FYI.

This story is over 5 years old.

FRANCE

L’affaire Sarkozy-Kadhafi relancée par deux tableaux du 17e siècle

Claude Guéant, directeur de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 a obtenu un demi-million d’euros de la vente de tableaux qui n’en valent pas tant.
Ships in Stormy Seas, Andries van Eertvelt via Wikimedia Commons

L'ancien ministre de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, a dénoncé ce lundi une « instrumentalisation de l'action judiciaire » après sa mise en examen samedi. Fraîchement sorti de sa garde à vue de 30 heures, l'ancien directeur de campagne est soupçonné de « blanchiment de fraude fiscale en bande organisée » et de « faux et usage de faux » dans le cadre de l'enquête sur un éventuel financement occulte de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007 par la Libye de Mouammar Kadhafi.

Publicité

Un document officiel et confidentiel libyen atteste que le régime de Kadhafi a donné l'ordre de verser 50 millions d'euros pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. La justice française a confirmé l'authenticité du document. D'anciens dirigeants du régime libyen confirment ce versement. L'enquête n'a pas encore établi que le versement avait bien eu lieu, et dans l'affaire Nicolas Sarkozy n'a par ailleurs jamais été directement mis en cause. Les efforts d'investigation se concentrent sur la recherche de traces de ce possible paiement.

Ils sont ainsi tombés sur un virement de 500 000 euros par un mystérieux avocat malaisien sur le compte en banque de Claude Guéant, qui était le directeur de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. C'est pour s'expliquer sur ce versement que Claude Guéant a été placé en garde à vue dans les locaux du pôle financier de grande instance de Paris ce week-end.

À lire: Affaire Sarkozy-Kadhafi: le document invisible

C'est au cours d'une perquisition en 2013 que cette transaction financière est mise au jour par les enquêteurs. Interrogé à l'époque au sujet de cette somme, Claude Guéant l'explique par la vente de deux toiles d'Andries Van Eertvelt, un peintre flamand du XVIIe siècle à un avocat malaisien, Sivajothi Muthiah Rajendram. Identifié, l'avocat pisté notamment par les médias français est aujourd'hui introuvable. « Cela n'a rien à voir avec la Libye », assurait Claude Guéant en 2013. Une information judiciaire est alors ouverte pour « corruption active et passive » et « trafic d'influence ».

Publicité

Des oeuvres trop chères

En plus de l'identité mystérieuse de l'acheteur des tableaux, c'est le prix auquel ils ont été vendus qui pousse la justice française à mener l'enquête. La société Artprice, spécialiste de la cotation du marché de l'art affirme que les tableaux du peintre néerlandais ne s'échangent pas à des sommes pareilles : cette vente est « une anomalie par rapport au prix du marché, au regard des données indicielles et économétriques sur cet artiste » a déclaré Artprice, qui précise que Van Eertvelt est un peintre peu recherché. La société cite, à titre d'exemple, le record de prix qu'a atteint une grande toile de Van Eertvelt, « La bataille de Lépante », en 2010. Elle a été vendue pour 140 000 euros — auxquels s'ajoutent environ 20 pour cent de frais — lors d'une vente aux enchères organisée par Sotheby's à Amsterdam. Les tableaux de Van Eertvelt, dont l'oeuvre est quasi-exclusivement composée de représentations de batailles navales, se vendent en moyenne à 41 000 euros la pièce, toujours selon Artprice.

Enfin, le ministère de la Culture n'a jamais reçu de certificat de cette vente, procédure pourtant obligatoire pour toute peinture vendue hors de France pour une somme supérieure à 150 000 euros. D'après l'avocat de Claude Guéant, c'est sur ce dernier point que la poursuite de son client peut se justifier : « On a un dossier qui se réduit simplement à justifier l'acquisition de deux tableaux il y a 22 ans et de leur réalité et, éventuellement, de leur déclaration fiscale, » a déclaré Me Philippe Bouchez el-Ghozi ce dimanche, qui a déclaré à l'antenne de France Info : « Le dossier est en train de se dégonfler. »

Le parquet se prononcera bientôt sur les suites à donner à cette affaire : la classer sans suite, désigner des juges ou faire citer Claude Guéant en correctionnelle. Ce dernier a l'interdiction de se rendre en Malaisie, ainsi que de rentrer en contact avec certaines personnes, dont Khalid Ali Bugshan, un homme d'affaires saoudien, que l'on soupçonne d'avoir servi d'intermédiaire dans cette transaction des tableaux. Ce n'est pas la première fois que Khalid Ali Bugshan est cité dans une affaire politico-financière française : son nom est apparu dans l'enquête sur des rétrocommissions qui auraient servi à financer la campagne présidentielle d'Édouard Balladur en 1995, Nicolas Sarkozy en était un proche collaborateur.

Photo via Wikimedia Commons.