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Crime

Des documents top-secrets de l'ère coloniale redécouverts par le Royaume-Uni

Les documents, dont certains classés « Top Secret », pourraient apporter la lumière sur des abus commis dans les colonies britanniques pendant l’apogée de l’empire britannique et longtemps dissimulés par des gouvernements successifs.
Image via Norman B. Leventhal Center

Au Royaume-Uni, le Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth a localisé l'emplacement d'une cache contenant des archives de l'époque coloniale, a appris VICE News.

Ces documents, qui évoquent des sujets sensibles et sont classés « Top Secret », proviennent du Bureau colonial, l'administration, depuis longtemps dissoute, qui supervisait la gestion des colonies de l'Empire britannique.

Le Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth (Foreign and Commenwealth Office, ou FCO) a confirmé à VICE News que ces archives ont été localisées l'année dernière, lors d'un audit des administrations gouvernementales qui a révélé l'existence de 170 000 documents historiques, jamais rendus publics. Certains auraient dû être publiés depuis longtemps. Leur dissimulation est illégale et contraire au Public Record Act britannique.

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La découverte de ces documents de l'ère coloniale pourrait susciter le malaise chez les historiens, certains d'entre eux ayant accusé le gouvernement britannique, ces dernières années, d'avoir supprimé volontairement des documents accablants datant de l'époque impériale.

Ce n'est pas la première fois que le FCO découvre un trésor composé de documents historiques depuis longtemps égarés et parfois compromettants. En 2011, après avoir nié plusieurs fois et pendant une bataille juridique de longue haleine, la FCO a admis avoir conservé illégalement 1 500 documents liés au Kenya. Cette masse d'archives était stockée dans 300 boîtes, disposées sur 30 mètres de long derrière l'enceinte d'Hanslope Park, un large camp hautement sécurisé et mystérieux, situé dans le comté de Buckinghamshire, au Sud-Est de l'Angleterre. Le camp est occupé par le FCO, les services de renseignement britanniques — le MI5 et le MI6 — et des scientifiques du gouvernement qui y développeraient des techniques de contre-espionnage.

Plus tard, cette même année 2011, le FCO a admis avoir en sa possession 8 800, puis finalement 20 000 documents coloniaux, concernant 37 anciennes colonies et territoires. Le gouvernement a surnommé ces documents les « Archives déplacées », comme si elles avaient dérivé d'elles-mêmes jusque dans les limbes du Bureau des Affaires étrangères.

Certains de ces documents, qui ont été déplacés aux Archives nationales britanniques, dressent un portrait de l'administration coloniale britannique loin d'être flatteur. Un document contient un mémo de 1953, de la main de celui qui était alors l'adjoint du procureur général du Kenya, et qui décrit les centres de détention coloniaux comme des « réminiscences fâcheuses des conditions [de détention] de l'Allemagne nazie ou de la Russie communiste ».

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Le FCO n'a pas publié le contenu des archives nouvellement exhumées, mais a révélé leur teneur générale.

L'une des boîtes, nommée « Résumé des Renseignements Coloniaux » fait partie des trouvailles historiques, tout comme de nombreuses boîtes qui contiennent des éléments du Bureau colonial « Département du renseignement et de la sécurité ».

Deux boîtes sont estampillées « Bureau colonial : registre défense top secret » et une autre boîte, qui fait 9 centimètres, contient des documents relatifs au « Bureau colonial : relations internationales secrètes ».

Contactée de nombreuses fois par VICE News, le FCO a refusé d'apporter des commentaires sur des documents en particulier.

L'année dernière, l'historien Tony Badger, de l'université de Cambridge, qui a été nommé par le FCO pour examiner les archives exhumées en 2011, a dit à un groupe d'historiens que les « Archives déplacées » ont été « délibérément créées. Ceux qui ont créé et administré ces archives savaient depuis longtemps ce à quoi ils avaient affaire et étaient déterminés à dissimuler aux autres ce qu'ils détenaient. »

En 2013, deux ans après la découverte des « Archives déplacées », le journal britannique The Guardian révélait que le FCO conservait 1,2 millions de documents historiques à Hanslope Park — un chiffre ramené à 600 000 ensuite. Certains documents remontent à la décennie 1800. D'autres détaillent les relations internationales britanniques pendant la Guerre froide, ainsi que l'agonie de l'Empire.

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Les documents soi-disant perdus, que le FCO a surnommés les « Collections spéciales », occuperaient plus de 20 kilomètres de rayonnage allant du sol au plafond, dont 50 mètres consacrés à Hong-Kong, 77 mètres consacrés au « cas de persécutions nazies » et l'agenda de bureau du diplomate britannique devenu espion soviétique, Donald Duart Maclean. Les documents sont passés au crible par une équipe de « senior sensitivity reviewers » — des experts confirmés des questions sensibles — qui pourront expurger les documents de certains éléments avant leur publication.

Nombre de ces documents du Bureau colonial récemment localisés sont des « registres », c'est-à-dire essentiellement des fichiers administratifs qui contiennent souvent des correspondances du Bureau colonial, de courts détails des documents du Bureau colonial et des résumés des actions effectués sur ces fichiers.

Les registres devraient représenter un intérêt pour les historiens, comme les documents en tant que tels. Le docteur Mandy Banton a travaillé pendant 25 ans aux Archives nationales britanniques en tant que spécialiste des documents du Bureau colonial. Contactée par VICE News, elle estime que ces registres pourraient attester de l'existence d'encore plus de documents datant de la période coloniale que le gouvernement britannique a détruit depuis.

Le fait que le Royaume-Uni a détruit de larges réserves de fichiers coloniaux est bien documenté. Par exemple, des archives liées au massacre de Batang Kali ont été détruites en 1966, car elles n'étaient pas considérées comme « dignes d'être conservées ». Elles évoquaient le meurtre, par les troupes britanniques, de 24 villageois désarmés, en 1948, alors que « l'Urgence malaisienne » battait son plein.

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Au début des années 1980, Le Royaume-Uni a détruit des boîtes contenant des documents sur le Kenya à l'époque coloniale. Les historiens ne savent toujours pas ce qu'elles contenaient.

Au début des années 1990, le gouvernement a déclaré perdues 170 boîtes contenant des archives classées « Top Secret » relatives aux territoires sous juridiction britannique.

Invitée à donner son sentiment sur cette dernière exhumation, Mandy Banton, la spécialiste des archives a dit : « Franchement, je ne suis plus surpris par le fait que le FCO trouve encore de nouveaux matériaux… Dieu seul sait où ils ont stocké le reste. »

Le gouvernement doit encore expliquer pourquoi les 170 000 documents historiques n'ont pas été transférés aux archives du gouvernement à la date prévue, et comment le FCO « s'est rendu compte » de leur existence en juillet dernier.

Sur son site Internet, le FCO souligne que le transfert de documents historiques a été retardé à cause de difficultés d'effectifs et parce que la priorité a été donnée à d'autres documents plus récents, non-pas parce que le FCO tentait de les dissimuler. « Nous ne retenons pas des archives simplement parce qu'elles sont 'embarrassantes' ou parce qu'elles donnent un éclairage particulier sur le passé. »

Suivez Katie Engelhart sur Twitter : @katieengelhart

Image via Flickr