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Mali

Double revendication pour l’attaque de l’hôtel de Sévaré au Mali

Un cadre djihadiste, Souleyman Mohamed Kennen a revendiqué ce mardi l’attaque de vendredi dernier qui a fait 13 morts. Quelques heures plus tôt le groupe terroriste Al Mourabitoune avait lui aussi fait la même chose.
Pierre Longeray
Paris, FR
Une rue de Sévaré (Image via Wikimedia Commons)

Ce mardi matin, un cadre djihadiste, Souleyman Mohamed Kennen a revendiqué à l'AFP, l'attaque de vendredi dernier contre un hôtel de Sévaré, dans le centre du Mali dans la région du Mopti, qui a fait 13 morts. Plus tôt dans la matinée, le groupe terroriste Al Mourabitoune — dont Kennen est un ancien combattant — a aussi revendiqué l'attaque de ce vendredi. Pour des membres de la sécurité régionale, ce flou dans les revendications pourrait témoigner d'une porosité entre les différents groupes djihadistes du pays.

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Au cours d'une conversation téléphonique avec un journaliste de l'AFP, basé à Bamako au Mali, Kennen a déclaré, « La main de Dieu a guidé les moudjahiddin à Sévaré contre les ennemis de l'islam. Quinze cafres [infidèles] et leurs complices ont été tués ». Le dernier bilan officiel communiqué par le gouvernement malien ce dimanche fait état de 13 morts. Kennen a aussi revendiqué l'assassinat survenu ce lundi, dans la même région, de 3 militaires maliens, tués quand leur véhicule a sauté sur un engin explosif. Il prévient que de nouvelles actions contre « les ennemis de l'islam » sont à prévoir.

Vendredi dernier, le 7 août, une prise d'otage menée par un commando d'hommes armés avait eu lieu dans l'hôtel Byblos de Sévaré, dans le centre du Mali — où logeaient des employés de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Après des heures de siège, les forces maliennes appuyées par des soldats français avaient libéré l'hôtel le samedi. Quatre militaires maliens, cinq contractuels de la Mission de l'ONU au Mali et quatre assaillants ont été tués, d'après les autorités.

Ce mardi matin, Kennen précise à l'AFP que « le cheikh Amadou Koufa a donné sa bénédiction pour l'attaque [contre l'hôtel de Sévaré] ». Koufa est un prêcheur radical malien qui prône l'application de la charia et soutient la « guerre sainte » sur tout le territoire du Mali. Il est aussi le leader du Front de libération du Macina (le nom donné par certains à la région centre du Mali), qui serait responsable de plusieurs attaques ces derniers mois, une nouvelle donne dans la région, jusque-là plus épargnée par ce type de violences qui étaient auparavant circonscrites au nord où s'étaient établis les groupes djihadistes, délogés par l'armée française au cours de l'année 2013, dans le cadre de l'opération Serval — devenue opération Barkhane et étendue à une partie de la zone sahélienne, en août 2014.

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À lire : Le centre du Mali craint l'émergence d'un nouveau groupe armé : « La Force de libération du Macina »

Quelques heures avant la publication de la dépêche AFP, dans laquelle Kennen s'exprime, Reuters explique qu'un groupe terroriste a revendiqué l'attaque contre le Byblos dans un communiqué envoyé à la chaîne de télévision Al Jazeera. Le groupe de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, Al Mourabitoune, y explique qu'après une « période de surveillance de l'hôtel » des combattants de l'organisation « alliée d'Al Qaida » ont attaqué l'hôtel « occupé par des Occidentaux. »

Si Kennen semble expliquer à l'AFP que le Front de libération du Macina (FLM) a donné son accord pour l'attaque, il faut aussi noter qu'il était aussi un ancien combattant d'une unité de Mokhtar Belmokhtar.

À lire : Le terroriste Mokhtar Belmokhtar, alias « Mister Marlboro »

Il est pour le moment difficile de dire à quel titre s'exprime Kennen, puisqu'il ne cite à aucun moment Al Mourabitoune dans son allocution rapportée par l'AFP. Sa proximité avec les deux groupes, le FLM et Al Mourabitoune, pourrait expliquer la confusion qui se dégage de cette double revendication.

Pour les autorités maliennes, avant la revendication de ce matin, la piste privilégiée pour l'attaque du Byblos était celle du FLM. Ce lundi, une source jointe par l'AFP à Sévaré déclarait « La thèse du FLM se précise. Une carte d'identité trouvée sur un d'entre eux mentionne [le nom de] Tamboura qui serait né à Téninkou, un village dans la zone géographique du Macina. » Pour le moment, les autorités maliennes n'ont pas réagi aux revendications.

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La radio RFI note que cette double revendication pourrait aussi s'expliquer par le fait que l'équipe qui a perpétré l'attaque contre l'hôtel a reçu l'aide de djihadistes du nord du pays — donc possiblement d'Al Mourabitoune, de son allié AQMI ou encore d'Ansar Dine, allié du FLM. « Il y a une passerelle entre tous ces groupes jihadistes. En revendiquant le coup de Sévaré, Souleyman parle aussi pour les autres groupes jihadistes, » a affirmé à l'AFP une source de sécurité régionale.

Quelques jours avant ces deux dernières attaques, le centre du Mali avait déjà été touché à deux reprises : 2 soldats maliens avaient été tués le 1er août à Nampala et onze autres le 3 août à Gourma-Rharous dans une attaque revendiquée par AQMI.

Le sud du pays a aussi connu sa première attaque terroriste au début du mois de juin, à la frontière avec la Côte d'Ivoire. Interrogé à l'époque par VICE News, Pierre Boilley, le directeur de l'Institut des mondes africains (IMAF), expliquait que ces attaques sont de la « communication, les djihadistes veulent montrer qu'ils sont capables de frapper n'importe où, au Nord, au Sud, » et au centre.

À lire : Première attaque terroriste dans l'extrême Sud du Mali

Cette recrudescence d'attaques au Mali survient sept semaines après la signature d'un accord de paix et de réconciliation — fruit de longues négociations entre les mouvements rebelles du Mali (principalement la Coordination des mouvements de l'Azawad, le nom donné au nord du Mali) et le gouvernement malien.

Cet accord doit mettre fin au conflit entre ces mouvements rebelles qui réclamaient le contrôle du nord du Mali et les forces pro-gouvernementales. Pour le moment, l'accord ne semble pas avoir fait évoluer la situation dans le pays. Il doit notamment permettre le redéploiement de l'armée malienne sur l'ensemble du territoire, pour rétablir la sécurité.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray

Une rue de Sévaré (Image via Wikimedia Commons)