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Crime

Crise des ordures à Beyrouth : Les manifestants du mouvement « Vous puez ! » font tomber le « mur de la honte »

Les autorités du pays avaient tenté d’ériger un mur pour protéger le bureau du Premier ministre, à coté duquel se focalise des manifestations dirigées contre le gouvernement — incapable de régler une crise des ordures à Beyrouth.
Photo par Wael Hamzeh / EPA

Après un weekend de manifestations, des centaines d'habitants de Beyrouth étaient encore dans les rues ce mardi soir, où ils protestaient contre la gestion désastreuse des ordures par le gouvernement. Depuis des semaines, les rues de Beyrouth sont jonchées de poubelles et déchets. Le ramassage des ordures n'est plus assuré à cause de la fermeture de la principale décharge de la ville.

L'armée libanaise continue de patrouiller dans les rues de Beyrouth et les forces de sécurité du pays avaient essayé d'ériger un grand mur de béton autour du bureau du Premier ministre — situé juste à côté de la place où les principales manifestations se sont tenues. Mais après seulement quelques heures le mur s'est retrouvé tagué et nombre de Libanais ont empêché son érection. Une grande manifestation est prévue pour ce samedi.

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À lire : En photos : Beyrouth croule sous les ordures

La coordinatrice spéciale des Nations Unies pour le Liban, Sigrid Kaag, a pointé la « responsabilité politique » dans cette crise, et a exprimé ses regrets sincères quand à la mort d'un manifestant ce weekend — que les autorités libanaises n'ont pas encore confirmée. Kaag a aussi appelé à la « plus grande retenue » des deux camps qui s'opposent.

Les manifestations du weekend se sont organisées après que le ministre de la Santé du Liban a indiqué que le pays risquait « un désastre sanitaire majeur » si le problème de la gestion des déchets n'était pas réglé rapidement. La crise des ordures s'est trouvé un cri de ralliement de circonstance : « Vous puez ! » ou « Vous shlinguez ! » en fonction de la traduction. L'insulte vise les responsables politiques du pays qui n'ont pas su trouver une solution aux amas de détritus qui s'amoncellent dans les rues de Beyrouth.

Des manifestants essayent de gêner la construction du mur qui doit protéger le bureau du Premier ministre. (Photo par Wal Hamzeh / EPA) 

Quelques heures après le début de l'installation du mur, ce lundi, des habitants de Beyrouth ont commencé à tagguer les blocs de béton de ce « Mur de la honte, » comme l'ont baptisé nombre de Libanais.

— Sarah El Deeb (@seldeeb)August 25, 2015

Ce mardi, à peine 24 heures après le début des travaux, les autorités ont commencé à retirer le mur. Mardi, lors de la séance extraordinaire du Conseil des ministres, le Premier ministre a finalement donné des directives afin que les blocs de bétons soient retirés. Cela n'a pas apaisé les manifestants pour autant. Un partisan du mouvement You Stink déclarait à l'Associated Press, ce mardi après midi, « Ils ne trompent personne en faisant tomber le mur. Vous pouvez l'enlever ou non, on s'en fout. Ce qu'on veut, c'est construire un État. »

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Incredible scenes as the wall that divided Beirut for so much of the last 24 hours finally comes down — Karl Sharro (@KarlreMarks)August 25, 2015

 « Le mouvement n'est pas prêt de s'arrêter, » peut-on lire dans un communiqué posté sur la page Facebook du mouvement. Ce mardi soir, les manifestations ont été encore violentes comme on peut le voir dans plusieurs vidéos.

Tout avait commencé ce samedi, quand des manifestations pacifiques dirigées contre le gouvernement ont tourné à l'émeute. Des manifestants se sont mis à jeter des pierres sur la police, qui a répliqué avec des gaz lacrymogènes, des balles en plastiques, des canons à eau et des balles réelles. Plus d'une dizaine de personnes ont été blessées, et un homme est encore hospitalisé dans un état critique.

Tôt ce dimanche matin, des milliers de personnes s'étaient rassemblés à Riad El Solh Square, une place de Beyrouth, située juste devant le bureau du Premier ministre, Tammam Salam, pour lui demander de s'exprimer sur les violences de la veille. Dans une intervention télévisée diffusée ce dimanche matin, Salam a assuré que les forces de sécurité devront répondre de leurs actes.

Des enfants qui manifestent dans le centre ville de Beyrouth. (Photo par Wal Hamzeh / EPA) 

Salam a essayé d'apaiser les manifestants en assurant qu'ils avaient été entendus. « Comme de nombreux Libanais, j'ai été suffisamment patient [concernant la crise des déchets], mais les événements d'hier ne doivent pas être ignorés, » a déclaré Salam. « Cette crise des détritus est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. La vraie revendication vise l'instabilité politique et les politiques pourris qui oeuvrent dans ce pays. »

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De nombreux manifestants présents sur la place — dont certains ont passé la nuit au Riad El Solh Square — n'ont pas été satisfaits par les annonces du Premier ministre. Ils ont alors commencé à chanter « Le peuple veut la chute du régime. » D'autres manifestants ont essayé de s'introduire dans l'enceinte des bâtiments du gouvernement malgré les fils barbelés.

Des manifestants s'en sont pris directement aux forces de sécurité en leur lançant des pierres et des bouteilles. D'après la Croix Rouge libanaise, plus de 400 personnes ont été blessées au cours des manifestations de dimanche.

La crise des détritus n'est qu'un exemple d'une paralysie politique bien plus large qui touche le pays. Le Liban est sans président depuis plus d'un an, et la coalition gouvernementale menée par Salam est une fragile alliance entre des camps rivaux : le mouvement politique chiite du Hezbollah, le Courant du futur majoritairement sunnite mené par Saad Al-Hariri, et d'autres petits partis chrétiens.

Le Hezbollah a appelé ce mardi à la démission du gouvernement, prenant faits et causes des revendications des manifestants. Dans un communiqué, le groupe chiite estime que la crise des détritus reflète « la corruption endémique qui s'accumule dans le pays depuis près de 20 ans. »

Au cours de l'année passée, le Hezbollah est intervenu de façon unilatérale dans la guerre civile qui se joue en Syrie, le Liban a du aussi faire face à l'afflux de millions de réfugiés syriens sur son sol et aux attaques de partisans de l'organisation terroriste État islamique (EI) sur son territoire. Trois menaces pour le fragile équilibre politique libanais. Le processus politique et désormais au point mort et les élites sont incapables de fournir les services de base.

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Regardez notre reportage Le poids de la guerre : les réfugiés syriens du Liban

Ce lundi, l'ambassadeur des États-Unis au Liban, David Hale, a rencontré Salam, lui confiant qu'il était « profondément inquiet » suite aux manifestations.

« Les citoyens libanais méritent d'avoir accès aux services de base, tout comme ils méritent d'avoir un parlement capable de venir à bout de ses divisions pour élire un président, » a déclaré Hale.

Des images des manifestations de ce weekend : 

Les forces de l'ordre et des manifestants s'affrontent dans le centre de Beyrouth. (Photo par Wal Hamzeh / EPA)

Des militants libanais essayent de retirer les fils barbelés qui bloquent l'entrée du siège du gouvernement. (Photo par Wal Hamzeh / EPA) 

Des manifestants font face aux jets des canons à eaux sur le Riyad Solh Square. (Photo par Wal Hamzeh / EPA) 

La police fait usage de canons à eau contre les manifestants à l'extérieur des bâtiment du gouvernement. (Photo par Wal Hamzeh / EPA) 

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