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L'incident radioactif du Mexique n'a rien d'exceptionnel

Ça arrive tout le temps, partout.

_Un conteneur de cobalt _(image publiée avec l'aimable autorisation de la__ National Commission on Nuclear Safety and Safeguards of Mexico's Energy Secretary)

Il y a quelques semaines à Tepojaco, au nord de Mexico, six bandits spécialisés dans le vol de poids lourds ont été particulièrement malchanceux. Ils espéraient simplement voler un camion, sans tenir compte de la marchandise qui se trouvait à l'intérieur. Ils ont menacé le conducteur et son passager avec une arme, avant de les éjecter et de partir au volant de leur Volkswagen Worker.

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Le plan n'a pas fonctionné comme prévu. Quelques heures après l'incident, l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA) – le chien de garde de l'énergie nucléaire de l'ONU – a annoncé que le camion transportait du cobalt-60, une substance radioactive très dangereuse utilisée en radiothérapie. La substance s'est déversée sur la route, du nord de Tijuana jusqu'à un entrepôt de déchets situé au centre de la capitale. Apparemment, les voleurs avaient détourné une cargaison de produits extrêmement dangereux. S'ils s'étaient risqués à ouvrir le conteneur qui les renfermait, leur visage se serait probablement constellé d'énormes boutons rougeâtres – et pire, ils auraient tout aussi bien pu mourir à petit feu. Même si ce genre d'incident est relativement fréquent, ce vol a alarmé les employés du siège de l'AIEA, situé à Vienne.

Cette alerte a fait paniquer tout le monde. À chaque fois qu'il est plus ou moins question de radioactivité, les médias s'empressent de couvrir l'événement avec le plus grand sensationnalisme possible, et cette histoire de vol n'y a pas fait exception. Elle s'est retrouvée sur toutes les chaînes d'information (en particulier les chaînes locales), toutes tracassées par l'explosion d'une éventuelle « bombe sale  » – une arme théorique, issue d'un mélange de produits radioactifs et d'explosifs classiques. Une chose à savoir : aucune bombe sale n'a jamais été déclenchée, et même si ça devait arriver, ce ne serait pas si grave.

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À vrai dire, le vol n'avait rien d'excitant. Malgré les avertissements diffusés à la télévision, les six voleurs n'ont pu s'empêcher d'ouvrir le conteneur qui renfermait les produits radioactifs. Peu après, l'AIEA leur a lancé un deuxième avertissement : « il est probablement dangereux de rester près de cette substance radioactive pendant plus de quelques minutes. » Peu de temps après, les six voleurs ont été retrouvés – sans doute en piteux état – dans un hôpital du centre de Mexico. La police a isolé l'établissement avant de les arrêter.

Une des trouvailles des voleurs : un yellowcake d'uranium (image via)

Cet indicent mexicain a fait couler beaucoup d'encre. Mais ce qui reste très surprenant dans cette histoire, c'est que ces choses arrivent bien plus fréquemment que vous ne pourriez le croire. L'année dernière, l'AIEA a enregistré 24 cas de vol ou de perte de matières nucléaires, principalement dans les anciens pays de l'Union soviétique. Au cours de ces 19 dernières années, 1700 incidents similaires ont été recensés, la plupart impliquant du plutonium ou de l'uranium – et ces types s'en sortent souvent aussi facilement que les potheads qui ramènent de la weed d'Amsterdam. À la différence des voleurs mexicains, les contrebandiers spécialisés dans le nucléaire en Europe de l'est savent exactement ce qu'ils recherchent.

La question qui se pose maintenant, c'est pourquoi. Selon l'AIEA, les criminels vont continuer à voler ces matériaux pour une de ces deux raisons : soit pour « un usage malveillant des matériaux nucléaires volés à des fins terroristes », soit pour le développement du « programme militaire d'un État qui souhaite posséder des armes nucléaires à tout prix ». Forcément, aucune de ces deux réponses n'est rassurante.

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Prenons l'exemple de la Corée du Nord. Cet État voyou a besoin d'un flux régulier d'uranium (et probablement de plutonium) pour mener à bien son programme nucléaire controversé. À en croire un spécialiste, le pays possède ces matériaux grâce à un réseau complexe de contrebandiers issus du monde entier. Selon une déclaration faite l'année dernière, les Nations Unies surveillent les ports des Émirats arabes unis jusqu'en Malaisie, aux Îles Caïmans et en Turquie pour observer les signes de contrebande de matériaux nucléaires en provenance de la Corée du Nord. En 2009, des rumeurs disaient que la délégation de Corée du Nord était en train de flairer d'anciennes mines d'uranium situées dans la jungle congolaise, pas loin de Shinkolobwe.

Ces documents WikiLeaks montrent à quel point les États-Unis et d'autres pays s'inquiètent à ce sujet. Les agences américaines ont installé des détecteurs de radiation sur toutes les frontières mondiales. À en croire ces documents, un diplomate américain doit partir mener l'enquête dès lors qu'un de ces détecteurs s'active – peu importe l'heure et le pays où il se trouve. Selon un autre document, les alarmes se sont déclenchées au moins 500 fois au cours de ces dernières années. Dans des pays comme la Géorgie (où le transport de matières nucléaires est particulièrement fréquent), les détecteurs sont d'une aide très précieuse – même s'ils donnent souvent lieu à de fausses alertes. Aujourd'hui, les États-Unis prévoient d'acheter des drones capables de détecter le niveau des radiations autour des zones de contrebande.

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La Moldavie est une autre zone sensible. En 2010, la police a saisi 1,8 kilos de yellowcake d'uranium dans la capitale de Chisinau. Les contrebandiers avaient prévu de se faire 8 millions d'euros en vendant la marchandise à un régime douteux (cf. la vidéo ci-dessus). En juin dernier, l'AIEA a évoqué un raid de la police en 2011 à Chisinau – ils avaient chopé un mec dans une « rue bordée d'arbres dans le centre de la capitale », et ont saisi « quelques grammes d'uranium fortement enrichi » – à savoir les composantes de base pour construire une bombe. À ce moment-là, le patron de la sécurité de l'AIEA, Khammar Mrabit, a déclaré être surpris par les connaissances techniques des voleurs. Il a aussi évoqué son inquiétude quant à la « grande organisation de ces criminels, prêts à faire du trafic de produits nucléaires et à utiliser des conteneurs protégés pour échapper aux systèmes de détection. »

Les gouvernements sont souvent directement impliqués dans ce genre d'affaires. Vous n'êtes peut-être pas au courant, mais quatre hommes se sont récemment faits coincer en Allemagne pour avoir envoyé les pièces d'un réacteur vers l'Iran, afin d'aider la République Islamique à mener à bien son programme nucléaire. En travaillant avec des sociétés iraniennes situées en Azerbaïdjan et en Turquie, ils ont piégé les autorités allemandes en leur faisant croire que ces équipements étaient destinées à servir des programmes anodins. Les espions américains ont renseigné les Allemands, qui ont ensuite trouvé des centaines de documents compromettants à Hambourg, Oldenburg et Weimar. Ils ont aussi eu accès au contenu d'une boîte mail particulièrement chelou, dont l'adresse est ghost18273@hotmail.com.

À Mexico, les spécialistes ont mis au point un robot qui a permis de déplacer le cobalt abandonné par les voleurs dans un champ de maïs. Un fermier a été envoyé à l’hôpital parce qu'il présentait les symptômes d'une maladie radioactive.  Alors la prochaine fois que vous mettrez un pied en Moldavie, faites gaffe aux  moustachus suspects qui se servent encore de leur adresse Hotmail.

Suivez Alex sur Twitter : @alexchitty