui relie la France et l'Angleterre — a demandé, ce mercredi matin, aux gouvernements britannique et français une aide financière de 9,7 millions d'euros. Cette somme doit permettre d'aider la compagnie à payer ses dépenses de sécurité, qui ont dû être renforcées alors que des migrants — bloqués dans le Nord de la France dans la ville de Calais — tentent de rallier la Grande-Bretagne en empruntant le tunnel sous la Manche.

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Ces derniers jours, deux migrants ont été tués en essayant d'emprunter le tunnel. La première personne a été retrouvée morte ce dimanche soir, noyée dans un bassin de rétention d'eau profond de 4 mètres, situé dans le tunnel. L'autre individu est mort à l'hôpital vendredi dernier, après que lui et deux compagnons ont été brûlés par un arc électrique en tentant d'entrer dans le tunnel dans la nuit du 13 au 14 juillet.

« Nous regrettons ces évènements malheureux, et c'est pour cela que nous demandons plus de moyens aux deux gouvernements » explique ce mercredi à VICE News, un porte-parole d'Eurotunnel.

« Nous continuons à assurer une "forme d'étanchéité" du tunnel par rapport au passage des migrants en Grande-Bretagne, » expliquait ce mercredi matin, le PDG d'Eurotunnel, Jacques Gounon, lors de la présentation des résultats semestriels du groupe. Au premier semestre 2015, 13 millions d'euros ont déjà été engagés par l'entreprise pour les dépenses de sécurité, précise le groupe ferroviaire. Cette somme correspond à la totalité des dépenses engagées par Eurotunnel en matière de sécurité sur l'ensemble de 2014.

Les tentatives de traversées des migrants obligent Eurotunnel à ralentir les trains, ce qui d'après le groupe représente un manque à gagner qu'il chiffre à environ un tiers des 9,7 millions d'euros réclamés ce mercredi.

Les deux tiers restants permettraient d'acheter de nouveaux équipements pour assurer la sécurité du site — par exemple l'achat de nouvelles barrières pour empêcher les migrants d'accéder au tunnel. L'entreprise fait face à des intrusions de plus en plus fréquentes de la part des migrants qui tentent de rejoindre le Royaume-Uni.

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Interrogé sur l'état actuel de la sécurité dans le tunnel, le porte-parole reste très discret et nous explique : « Nous ne donnons aucune information sur le détail de nos équipements. » En décembre 2014, l'ancien chef de la sécurité du site disait au quotidien régional, La Voix du Nord, que le dispositif de la sécurité était composé de « 57 kilomètres de clôture, surveillés en permanence par 650 caméras vidéo et 8 équipes canines ».

« Nous effectuons cette demande aux gouvernements français et britanniques en connaissance de cause, » nous a expliqué le porte-parole d'Eurotunnel. « Il y a déjà eu un précédent au début des années 2000, quand nous avons reçu près de 24 millions d'euros des gouvernements britannique et français pour faire face à des événements similaires. » À l'époque, Eurotunnel avait saisi la Cour permanente d'arbitrage de La Haye qui lui avait donné gain de cause. Concernant la réponse qui viendra des gouvernements, l'entreprise indique être « confiante ».

« L'été à Calais, c'est le moment où tout est à son maximum »

« Nous sommes au coeur d'une grosse période, » explique à VICE News Emma Dubreu, qui travaille au centre d'accueil Jules Ferry à Calais — où les migrants peuvent prendre un repas, se laver et accéder à différents services de base. Jointe par téléphone ce mercredi après-midi, Emma Dubreu nous indique que l'été à Calais est « le moment où tout est à son maximum », faisant référence au nombre de migrants mais aussi aux situations critiques.

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Depuis le début du mois de juin, sept migrants sont morts à Calais, soit une moyenne d'un mort chaque semaine. Au-delà du tunnel sous la Manche, un autre moyen de traverser, privilégié par les migrants, c'est de se cacher dans un camion qui fait la traversée sur un ferry depuis la France vers l'Angleterre. Début juillet, une Erythréenne enceinte de cinq mois et demi est tombée d'un poids lourd, l'enfant qu'elle portait n'a pas survécu. Deux autres migrants sont morts fauchés par des véhicules sur l'autoroute qui durant cette période.

Si Emma Dubreu évoque des « progrès » comme l'installation de points d'eau et de projecteurs autour des campements, elle s'inquiète toutefois de l'arrivée massive de migrants ces derniers jours, « le plus frappant, c'est qu'il y a de plus en plus de femmes et de migrants très jeunes. » D'après une estimation des autorités britanniques rendue publique la semaine dernière, près de 5 000 migrants seraient présents à Calais.

La ville de Calais est également le théâtre d'un conflit social qui dure depuis près d'un mois. Eurotunnel avait annoncé la liquidation judiciaire de sa filiale MyFerryLink — qui propose de traverser la Manche à bord de ferries. Des marins manifestent contre la perte de leur emploi. Depuis la fin juin, ils bloquent le port de Calais par intermittence et ont également bloqué l'accès au tunnel sous la manche pendant deux heures ce mardi.

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Des marins de la compagnie MyFerryLink bloquent l'autoroute A16, ce mardi, qui mène au tunnel sous la Manche. Images via Russia Today.

À lire : Mouvement social musclé des marins et « opération d'urgence » pour aider les migrants à Calais

D'après Emma Dubreu, des migrants ont profité des manifestations de ces dernières semaines pour rejoindre le Royaume-Uni. « Pendant les manifestations, près de 800 migrants ont réussi à passer en Angleterre, » nous raconte-t-elle, « on s'en est rendu compte à la distribution des repas, et aussi lorsqu'on marchait à travers la new jungle,» terme qui désigne le nouveau bidonville où sont réunis les migrants qui arrivent à Calais. Selon la travailleuse humanitaire, cela s'explique par « le manque d'effectifs policiers autour du tunnel, car ils devaient gérer les manifestants. »

Suivez Pierre-Louis Caron sur Twitter @pierrelouis_c et Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray 

L'entrée du tunnel sous la Manche côté français. (Photo via Wikimedia Commons / Billy69150)