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VICE News

De plus en plus de jeunes Français se défoncent au sirop contre la toux

L’Agence nationale de sécurité du médicament demande aux médecins et pharmaciens d’être plus vigilants.
Pierre Longeray
Paris, FR

Les jeunes Français consomment de plus en plus de sirop contre la toux — et ce n'est pas parce qu'ils sont plus sujets aux rhumes que les autres.

Jeudi dernier, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a diffusé une note de mise en garde, à destination des pharmaciens et médecins français, pour les alerter de l'usage détourné qui est fait de ces médicaments antitussifs, et ainsi, de leur demander d'être attentifs lorsqu'ils délivrent ou prescrivent ces sirops.

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D'après l'ANSM, les adolescents et jeunes adultes français seraient de plus en plus nombreux à consommer ces sirops — délivrés avec ou sans ordonnance — à « des fins récréatives ou de défonce » qui peuvent avoir des effets graves, jusqu'au décès par overdose.

Ces sirops à base de codéine (un opiacé utilisé comme analgésique et antitussif) servent en effet de principal ingrédient au « purple drank », une boisson qui a vu le jour dans le sud des États-Unis dans les années 1990, et qui a été popularisée par des rappeurs américains, notamment DJ Screw — qui est mort des suites d'une overdose à la codéine — Future ou Danny Brown, qui a depuis arrêté d'en consommer.

Le purple drank (aussi surnommé sizzurp, lean, ou encore dirty Sprite) contient donc du sirop contre la toux, du Sprite ou un autre soda, et des antihistaminiques H1 — des comprimés contre les allergies, qui permettent de contrer les effets secondaires du sirop (vomissements, démangeaisons…). Aux États-Unis, le sirop pour la toux est de couleur violette, d'où l'appellation « purple drank ».

D'après les témoignages de ceux qui en ont consommé, cette boisson aurait pour effet de déstresser et de désinhiber — en somme d'avoir une sensation de planer.

Une nette augmentation depuis 2013

Dans sa note de mise en garde, l'ANSM indique que les premiers signalements d'abus de ces sirops en France ont été rapportés en 2013, et que l'agence a constaté une « nette augmentation » depuis les premières alertes.

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L'ANSM rapporte que de nombreux pharmaciens d'officine ont fait état de « demandes de délivrance suspectes » de sirops, et qu'elle a pu recenser des « cas de dépendance ou d'abus ayant pu conduire à une hospitalisation ».

Les garçons sont autant touchés que les filles, et il s'agit majoritairement d'adolescents et de jeunes adultes. Le plus jeune cas recensé par l'ASNM est celui d'un enfant de 12 ans.

Les symptômes décrits par l'ANSM comprennent « des troubles de la vigilance (somnolence) et du comportement (agitation, syndrome confusionnel ou délirant) ainsi que des crises convulsives généralisées ».

D'après un précédent rapport de l'ANSM, la prise de purple drank peut aussi s'accompagner d'une dépression du système nerveux central, de convulsions, d'un effet de dépression respiratoire ou encore d'apnées.

Ainsi, pour mettre un frein à cette consommation extensive de codéine par les jeunes Français, l'ASNM recommande aux pharmaciens et médecins d'être vigilants et de s'assurer qu'il n'y a pas d'antécédents d'abus ou de dépendance chez le patient.

L'ANSM admet néanmoins que l'identification d'un « mésusage » est compliquée, puisque « les médicaments concernés peuvent faire l'objet de demandes dissociées dans des pharmacies différentes ».

À lire : Le « budget drogue » moyen d'un Français est de 36 euros par an

Une boisson venue du sud des États-Unis

Si certains membres des groupes de rock des années 1970-1980 prenaient du sirop pour la toux pur (notamment du Romilar), ce serait des acteurs de la scène rap de Houston (Texas), qui auraient mis au point le purple drank dans les années 1990.

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Un des premiers à avoir revendiqué sa consommation de cette mixture violacée est le légendaire DJ Screw ou Robert Earl Davis, Jr. à l'état civil.

DJ Screw est un artiste originaire de Houston, qui a inventé dans les années 1990 un style de musique dit du « chopped and screwed », ce qui consiste à ralentir le tempo de la musique). Grâce à cette technique, Screw cherchait à reproduire la manière dont sonnait la musique après avoir consommé du purple drank. Le son est alors souvent bien plus grave, lancinant et ralenti.

Davis, Jr. a été retrouvé mort le 16 novembre 2000 dans son studio. Le médecin légiste a conclu qu'une overdose de codéine avait conduit à son décès.

« Ça ne vaut pas le coup »

DJ Screw a eu une influence durable sur le milieu du rap, si bien que nombre de rappeurs continuent de se réclamer de lui. Ces mêmes artistes ont aussi consommé du purple drank et continuent d'y faire référence. Par exemple, le rappeur d'Atlanta, Future, a sorti plusieurs mixtapes intitulées Dirty Sprite — un des surnoms du purple drank.

Un autre rappeur, originaire lui de Detroit, Danny Brown, était aussi connu pour consommer diverses drogues et boire régulièrement du purple drank. Mais en 2014, l'artiste décide d'arrêter de consommer du « lean » et fait plusieurs interviews pour alerter sur les dangers de l'abus de codéine.

« À tous les ados qui pensent que boire du sirop est cool, cela ne vaut pas le coup. Ça a peut-être bon goût et peut vous aider à dormir la nuit, mais avec tous les autres effets secondaires, cela ne vaut vraiment pas le coup, » assurait à l'époque Danny Brown.

Depuis la mort de DJ Screw, deux autres membres éminents de la scène rap sont morts d'une overdose de codéine : Pimp C en 2007 à l'âge de 33 ans et A$AP Yams, un des membres du collectif d'A$AP Rocky, à l'âge de 26 ans en janvier 2015.