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Comment Justin Trudeau pourrait-il travailler avec le président Trump?

L'harmonie affronte l'apocalypse.
Justin Ling
Montreal, CA
Tous les deux ont une chevelure célèbre. C'est un point en commun... Photo : AP, Facebook

« Je vais travailler avec quiconque sera élu. »

Sept mots que le premier ministre Justin Trudeau a dû se répéter en réponse à la question incessante : Et si Trump gagnait?

Bien que Justin Trudeau se soit tenu loin du sport violent qu'est la politique chez nos voisins du sud, il n'aura maintenant d'autre choix que de s'entendre avec le président Donald J. Trump.

Sauf qu'il est difficile d'imaginer campagnes, victoires et personnalitésplus diamétralement opposées. Justin Trudeau a gagné en parlant de multiculturalisme, de protection de l'environnement et d'ouverture au monde, en plus de promettre une hausse importante de l'accueil de réfugiés syriens.

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Trump, lui, a promis la fermeture des portes pour les immigrants musulmans, la construction d'un mur à la frontière avec le Mexique, la déportation de tous les immigrants clandestins, l'annulation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

Sa campagne, et maintenant sa victoire, ont bousculé, peut-être contaminé, la politique aux États-Unis pour longtemps. La montée de Trump a été accompagnée d'une intensification de la xénophobie, de la haine, de l'islamophobie, de la misogynie et de l'antisémitisme à l'échelle du pays. Bien que la Chambre des représentants et le Sénat doivent approuver beaucoup des politiques de Trump — sur le commerce, l'immigration, les enjeux sociaux — avant qu'elles entrent en vigueur, les victoires dans chacune de ces deux chambres donneront au 45e président américain les moyens politiques de concrétiser sa vision.

Trump et Trudeau sont les deux suivants d'une longue série de présidents et de premiers ministres en désaccord sur les plans politique et personnel. En ce sens, c'est le statu quo sur ce continent. Néanmoins, comme le veut la tradition, la première visite officielle du nouveau président à l'étranger sera au Canada. Ottawa doit commencer à réfléchir aux répercussions de cette élection, et vite.

Défense

Trump s'est engagé à renverser l'ordre établi à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et à forcer les États membres, dont le Canada, à faire leur part dans la défense de l'Occident. Il a même qualifié l'organisation d'obsolète à répétition et a maintenu qu'il est ouvert à l'idée de s'en débarrasser.

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En soutenant qu'il cesserait de financer l'OTAN, Trump a présidé au gigantesque changement de politique du Parti républicain depuis son ascension à la tête du parti, qui fera grand plaisir au président russe. Vladimir Poutine avait déclaré publiquement que la Russie, en dépit de toutes les observations, n'entrait pas en Ukraine.

Le résultat de l'élection changera les politiques de l'OTAN (et du Canada) dans la région. Dans les derniers mois, Trudeau a déployé 450 soldats des Forces canadiennes en Lettonie dans le but de freiner la Russie. L'OTAN et le Canada soutiennent aussi des missions en Ukraine afin d'aider Kiev à faire reculer les séparatistes pro-russes de Donetsk et Donbass. Des missions dont la suite est maintenant incertaine.

Trump a promis qu'il intensifierait la guerre contre Daech, mais sans dire comment. Il s'est aussi engagé dans une guerre commerciale avec la Chine tant que le pays ne cessera pas de « manipuler la valeur de sa monnaie ». Une pratique à laquelle Beijing, de l'avis de la plupart des experts, a mis fin.

Pipelines

Bien qu'on décrive Trudeau comme un anti-Trump, les deux s'entendent sur au moins une chose : Keystone XL.

Trump a déclaré qu'il donnerait le feu vert à la construction du pipeline qui doit traverser la frontière entre le Canada et les États-Unis. « Je l'approuve absolument, à 100 %, mais je voudrais une meilleure entente », a-t-il affirmé à son passage au Dakota du Nord. « Je veux qu'il soit construit, mais je veux une part des profits. C'est comme ça que notre pays sera de nouveau riche. »

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Trudeau a déjà exprimé sa déception quand le président Barak Obama a refusé de donner son accord au projet.

Environnement

Mais on peut s'attendre à un dialogue de sourds au sujet des changements climatiques, un enjeu au sujet duquel Trudeau se place en progressiste et que Trump a rejeté, assurant qu'il s'agit d'un canular lancé par la Chine.

Les environnementalistes ont prévenu lundi que l'élection de Trump entraînerait un désastre planétaire en raison de sa promesse de se retirer de l'Accord de Paris, menace qu'il a le pouvoir de mettre à exécution. Un retrait des États-Unis donnerait l'occasion à d'autres pays de se retirer aussi, ce qui condamnerait à l'échec la tentative de limiter les émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Trudeau, lui, s'est posé en défenseur de cet accord, affirmant que le Canada ferait preuve de son engagement à lutter en basant ses décisions sur des données scientifiques, à collaborer avec les provinces et territoires pour y parvenir et à soutenir les pays en développement.

Échanges commerciaux

On peut dire que les accords de libre-échange auront été une cible de prédilection de Trump. Il a passé la majeure partie de sa campagne à dire aux électeurs que l'ALÉNA était « le pire accord commercial jamais conclu », promettant du même souffle de le réécrire en entier pour le rendre plus juste pour les États-Unis. Sans donner davantage de précisions.

Le Wisconson et le Michigan, deux châteaux forts démocrates de la Rust Belt ont été frappés durement par l'exode des emplois pour les cols bleus, semblent avoir été d'accord avec l'affirmation de Trump voulant que l'ALÉNA et la mondialisation soient à blâmer pour le déclin du centre des États-Unis.

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L'accord de partenariat transpacifique, que Trudeau appuie et Clinton rejette timidement, a aussi été une des cibles de Trump. Un accord commercial avec l'Europe modelé sur l'accord économique et commercial global (AECG) qu'Ottawa et l'Union européenne (et Bruxelles) viennent de ratifier semble aussi futile dans le monde antimondialiste de Trump.

Gouvernance

Le projet de Clinton d'accueillir 65 000 réfugiés syriens conjointement avec Ottawa et d'autres pays du G20 afin d'atténuer la crise des migrants que traversent le Moyen-Orient et l'Europe est mort dans l'œuf. Dans les derniers jours de la campagne, Trump a même visé la population somalienne du Minnesota, clamant que les musulmans de l'État allaient se battre aux côtés de Daech.

En décembre 2015, avant les primaires républicaines, avant que l'on considère Trump comme un candidat sérieux, un Trudeau tout juste élu a déclaré dans une rencontre organisée par le magazine Maclean's qu'il est important d'entretenir une relation positive avec la personne que les Américains choisiront comme président.

Mais il a ajouté un pertinent toutefois. « Je pense que personne ne sera surpris d'apprendre que je suis fermement opposé à la politique de la division, de la peur, de l'intolérance et de la haine. Si nous laissons des politiciens gagner avec des messages de peur, nous ne serons pas plus en sécurité. La peur ne nous renforce pas. Elle nous affaiblit. »

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