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FRANCE

Des dizaines de milliers de chambres de bonne ne sont pas louées à Paris

La mairie de Paris, qui veut réduire au maximum les espaces habitables inutilisés de la capitale, envisage d’en transformer certaines en logements sociaux.
Image via Etienne Rouillon / VICE News

« 85% des chambres de service à Paris sont inhabitées ». C'est le titre choc de l'étude de l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR), rendue publique ce lundi.

Ces petits logements d'une seule pièce, situés au dernier étage d'un immeuble, servaient à l'origine à loger les domestiques employés par les familles aisées habitant dans les étages du dessous — d'où leur surnom, les « chambres de bonne ». Mais tout au long du XXe siècle, cette pratique a fortement baissé et ces logements ont été soit abandonnés soit reloués à des personnes seules à faibles revenus.

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Selon les données de la fiscalité locale, étudiées par l'APUR, il existerait 114 400 chambres de service dans Paris intramuros. Or, dans la capitale, seules 17 250 personnes ont déclaré habiter dans une « pièce indépendante louée, sous-louée ou prêtée » à titre de résidence principale, selon un recensement de la population réalisé par l'INSEE en 2011.

Sur les 114 400 chambres de bonne parisiennes, près d'un tiers se situe dans le XVIe arrondissement / Carte via APUR 

Les quelque 97 150 chambres restantes représentent près de 1 200 000 mètres carrés d'espace non loué, selon les calculs du Journal du dimanche. Un chiffre qui passe mal, alors que le contexte immobilier est très tendu dans la capitale française.

Mais attention, ces résultats sont à prendre avec précaution. D'une part parce qu'« inhabité à titre de logement principal » ne veut pas dire inutilisé, et que le nombre de chambres de bonne réellement vides est presque impossible à évaluer.

En effet, certaines chambres de bonnes sont utilisées par leurs propriétaires comme bureau, débarras, ou encore chambre d'appoint pour un adolescent. Or ces mêmes chambres ont bien été comptées dans les 85 pour cent de chambres inhabitées par l'APUR.

De plus, un peu plus de la moitié des chambres dites inhabitées (58 300 exactement) ne pourraient de toute façon pas être louées, car elles mesurent moins de 9 mètres carrés, et ne correspondent donc pas aux critères d'un logement décent, mis en place par un décret de 2002.

D'autre part, ces résultats sont aussi à prendre avec précaution parce que l'APUR a rapproché, pour son étude, deux bases de données différentes qui utilisent des définitions qui ne se recoupent pas tout à fait, et qui se fondent sur du déclaratif : la déclaration des propriétaires au fisc d'une part, et celles de la population aux agents de l'INSEE d'autre part.

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La mairie de Paris veut utiliser cet espace vide

Malgré tout, cette étude a encouragé l'adjoint à la mairie de Paris en charge du logement, Ian Brossat (PCF), à se saisir du dossier. Dans un communiqué publié ce mardi, la mairie a indiqué vouloir travailler dans deux directions pour lutter contre l'espace vide.

La première, c'est d'acquérir certaines chambres de service pour en faire des logements sociaux. « Nous allons pouvoir envisager l'acquisition d'une partie de ces chambres, afin de les aménager pour en faire des surfaces habitables », a déclaré l'élu Ian Brossat. « Nous pourrons par exemple mutualiser plusieurs d'entre elles pour en faire un logement d'une superficie adéquate ».

Pour ce faire, la Société de requalification des quartiers anciens (Soreqa) a été mandatée par la ville pour « la réalisation d'une étude d'ingénierie sur le sujet, qui sera remise au premier semestre 2016. »

La deuxième idée de la mairie est d'encourager les propriétaires à rendre habitables des chambres de bonnes qui auraient été laissées à l'abandon, en les aidant financièrement à réaliser des travaux. Pour cela, le dispositif nommé « Multiloc » lancé début mars à Paris — qui subventionne des travaux dans des logements laissés vacants à la condition qu'ils soient ensuite loués à bas prix à des locataires de la classe moyenne ou modeste — devrait être ouvert aux chambres de bonne. Il ne l'est pour le moment qu'aux logements de plus de 14 mètres carrés.

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Les étudiants ne représentent que 12 pour cent des locataires de chambres de bonne

Transformer une partie de ces chambres en logements sociaux permettrait de contribuer à la réalisation de l'objectif que s'est fixé la mairie : la création de 10 000 logements par an, dont au moins 7 000 sociaux, comme le rappelle le communiqué. « Il s'agit notamment de répondre aux besoins de studios et de deux pièces, à des loyers abordables, exprimés par les étudiants ou les jeunes actifs », a déclaré l'adjoint à la mairie.

Mais surtout, ces chambres de bonnes pourront permettre à la Ville de créer des logements sociaux dans des arrondissements qui en sont déficitaires. En effet, celles-ci sont concentrées dans l'ouest de Paris, et notamment dans le XVIe arrondissement, qui en concentre un tiers à lui tout seul. Ceci s'explique par la forte présence d'immeubles haussmanniens dans ces quartiers, qui est le type d'immeubles bourgeois dans lequel on trouve majoritairement ces chambres de service.

Dernière surprise dévoilée par cette étude : les locataires de ces chambres ne sont pas uniquement de jeunes étudiants, comme on l'imagine souvent, puisque les personnes encore en études ne représentent que 12 pour cent des occupants de ces habitats. 50 pour cent des locataires de chambres de bonnes ont un emploi.

Concernant l'âge des occupants, les jeunes entre 20 et 34 ans ne représentent qu'un tiers des occupants de ces habitats, tandis que près de 20 pour cent des locataires de chambres de bonnes ont plus de 60 ans.

À lire chez VICE : Sous les combles avec les habitants des chambres de bonne de Paris 

Suivez Lucie Aubourg sur Twitter : @LucieAbrg