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David Cameron veut priver les migrants d’aide sociale

Le Premier ministre britannique avance une sortie possible de l'UE si on l'empêche d'appliquer ses mesures anti-immigration, au centre des élections de l'an prochain.
Image via Reuters

Dans un discours direct sur une question en passe de devenir l'un des enjeux principaux des élections parlementaires de mai prochain, le Premier ministre britannique David Cameron a suggéré vendredi que le Royaume-Uni pourrait quitter l'Union européenne si l'Europe empêchait le pays de limiter l'accès aux prestations sociales pour les migrants.

Le parti conservateur a dévoilé un grand nombre de réformes qui entendent combattre le « tourisme social », et par là le flot de migrants qui se rendent au Royaume-Uni. David Cameron a présenté ses plans pour empêcher les demandeurs d'emploi étrangers de réclamer des avantages, comme le crédit d'impôt, l'accès aux logements sociaux, et une mesure pour pouvoir les expulser s'ils ne trouvent pas de travail dans les six mois. Les migrants n'auraient plus le droit d'envoyer l'argent des prestations sociales à leurs enfants résidant à l'étranger, afin d'empêcher les gens de réclamer de l'aide pour les enfants ne vivant pas au Royaume-Uni.

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David Cameron a également déclaré que le pays devait pouvoir refuser l'accès aux prestations sociales et aux logements sociaux aux citoyens européens pendant les quatre années suivant leur arrivée au Royaume-Uni.

Ces mesures permettraient de « créer le système d'aide le plus contraignant d'Europe pour les migrants de l'UE , » a-t-il insisté. Les opposants à la situation actuelle estiment que les prestations sociales généreuses de Grande-Bretagne et d'Allemagne — qui a récemment porté une affaire devant la Cour européenne de justice pour limiter les avantages sociaux des migrants — en font des destinations rêvées pour les citoyens les plus pauvres de l'UE.

Mais ce sujet est l'objet de nombreux débats. Beaucoup des propositions du Premier ministre sont contraires à la législation de l'UE, et la commission européenne entend bien s'opposer à la moindre réforme. Le mois dernier, le nouveau président de la commission Jean-Claude Juncker avait accusé David Cameron de vouloir « détruire » le principe européen de libre circulation, accusant le leader britannique de faire une « erreur historique » dans l'UE.

David Cameron a insisté sur le fait que ses propositions étaient une « nécessité absolue », agitant le spectre d'une sortie de l'Angleterre de l'UE si elle n'était pas en mesure de mettre en place ses propres mesures d'aide sociale pour les migrants.

S'il échouait à renégocier, David Cameron a affirmé que « Rien, absolument rien, n'était exclu. »

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« Nous avons de véritables inquiétudes. Nos préoccupations ne sont pas farfelues ou déraisonnables, » a insisté David Cameron, ajoutant que ces préoccupations n'étaient pas propres à la Grande-Bretagne, et que ces discussions ne pourraient pas commencer par un « Non ».

« Partout dans l'UE, les questions liées à l'immigration posent de vrais problèmes et de vraies questions, » a-t-il dit. « Les mouvements que nous avons pu observer ces dernières années sont-ils toujours dans l'intérêt de l'UE ? Est-ce dans l'intérêt des États membres d'Europe centrale et orientale que leurs meilleurs éléments soient attirés loin de chez au moment où leurs pays ont le plus besoin d'eux? »

David Cameron a également promis plus de fonds aux communautés locales qui ont du mal à gérer la pression migratoire.

L'Angleterre est l'un des pays qui a vu le revers de la médaille de la libre circulation européenne. Les critiques disent qu'il a conduit à un rythme élevé d'immigration vers les pays riches, rythme qui exerce trop de pression sur les infrastructures et restreint le marché du travail dans l'UE.

Tous ses grands partis politiques se sont penchés sur la question, en partie à cause de la montée du parti UKIP de Nigel Farage (UK Independence Party), dont les idées anti-européenne et anti-immigration séduisent de plus en plus d'anglais.

Les partisans du principe de libre circulation insistent sur le fait que l'économie britannique tire avantage d'un tel mouvement et taxent ceux qui s'y opposent de racisme et de mentalité insulaire de « petite Angleterre ». Pour eux, cibler le « tourisme social », c'est grossir un problème mineur. Ils accusent les politiques de jouer sur le populisme et le sentiment nationaliste.

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La question de l'immigration est sensible et transcende les lignes politiques et les lignes de classe du pays. La récente démission d'Emily Thornberry, ministre de la Justice dans le « shadow cabinet » de l'opposition travailliste (un faux gouvernement bis), après qu'elle a été accusée de snobisme envers les partisans de l'UKIP, est l'exemple même de cette division.

Après que l'UKIP a emporté les élections partielles de Rochester, le 20 novembre dernier, Emily Thornberry avait tweeté la photo d'un van blanc garé devant une maison ornée de drapeaux de Saint- Georges avec, comme légende, « image de Rochester ». Ce tweet a déclenché une tempête de critiques, accusant Emily Thornberry de prendre la classe ouvrière britannique de haut.

Un député travailliste, Simon Danczuk, a déclaré que le parti avait été « piraté par l'élite libérale du nord de Londres », en référence au sentiment de nombreux partisans de l'UKIP qui estiment que l'establishment — et les riches habitants de la capitale — est loin des préoccupations et des pressions que subissent les gens au quotidien.

Pour certains, les propositions de David Cameron ne vont pas assez loin, puisqu'il ne met pas en place de quotas d'immigration comme le demandent l'UKIP et certains conservateurs.

Steven Woolfe, député européen de l'UKIP a déclaré que le Premier ministre avait failli à ses responsabilités envers le peuple britannique sur la question de l'immigration, en se référant aux chiffres publiés jeudi dernier, qui donnent 78 000 migrants de plus par rapport à l'année précédente.

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« Nous ne sommes pas en mesure de contrôler la quantité et la qualité de l'immigration au Royaume-Uni. Nous demeurons un pays sans frontières au sein de l'UE, » a déclaré le député européen dans un communiqué.

Le débat porte aussi sur le ton employé dans ce débat sur l'immigration. Dan Hodges, qui tient une chronique dans le journal Le Telegraph, un journal plutôt conservateur, a évoqué le fantôme d'Enoch Powell et ses « rivières de sang », formule utilisée dans un célèbre discours de 1968, quand le membre du « shadow cabinet » de l'opposition prédisait que l'immigration serait une catastrophe pour la Grande-Bretagne.

Dan Hodges décrit la situation politique actuelle comme « une course à l'armement anti-immigration » motivée par le défi que pose Nigel Farage à la classe politique.

Cameron ne va pas aussi loin que Powell l'a été, écrit-il. « Mais que faudra-t-il avant que quelqu'un dise enfin ''Stop […] Ok, ce débat nous échappe? " »

« On dirait que personne n'est prêt à mettre un terme à cette course à l'armement anti-immigration, » a poursuivi Hodges. « Mais nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre le retour du fantôme d'Enoch Powell. »

Suivez Hannah Strange sur Twitter: @hannahkstrange