Je l’aimais tellement que je ne pouvais plus le supporter, et j’ai décidé que je le voulais tout entier pour moi. Comme nous n’étions pas mariés, il aurait eu des relations avec d’autres femmes s’il était resté en vie. Mort, cependant, il n’aurait plus jamais touché une autre femme. Alors je l’ai tué. […] Oui, il m’aimait assez, mais le hasard étant ce qu’il est, je l’aimais beaucoup plus qu’il ne m’aimait. Il n’a jamais cessé de voir son foyer comme son foyer et moi comme juste moi, du début à la fin.
Libre et têtue
L'argent du corps
« Le manque de sexe nuit tellement à son humeur qu'elle craint d'être malade. Le médecin qu'elle consulte la rassure, elle est normale. Son époque n'est simplement pas prête à l’entendre »
L'enfer c'est les hommes
Les clients de Sada, rendus veules par des épouses à la libido bâillonnée, ne sont pas prêts non plus. Leur maîtresse veut et peut faire l’amour plusieurs fois par nuit, parfois pendant des heures. Elle réclame qu’on lui tire les cheveux et qu’on la fesse, pratique la fellation. On la décrit « dix fois » plus sensible qu’une femme ordinaire. Quelqu’un la croit malade parce qu’elle mouille avant la pénétration. D’autres remarquent qu’elle fait passer sa satisfaction avant la leur et que ses orgasmes sont « étrangement longs et profonds ». Sada elle-même est étonnée par sa nature sensuelle. Téméraire comme toujours, elle l'embrasse néanmoins. Une vie de plaisirs commence. Elle gagne beaucoup d’argent qu’elle boit, fume et joue à en finir au poste. Début 1933, un télégramme arrive. Sa mère est morte.« Plus indépendante que jamais, elle choisit ses partenaires, rompt ses contrats comme bon lui semble, s'enfuit quand on l’ennuie. Mais cela ne suffit pas, elle veut être encore plus libre »
30 ans, premiers émois
La dévoration
Une dernière fuite
L’empereur Hirohito accordera la grâce à Sada Abe en mai 1941, cinq ans jours pour jours après le meurtre d’Ishida Kichizou. Redevenue maîtresse sous pseudonyme dans le Japon de l'après-guerre, elle sera peu à peu débarrassée des étiquettes humiliantes des psychologues de la cour. Jadis nymphomane et perverse, elle est bombardée héroïne du désir et de la liberté. Quantité d'œuvres s'inspireront de sa vie, notamment le classique L’Empire des Sens. Puis elle disparaîtra en 1970, sans doute fatiguée par sa vaine recherche d'une vie calme. Quelques années plus tard, on entendra dire qu'elle vivait désormais dans un couvent, loin des hommes.VICE France est aussi sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.Si l’État avait demandé la peine de mort, il aurait reconnu que les déclarations d’Abe concernant le pouvoir des hommes sur les femmes et des femmes sur les hommes avaient quelque chose de vrai. Il a donc prétendu que seule une folle avait pu dire de telles choses. Le problème, c’est qu’on n’exécutait pas les fous. Donc, plutôt que de la laisser gagner sa liberté en plaidant la folie, ils ont parlé d’une « folie passagère » qui demandait une incarcération de faible durée.