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VICE News

De plus en plus de migrants préfèrent rentrer en Irak plutôt que de rester en Belgique

106 ressortissants irakiens sont repartis depuis Bruxelles vers Bagdad – une première en Europe.
Pierre Longeray
Paris, FR

Ce lundi matin à 6h43, un vol charter un peu particulier à destination de Bagdad a quitté le tarmac de l'aéroport bruxellois de Zaventem. À son bord, 106 Irakiens volontaires pour rentrer chez eux, après avoir parfois risqué leurs vies pour arriver jusqu'en Europe.

Ce rapatriement organisé à l'initiative du Secrétaire d'Etat à l'Asile et la Migration, Mr Theo Francken, et mis en place par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et Fedasil (l'Agence fédérale belge pour l'accueil des demandeurs d'asile) est le premier du genre en Europe. En règle générale, les candidats au retour empruntent des vols commerciaux et non un avion spécialement affrété pour eux comme ce lundi.

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Autre particularité de ce rapatriement, les volontaires au départ seront aidés pendant une année par l'OIM pour se réintégrer dans leur pays d'origine. « Ils bénéficieront d'une aide à la réintégration une fois arrivés à Bagdad, ce qui peut se faire sous forme d'aide pour un microbusiness, d'un logement temporaire, d'un emploi ou encore de provisions », explique ce mardi matin à VICE News, Géraldine D'Hoop, responsable de la communication de l'OIM pour la Belgique.

En amont, l'OIM s'occupe aussi de l'organisation du retour des volontaires, grâce à 60 partenaires disséminés à travers la Belgique (ONG, villes, centres d'accueil, associations…) qui les alertent quand certains migrants font le voeu de rentrer chez eux. Les candidats au retour remplissent alors un dossier — qui permet notamment de s'assurer qu'ils rentrent dans des conditions plus ou moins stables — puis l'OIM se charge des réservations d'avion, les billets sont à la charge de l'État belge.

« Si les gens veulent repartir, moi je ne vais pas les arrêter »

Theo Francken, le Secrétaire d'État à l'Asile et à la Migration du gouvernement belge, s'était lui aussi levé tôt ce lundi matin pour être présent à l'aéroport.« Si les gens veulent repartir [en Irak], moi je ne vais pas les arrêter », déclarait ce lundi matin le secrétaire d'État au micro de la télévision locale RTL-TVI.

Ce membre du parti nationaliste flamand N-VA a mis en place depuis plusieurs mois une campagne de dissuasion destinée aux jeunes hommes Irakiens qui souhaitent rejoindre la Belgique. En octobre dernier, son ministère a payé des espaces publicitaires sur Facebook afin de décourager les Irakiens souhaitant venir en Belgique. Francken a aussi fait distribuer en octobre dans les centres d'accueil belges des lettres adressées aux Irakiens pour les dissuader de s'installer dans son pays. Son ministère n'a pas pu nous apporter plus de précisions sur cette démarche dans les délais de parution de cet article.

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Sur les quelque 3 870 personnes rapatriées volontairement depuis la Belgique en 2015, 1 014 sont des ressortissants irakiens, d'après les chiffres de l'OIM. En 2014, seulement 58 Irakiens étaient repartis volontairement de Belgique. Au cours de l'été 2015, la plupart des demandes d'asile en Belgique émanaient d'Irakiens — des demandes qui sont passées de 2 198 en septembre à 335 en décembre 2015.

En septembre, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides belges avait décidé de ne plus octroyer automatiquement le statut de protection subsidiaire aux individus ordinaires de Bagdad, ce qui peut être une explication à cette vague de retour volontaire et cette chute des demandes d'asile.

« Les gens qui repartent volontairement sont des migrants économiques, » explique D'Hoop de l'OIM, ce qui signifie qu'ils n'ont pas invoqué de faits de persécution, indispensables pour obtenir le statut de réfugié. « Ils n'ont pas fui à proprement parler la guerre, » indique D'Hoop, qui précise que les migrants volontaires au retour rentrent dans des conditions relativement stables (et qui font l'objet d'une étude de l'OIM).

« Plutôt mourir que de rester en Belgique »

Pour expliquer pourquoi des migrants qui ont parfois risqué leurs vies pour arriver jusqu'en Belgique souhaitent rentrer chez eux, D'Hoop avance trois raisons.

En premier lieu, elle cite le manque de perspectives économiques et socio-économiques en Belgique, « comme être hébergé ou avoir un travail, des choses somme toute basiques. » Les conditions d'accueil difficiles dans des tentes et des casernes ont aussi raison de la patience des migrants. Enfin, D'Hoop mentionne les difficultés liées à la réunification familiale, « La plupart des migrants sont des hommes seuls, ou avec des enfants. Faire venir leurs femmes ou le reste de leur famille est parfois trop long ou cela n'aboutit pas. »

Avant d'embarquer dans l'avion, un ressortissant irakien a expliqué à la chaîne flamande VTM, qu'il préférait « mourir en Irak plutôt que de rester en Belgique », alors qu'un autre déclarait avoir dépensé 6 000 dollars pour arriver jusqu'en Belgique.

Selon Theo Francken, le prix de ce vol spécialement affrété s'élève à 100 000 euros. Pour lui, l'opération est rentable puisque l'accueil d'un demandeur d'asile coûterait 50 euros par jour — toujours selon ses chiffres. Son ministère a fait savoir que d'autres vols spécialement affrétés pour les retours volontaires n'étaient pas prévus pour le moment, mais que les retours via les lignes commerciales allaient se poursuivre.

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Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray