Un policier surveille le cortège parisien. (Etienne Rouillon / VICE News)
Ce mardi, une nouvelle journée de mobilisation contre la loi Travail a été marquée par des opérations escargot et les blocages de certains sites par les routiers en grève, ainsi que par des manifestations dans plusieurs villes de France.Cette journée d'actions annonce le début d'une semaine de grèves reconductibles dans divers secteurs. Alors que les syndicats ont déjà appelé à la mobilisation pour jeudi, François Hollande a réitéré son intention de faire passer la loi au micro d'Europe 1 ce mardi matin. « Je ne céderai pas parce qu'il y a eu trop de gouvernements qui ont cédé », a assuré le chef de l'État.Sur l'ensemble du territoire, ils sont entre 68 000 (pour le ministère de l'Intérieur) et 220 000 (selon la CGT) à être descendus dans les rues pour manifester contre la loi Travail.À Paris, ce sont entre 11 000 et 12 000 personnes qui ont manifesté selon la police (55 000 pour les syndicats). Il s'agit de la mobilisation parisienne la moins importante — si l'on s'en tient aux chiffres des autorités — depuis le début du mouvement protestataire contre la loi Travail. Comme la manifestation de jeudi dernier, celle d'aujourd'hui a été marquée par quelques incidents et une division du cortège entre ceux qui défilent sous les drapeaux des syndicats et les autres.À lire : Retrouvez sur cette page tous nos articles consacrés aux événements liés au projet de réforme de la loi travail.À Paris, un cortège scindéLes manifestants parisiens s'étaient eux donnés rendez-vous en début d'après-midi à l'École miliaire dans le VIIe arrondissement. Mais pour rejoindre le point de ralliement, il fallait montrer patte blanche, puisque plusieurs équipes de police fouillaient les sacs des manifestants à leur arrivée près du point de départ de la manifestation.Le cortège s'est élancé peu après 14 heures avec pour destination la place Denfert-Rochereau dans le XIVe arrondissement. Et très rapidement, un peu comme jeudi dernier lors de la dernière manifestation parisienne, le cortège s'est scindé en deux.En tête de cortège, on retrouvait le service d'ordre de certains syndicats (le « S.O. ») accompagné d'une bonne centaine de policiers casqués qui ouvraient la voie pour quelques manifestants. Puis, un peu plus loin, séparé d'un fossé de quelques dizaines de mètres, manifestaient des jeunes et moins jeunes, masqués et non masqués, qui portaient une banderole « Nous sommes le peuple qui manque. »« On voit où est la jeunesse », nous lance ironiquement Simon en faisant un mouvement de tête vers le service d'ordre et les manifestants qu'il encadre. « Ce qu'il faudrait pourtant, c'est que l'on reste unis entre ceux qui défilent avec les syndicats et les autres, » assure le jeune homme.À côté de Simon, ils sont nombreux à crier en coeur « S.O. collabos ». Les étudiants, lycéens, jeunes travailleurs ou encore chômeurs qui peuplent la deuxième partie du cortège reprochent au service d'ordre de s'associer aux autorités pour l'organisation des manifestations. Des affrontements entre membres du service d'ordre et certains manifestants avaient éclaté lors de la dispersion de la manifestation de jeudi dernier à Paris.« Mon frère est ce qu'on peut appeler un casseur et moi je suis un pacifiste. »Vers 15 heures 10, la partie de cortège qui s'oppose au service d'ordre fait une pause sur le boulevard du Montparnasse. D'autres banderoles viennent habiller la tête de ce deuxième cortège. « Tous interdits de manif », peut-on lire sur l'une d'entre elles — une référence aux interdictions de manifester que certaines personnes ont reçu ces derniers jours. (Selon l'AFP, la justice a suspendu neuf arrêtés interdisant de manifester après une dizaine de recours.)Après 20 minutes de pause devant le cinéma des 7 Parnassiens, le cortège repart. Plusieurs affrontements éclatent entre des manifestants et des policiers stationnés dans les rues perpendiculaires au boulevard. Les CRS essuient des jets de pierres, de pétards, fusées, et ce qui semble être des cocktails Molotov. À plusieurs reprises, ils dispersent les manifestants avec des gaz lacrymogènes.« Mon frère est ce qu'on peut appeler un casseur et moi je suis un pacifiste, » nous raconte Simon. « Lui, il pense que les choses changent seulement avec la manière forte — moi non. Mais l'idée est qu'on reste ensemble, unis. » Ainsi, pour lui, les deux modes d'action peuvent être compatibles, alors que quelques débats sporadiques sur les méthodes d'action — casser ou pas casser — sont entendus dans le cortège.Alors qu'on approche de la place Denfert-Rochereau, des membres du service d'ordre de la CGT s'approchent tous du coffre d'une voiture qui roule au pas. Ils en sortent des dizaines d'épais bâtons de bois et des battes de baseball. « Pour se défendre », disent certains. Contre qui ? On ne nous le dit pas.Quelques échauffourées éclatent à nouveau sur la place, plusieurs fois balayée par des nuages de gaz lacrymogènes. Les membres du service d'ordre se tiennent d'un côté de la place, alors que d'autres manifestants affrontent des CRS de l'autre côté. Dans une drôle d'ambiance, tout le monde quitte peu à peu la place. En fin d'après-midi, la préfecture de police a annoncé avoir procédé à douze interpellations à Paris pour port d'arme et une pour jet de projectiles.Interdit de manifesterAprès la manifestation, à l'autre bout de Paris, nous rencontrons une des personnes qui a été interdite de cortège. Le jeune homme tient à garder l'anonymat. C'est un membre du Mili, pour « Mouvement Inter Luttes Indépendant ». Ce groupe a souvent été vu dans les cortèges les plus musclés contre la loi travail.Contrairement aux cinq autres personnes du Mili qui ont reçu leur notification d'interdiction de manifester ces derniers jours, il a lui reçu le papier à 10h00 ce mardi, quand la police est venue sonner à son interphone. « J'ai demandé : c'est la police ? 'Oui'». Après avoir vérifié son identité, ils lui tendent le document qu'il signe. « Je voulais faire un tour à la manifestation, mais du coup je n'ai pas pu y aller. »Il explique chercher avec les autres interdits de manifestation comment lancer une démarche collective « pour dire qu'il n'y a rien de concret » pour motiver ces interdictions. « C'est basé sur des notes blanches des renseignements, des choses floues. » Il précise que lui comme les autres membres du Mili qui ont reçu le fameux papier n'ont jamais été interpellés lors des manifestations contre la loi Travail. « Ce qu'on nous reproche, c'est de sortir dans la rue et de dire que l'on est contre la loi Travail, ou de porter des casques contre les coups de matraque ou des lunettes de piscine contre les lacrymos. » En filigrane, le document leur reproche d'être à l'origine des débordements. « On n'a pas pu manifester, il y a quand même eu des débordements. On ne peut pas dire qu'on en est à l'origine », répond-il avant de conclure : « Je retournerai manifester. »Des routiers mobilisés et une permanence muréeEn régions, les premiers à se lancer ce mardi matin, c'étaient les routiers. Leurs syndicats craignent de potentielles baisses de salaires — du fait de la diminution du taux de majoration des heures supplémentaires autorisée par la loi Travail. Selon l'AFP, les chauffeurs ont voulu créer « un blocage économique du pays », en ciblant des entreprises stratégiques.Plusieurs opérations escargot et barrages filtrants ont ainsi été installés dans des lieux stratégiques, laissant circuler les voitures mais pas les camions, et ce, dans plusieurs villes de France comme à Caen, Rennes, Lorient.Au fil de la journée, des manifestations se sont tenues dans plusieurs villes de France. À Lyon, entre 1 900 personnes selon la préfecture et 7 000 selon les syndicats ont défilé dans la vile. L'ambiance a été tendue entre les policiers et certains manifestants en tête de cortège. Huit interpellations ont eu lieu en marge de la manifestation, selon la préfecture.À Nantes, où les manifestants étaient entre 3 500 et 10 000, des projectiles ont été lancés sur la façade de la préfecture et en direction des forces de l'ordre. Les policiers ont fait usage de lances à eau et de grenades lacrymogènes. À Rennes, des incidents se sont produits entre des manifestants qui ont tenté de bloquer la rocade et les forces de l'ordre, en marge de la manifestation syndicale, rapporte Libération. La mobilisation dans la ville a réuni entre 1 100 et 2 000 personnes.A Toulouse, outre la manifestation qui a réuni entre 2 300 et 8 000 personnes, des militants CGT ont tenté de murer la permanence du député socialiste Christophe Borgel, rapporte l'AFP. Le Télégramme précise que le mur a été démonté une heure plus tard par les autorités.La suite de la semaine promet d'être encore mouvementée puisque, ce mercredi, se tiendra à Paris une manifestation des syndicats policiers « contre la haine anti-flic » sur la place de la République — là où se tient depuis le 31 mars le mouvement « Nuit debout ». Jeudi, à nouveau à l'appel des syndicats, des manifestations contre la loi Travail auront lieu dans toute la France et aussi à Paris, où le cortège doit relier la place à la Nation à la place d'Italie. Le trafic ferroviaire et aérien sera aussi perturbé pour les journées de mercredi et jeudi.
Pierre Longeray, Solenn Sugier et Etienne Rouillon ont participé à la rédaction de cet article._Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray_Suivez Solenn sur Twitter : @SolennSugierSuivez Étienne Rouillon sur Twitter @rouillonetienne
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