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Crime

DSK relaxé dans l’affaire du Carlton

L’ancien patron du Fonds monétaire international était poursuivi, avec 12 autres personnes, pour « proxénétisme aggravé en réunion ». Sa relaxe, attendue, avait été demandée par le parquet.
Photo par Michel Spingler/AP

Le tribunal correctionnel de Lille a rendu son jugement, ce vendredi midi, dans l'affaire dite « du Carlton », dans laquelle étaient poursuivies 14 personnes dont 13 pour « proxénétisme aggravé en réunion », parmi lesquelles l'ancien directeur général du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn. « DSK », comme il est surnommé, a été relaxé comme la plupart des prévenus. Il encourait 10 ans de prison et 1,5 million d'euros d'amende.

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Procès parmi les plus médiatiques de ces dernières années en France, l'affaire du Carlton a été mentionnée ce vendredi jusque dans l'Assemblée nationale, qui a voté au même moment pour une proposition loi visant à punir les clients des prostituées et non les prostituées elles-mêmes. Dans le même temps, les juges de DSK justifiaient sa relaxe car il « a eu un comportement de client, non répréhensible par la loi pénale », comme le rapporte une journaliste du Monde présente ce vendredi au tribunal.

Les accusations de proxénétisme aggravé dont faisaient l'objet les prévenus sont liées à leur présence à des orgies auxquelles ont pris part plusieurs prostituées, entre 2008 et 2011. Elles avaient lieu notamment à l'hôtel Carlton de Lille — qui a donné son surnom à l'affaire — mais aussi à Paris ou à Washington. L'enjeu du procès était de savoir si les prévenus faisaient partie d'un réseau de proxénétisme ou s'ils ignoraient que les femmes présentes lors de ces orgies étaient des prostituées.

Dominique Strauss-Kahn a toujours nié savoir que ces femmes se prostituaient et disait les considérer comme des « libertines ». À l'issue des trois semaines d'audiences qui ont eu lieu en février 2015, le parquet avait requis la relaxe pour Dominique Strauss-Kahn et plusieurs autres prévenus. Deux prostituées avaient par ailleurs renoncé aux poursuites contre DSK au cours du procès.

Quatre ans après le début de l'affaire, seul René Kojfer, le chargé des relations publiques de l'hôtel Carlton et de l'hôtel des Tours, à Lille, a été condamné à un an de prison avec sursis pour proxénétisme, sans la circonstance aggravante de la réunion. Le tribunal a jugé qu'il avait aidé cinq femmes à se prostituer, ce qui correspond à la définition judiciaire du proxénétisme en France. Ce délit est défini par le fait « d'aider », « d'assister », « de protéger » ou « de tirer profit » de la prostitution de personnes.

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Une autre figure de ce procès, Dominique Alderweireld, alias « Dodo la Saumure », qui possède plusieurs bars à hôtesses en Belgique, a été relaxé, ainsi que sa compagne, Béatrice Legrain. Le procureur avait respectivement requis contre eux deux ans de prison, dont un ferme, et trois mois de prison avec sursis.

Les autres prévenus relaxés des accusations de proxénétisme étaient pour la plupart d'autres personnalités locales, comme le commissaire Jean-Christophe Lagarde, les entrepreneurs Fabrice Paszkowski et David Roquet, l'avocat Emmanuel Riglaire, ou les anciens responsables du Carlton Hervé Franchois et Francis Henrion. Le parquet avait requis contre eux des peines de prison avec sursis, sauf pour Jean-Christophe Lagarde, pour qui la relaxe avait été requise. Fabrice Paszkowski et David Roquet ont en revanche été condamnés à des peines de prison avec sursis pour les délits financiers liés à l'affaire, et non pour proxénétisme.

Au cours des audiences de février, de nombreuses critiques ont été adressées aux juges d'instruction, à la fois par les avocats de la défense mais également par le ministère public. Les juges d'instruction ont été accusés d'enquêter uniquement à charge sur les prévenus et d'avoir raisonné en termes de morale plutôt qu'en termes de droit. Le procureur, dans son réquisitoire de février, leur a par exemple reproché de considérer que certaines pratiques sexuelles ne pouvaient être effectuées que par des prostituées, et que donc les prévenus savaient qui étaient ces femmes.

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Dans le prononcé du jugement de ce vendredi, le tribunal a plusieurs fois critiqué l'instruction « subjective » du dossier. À propos des accusations portées contre DSK, le jugement énonce que « La connaissance [des activités de prostituées] ne saurait se déduire de ses pratiques sexuelles ou de ses fonctions au FMI, » rapporte la journaliste du Monde sur place.

— pascale robert-diard (@robert_diard)June 12, 2015

Le jugement de l'affaire du Carlton est intervenu alors que les députés français votaient, en deuxième lecture, en faveur d'une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la prostitution. Le président de la commission spéciale de l'Assemblée nationale pour ce texte de loi, Guy Geoffroy, a fait référence, ce vendredi matin, au jugement du procès du Carlton, en considérant qu'il « n'y a pas de prostitué(e) heureux ou heureuse ».

Les députés français veulent introduire dans la loi la pénalisation des clients de prostitué(e)s — par une amende de 1 500 euros — et supprimer le délit de racolage, créé en 2003. Ils sont en profond désaccord avec les sénateurs, qui avaient voté, en première lecture, pour une proposition entièrement opposée, qui conservait le délit de racolage et supprimait la pénalisation des clients. Désormais, c'est à nouveau au Sénat de se prononcer pour une deuxième lecture. Si le désaccord persiste entre les deux chambres parlementaires, ce sera l'Assemblée qui aura le dernier mot.

À lire : La France se demande s'il faut punir les prostituées ou leurs clients

Suivez Matthieu Jublin sur Twitter : @MatthieuJublin