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Crime

Des lions sont empoisonnés au Kenya par des bergers inquiets pour leur bétail

Environ une demi-douzaine de lions de la Réserve nationale Maasaï Mara au Kenya sont tombés malades ce lundi, après avoir mangé une carcasse de vache empoisonnée.
Photo via EPA

Environ une demi-douzaine de lions de la Réserve nationale Maasaï Mara au Kenya sont tombés malades ce lundi, après avoir mangé une carcasse de vache empoisonnée. D'après des défenseurs des animaux, les gardiens de troupeau de la région pourraient être à l'origine du méfait.

« Ils ont commencé à tomber comme des mouches et de la mousse est sortie de leur gueule, » décrit la défenseur des animaux Anne Kent Taylor, qui vit dans la réserve plusieurs mois par an.

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Un des félins visés, la lionne Bibi, était une petite célébrité depuis un passage à la télévision. Bibi est morte suite à l'empoisonnement. Une autre lionne, Sienna, a disparu et tout laisse à croire qu'elle est aussi décédée. Le reste des lions ont pu rapidement être pris en charge et soignés. D'après Taylor, il y a de bonnes chances qu'ils s'en remettent.

Les autorités kényanes ont arrêté trois gardiens de troupeau Maasaï suspectés d'avoir empoisonné Bibi et son groupe, parce qu'ils avaient tué deux de leurs vaches, explique l'Associated Press. Un quatrième suspect est toujours en fuite.

Bibi était un animal bien connu du public anglo-saxon après avoir été un des personnages principaux de l'émission de la BBC « Big Cat Diary [ndlr, Le journal intime des gros chats] » entre 1996 et 2008.

Bibi, contrairement au lion Cecil tué par un dentiste américain plus tôt dans l'année, n'a pas été victime de braconnage, mais semble donc avoir été tué par des gardiens de troupeau Maasaï.

À lire : Le dentiste américain qui a tué le lion Cecil s'explique dans une lettre adressée à ses patients

Taylor explique que le bétail permet aux gardiens de troupeau de se nourrir et aussi d'en faire commerce.

« C'est leur richesse, » précise Taylor. « Vous et moi, nous allons mettre notre argent à la banque, eux, ils le mettent dans le bétail. »

Les lions et le bétail des Maasaï vivent sur le même sol, qui a été privatisé et transformé en zones de protection des animaux où le bétail est souvent interdit. Taylor note que le gouvernement soutient la création de ces zones de protection des animaux puisque cela aide à promouvoir le tourisme.

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« On a demandé [aux Masai] de transformer les zones où allait paître leur bétail en zone de protection pour la faune, » explique Taylor. « Et ils reçoivent de l'argent de la part de l'organisation qui chapeaute la mise en place de ces zones de conservation des animaux. Donc ils bénéficient de l'industrie du tourisme. »

À cause du succès de ce tourisme centré sur la protection de la vie sauvage, les bergers Maasaï se retrouvent donc chassés de leurs terres.

« La taille du bétail a augmenté de manière exponentielle alors que les zones de pâturage se sont radicalement réduites, ce qui crée donc immanquablement un conflit, » explique Taylor.

L'utilisation de poison pour tuer ou affaiblir des lions se popularise dans plusieurs pays d'Afrique de l'Est, note Phillip Henschel, un spécialiste des lions pour le groupe de protection des animaux Panthera.

« Les braconniers, qui tuent des animaux pour certaines parties de leurs corps, utilisent eux aussi de plus en plus de poison. Au Zimbabwe, il existe de nombreuses preuves que des éléphants ont été intoxiqués au cyanure, » regrette Henschel. « Mais pour le cas des lions, la plupart des affaires d'empoisonnement pourraient être liées aux bergers. »

Le conflit qui oppose les lions et le bétail en Afrique est particulièrement prégnant en Tanzanie, au Zimbabwe, au Kenya et dans certaines parties de la Namibie.

Une équipe de vétérinaires a réalisé une autopsie du corps de Bibi pour se rendre compte que le lion a été tué avec du pesticide carbofuran, que l'on trouve dans le commerce sous la marque Furadan aux États-Unis, au Canada et dans l'Union européenne.

Près d'une centaine de lions sont tués chaque année à cause d'empoisonnement au Kenya, d'après les estimations d'Henschel.

« Les tribus pastorales qui émaillent le continent africain ont toujours tué des lions pour défendre leur bétail, » explique Henschel. « Mais les chasses traditionnelles avec des lances ou des arcs qui demandaient une bonne dose de courage disparaissent peu à peu. Ces chasses visaient aussi un animal en particulier. Mais le poison agit aujourd'hui comme une arme préventive pour les bergers afin, d'exterminer localement des populations carnivores entières."

L'ONG kényane Wildlife Direct pousse depuis 2009 pour que les autorités du pays imposent une interdiction d'utiliser le pesticide, mais le gouvernement a refusé jusqu'ici de satisfaire la requête de l'ONG.

Suivez Hannah K. Gold sur Twitter :@togglecoat