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FRANCE

De la farine et des oeufs pour le meeting de Macron

Des opposants à la loi travail ont manifesté devant la Mutualité de Paris ce mardi soir, où le ministre Emmanuel Macron a tenu le premier grand meeting de son mouvement « En Marche ».
Emmanuel Macron à la Mutualité (Etienne Rouillon / VICE News)

Quelques heures plus tôt, le Premier ministre Manuel Valls avait lâché dans les couloirs du Sénat « Il est temps que cela s'arrête… », devant une caméra de BFM TV. Il réagissait au meeting à venir du mouvement « En Marche ! », où beaucoup pensaient que son ministre de l'Économie Emmanuel Macron allait annoncer sa candidature à l'élection présidentielle 2017.

C'est raté. Au bout de plus d'une heure et quart de discours, rien n'est arrêté ce mardi soir à la Mutualité de Paris. Les questions de la démission du jeune ministre et/ou de sa candidature à la présidentielle demeurent. Il a conclu le premier grand meeting de son mouvement, lancé début avril, avec une formule énigmatique qui ne ferme aucune porte : ce mouvement, il le portera « ensemble, jusqu'à 2017, et jusqu'à la victoire ».

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Les lignes étaient en revanche beaucoup plus claires en début de soirée devant la Maison de la Mutualité, lorsque des opposants à la loi Travail sont venus dire leur colère au ministre de l'Économie et aux milliers de personnes venues assister à son meeting

Il est un peu plus de 18h30 lorsque de nombreux spectateurs arrivent, invitation à la main. Il y a tous les âges, avec tout de même plus de jeunes que pour un meeting habituel. Ils se massent derrière une ligne de CRS faisant face à des manifestants. Un important dispositif fait de forces en tenue anti-émeute, agents en civil et camions de police va se resserrer progressivement autour de la centaine de personnes qui donnent de la voix.

À lire : Avec son mouvement politique, Emmanuel Macron se met « En Marche » : mais vers quoi ?

Sur les pancartes on peut lire : « Contre l'Euro [de football] du fric et la loi des patrons » ou « Tout le monde déteste la loi travail ». Des slogans sont repris en direction de la Maison de la Mutualité, décorée aux couleurs du mouvement « En Marche ! », qui était né alors que Nuit Debout battait son plein. On entend des « Macron, Medef, même combat » ou un « Même les flics détestent leurs banquiers. »

Devant l'esplanade de l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, voisine de la Mutualité, des personnes en veste et chemise sont visées par de la farine et des oeufs qui sont jetés par des manifestants. Une jeune fille armée d'un pistolet à eau arrose certains, même si l'effet est minimisé par une pluie qui commence à tomber fort. Côté « En marche! » on sort les parapluies, côté manifestants on enfile les K-ways. On en reconnaît certains, portés dans les cortèges de tête des manifestations contre la loi Travail.

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Le ton monte entre les manifestants et ceux qui attendent de pouvoir rentrer dans une Mutualité bondée. Certains parviennent tout de même à échanger poliment sur la loi Travail. Un speaker de l'équipe d' « En Marche ! » fait des annonces pour remercier les gens de patienter sous la pluie battante. Il est couvert par les « Anti-anti capitalisme ! ».

Les policiers en tenue anti émeute glissent alors progressivement entre les lignes pour séparer les personnes qui font la queue pour entrer et les manifestants qui scandent un taquin « C'est les bourgeois qui sont nassés. »

À l'intérieur

La Mutualité est pleine à craquer. 5 000 personnes, annoncent les organisateurs qui parlent d' « une étape fondatrice pour le mouvement ».

Le public attentif écoute des intervenants venus chauffer une foule déjà acquise. Sur scène, il y a une entrepreneure de la « French Tech », une étudiante d'HEC qui a fait le fameux porte-à-porte qui a fait connaître le mouvement, le Président de la Chambre de Métiers et de l'Artisanat de Seine- Saint-Denis, un député Socialiste. Et l'écrivain Alexandre Jardin qui fait très long en martelant le mot « faiseur », sorte de dénominateur commun de l'assistance, par opposition à ceux qui « parlent au lieu de faire ».

Pendant ce tour de chauffe, on parle « diagnostic pays », on fait des déclarations d'amour à Macron : « T'es un mec bien ». On évoque Jean-Louis Borloo et Nicolas Hulot qui sont applaudis. On critique « l'entre-soi qui tue la France », on refuse la montée du FN, on prône non pas un « Podemos mais un Assezmos ». Il y a des punchlines : « Qui mieux qu'un banquier pour faire sauter la banque ? ». « Le député Richard Ferrand se souvient « La Loi Macron ? Quelle histoire… » La foule applaudit à chaque fois qu'en creux les discours pressent Macron de se lancer. Reste au patron d' « En Marche! » d'expliquer où il veut se lancer.

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Il est un peu plus de 21h00 quand il prend la parole. Tout le monde est debout, acclamation polie mais soutenue. C'est parti pour une heure et vingt minutes de discours devant une foule attentive et concentrée, ponctuant les formules du ministre avec des panneaux « Osez » et autres « Bougeons les lignes ». Mais quelle est la ligne de Macron ? Difficile à cerner après l'éventail des sujets parcourus pendant ce speech aux allures de keynote mais sans lancement de véritable produit. Comme pour ses ambitions présidentielles, Macron reste pour le moment dans un entre-deux englobant au plus large.

Il commence par remercier le président Hollande pour sa confiance, glissera quelques piques en direction de Manuel Valls sans le nommer. Pas de name-dropping dans la démonstration de Macron, mis à part Nicolas Hulot ou Michel Rocard. Il est au-dessus de tout ça semble-t-il dire. Il veut simplement fédérer « ceux qui veulent juste changer le pays », ceux qui ont pris « un risque en venant ici ». Le ministre déjà ciblé par des oeufs lors d'un récent déplacement évoque les « militants sincères » qui manifestent devant la Mutualité, mais il leur oppose le fait qu'ils sont dépassés face à un monde qui a changé. Pour le résumer : ceux qui ne marchent pas sont en retard. « Il y a des solutions à droite ? Il y a des solutions à gauche ? » feint-il de s'interroger.

On ne trouvera cependant pas de solutions concrètes dans la voix de Macron ce soir. Terrorisme, écologie, France des startupeurs face au reste de la France, identité nationale (thème particulièrement applaudi), Brexit, éducation, « égalité des opportunités », etc. Tous les thèmes sont abordés avec toujours la même conclusion : il faut que cela change mais ce n'est pas encore le moment de dire comment on veut que cela change. Macron prévient, en choisissant bien les mots pour se détacher des partis traditionnels —du moins sur le plan du lexique— qu' « En Marche ! » ne proposera pas de « programme », qui « au fond, consiste à accumuler ce qui fait plaisir aux uns, puis aux autres ». À la place, il proposera un « plan de transformation » prévu pour la fin de l'année.

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Quelles sont les autres échéances pour « En Marche ! » ? Le ministre reçoit une standing ovation en lançant un « Imaginez où nous serons dans trois mois, dans six mois, dans un an ! ». La Mutualité répond avec des « Macron Président ». Il est plus de 22h00. La salle sent qu'il va conclure. L'atmosphère est électrique. Va-t-il y aller ? De jeunes fans lâchent un « Allez, dis-le! »

Il ne le dira pas. La dernière phrase du discours est une formule dans laquelle chacun peut imaginer ce qu'il veut : « Ce mouvement, nous le porterons ensemble, jusqu'en 2017, et jusqu'à la victoire. »

Pour le ministre de l'Économie il n'est donc pas encore temps que tout cela s'arrête. À part lui, personne ne semble savoir où il marchera dans six mois, dans un an. Les manifestants devant la Mutualité eux ont prévenu : ils seront dans la rue en septembre.


Toutes les photos sont d'Étienne Rouillon, suivez-le sur Twitter @rouillonetienne

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